Je me suis beaucoup interrogée sur les articles que je souhaite écrire, les livres dont je veux parler.

Dois-je faire un article pour chaque livre ? Ou uniquement ceux qui m'ont vraiment plu ?

La réponse je l'ai trouvé en pensant à mon club de lecture ; nous y sommes pour parler de tous les livres que nous lisons, pour échanger, discuter, alors comme l'idée est de faire un peu pareil ici, j'ai décidé de tout mettre. Il y aura donc des articles courts, des plus longs, des passionnés et des plus ternes. Certains vous donneront peut-être envie de lire le livre concerné, d'autres vous donneront peut-être envie de me convaincre...

Alors soyez indulgents, et surtout n'hésitez plus à faire un commentaire !

Au plaisir de (vous) lire.

lundi 30 avril 2018

"Poupée volée" de Elena Ferrante


Leda, 47 ans, part seule en vacances au bord de la mer.
Ses deux filles, adolescentes, vivent avec leur père au Canada.
Sur la plage elle se retrouve proche d'une grande famille qui prend beaucoup de place et d'espace. Dans cette famille se trouve une jeune mère, Nina, qui s'occupe beaucoup de sa petite fille de 3 ans, Elena.
Elena a une poupée qu'elle chérit et dont elle prend très grand soin comme s'il s'agissait un vrai bébé.

Sans le vouloir Leda va entrer en interaction avec cette famille un peu spéciale, et en particulier lorsque la poupée d'Elena va disparaitre.

Ce roman d'Elena Ferrante a été publié avant la série bien connue de "L'amie prodigieuse", mais on y retrouve des thèmes que visiblement elle affectionne comme les relations mère-fille avec une dualité qui est plus dans le "contre" que le "avec", la jalousie entre femmes, l'abandon d'enfant, la séparation du couple...
C'est comme si la temporalité d'un couple ne pouvait pas durer, comme si il était extrêmement difficile pour une femme d'être la mère d'une fille.
Notre héroïne a visiblement souffert de sa relation avec sa propre mère, est-ce cela qui l'a empêchée d'avoir des relations "normales" avec ses propres filles, ou qui l'empêche de regarder une autre relation sereinement ?

Je ne sais pas dire si j'ai aimé ce livre car après "les jours de mon abandon" qui m'avait déçu et "l'amie prodigieuse" que j'ai beaucoup aimé, je trouve que l'on tourne un peu en rond sur des sujets plus que rebattus par l'auteur.
Cela dit ce roman a été écrit avant la série, qui du coup parait beaucoup plus aboutie.

Je ne me suis pas franchement attachée à Leda mais j'ai compris son malaise, et je ne voudrais pas la juger trop rapidement, elle agit probablement beaucoup trop impulsivement (ça arrive même aux meilleurs 😝), elle a visiblement un profond mal-être qui vient peut-être d'avoir été mal-aimé. Je ne suis pas sure qu'elle soit si mauvaise que ça au fond. C'est comme si elle agissait pour pousser les autres à la réaction.

Avis mitigé, un livre qui à mon avis ne me laissera pas grand chose et que j'aurais vite oublié.

Folio, 196 pages.

dimanche 29 avril 2018

"La voie royale" de André Malraux


Ma découverte récente de Siem-Reap et des temples d'Angkor m'a fascinée et m'a donnée envie de lire et découvrir un peu plus le Cambodge et ses temples.
Bien entendu on ne peut pas passer à côté de Malraux venu découvrir lui-même ces temples et qui a même tenté d'en ramener des sculptures, ce qui lui a valu une arrestation et ainsi de passer quelques mois supplémentaires dans ce magnifique pays.

De son expérience il a tiré ce livre qui nous raconte le périple de Claude Vannec, archéologue, parti sur les traces de la "voie royale" afin de rapporter en France des bas-reliefs sculptés.

Le livre se déroule en 4 parties distinctes. Tout d'abord le voyage en bateau au cours duquel Claude Vannec rencontre le célèbre aventurier Perken à qui il finira par proposer de l'accompagner au cours de son expédition. Ce même Perken a non seulement grand besoin d'argent mais il est aussi à la recherche d'un autre de ses comparses, Grabot, qui a disparu dans la jungle.
La deuxième partie nous relate ce voyage entrepris par les deux aventuriers sur cette fameuse "voie royale", la découverte de temples, la difficultés de récupérer ces fameuses pierres.
Au cours de la troisième partie nos aventuriers se retrouvent dans un village moïs, où ils découvrent toute l'horreur de la sauvagerie.
La dernière partie nous conte le retour tragique des deux hommes.

Bien que le livre soit assez court il m'a fallu un certain temps pour en venir à bout. Dès le départ le sujet m'enchantait ; revivre les découvertes faites lors de mon voyage, avoir des images à mettre sur des mots, tout cela m'excitait beaucoup. Cependant je ne m'attendais pas à une lecture aussi ardue, j'ai été assez surprise de la complexité de certaines phrases qu'il a fallu que je relise plusieurs fois pour parfois finalement ne pas les comprendre...
J'ai aimé l'histoire dans son ensemble mais cette écriture compliquée et difficile m'a un peu gâché le plaisir, et pourtant Malraux nous permet de retrouver la luxuriance de la forêt, le vert des feuilles, le bruit des insectes et des oiseaux, la chaleur moite qui envahit tout, l'ambiance est là, merveilleuse de beauté et de résistance.

Donc un livre qui m'a plu par l'histoire qu'il nous offre, les paysages, les descriptions de la forêt mais aussi de cette époque folle où tout était permis, où tout était à découvrir, avec un bémol pour le style parfois trop compliqué pour moi.

Le Livre de Poche, 223 pages.

samedi 28 avril 2018

❤️❤️ "Retour à Killybegs" de Sorj Chalandon


"Maintenant que tout est découvert, ils vont parler à ma place. L'IRA, les Britanniques, ma famille, mes proches, des journalistes. [...] Certains oseront vous expliquer pourquoi et comment j'en suis venu à trahir. [...]"

Ainsi débute le livre, par la confession de Tyrone Meehan, le héros de notre histoire. On le sait tout de suite, il était membre de l'IRA, l'armée républicaine irlandaise, et il a trahi.
Nous sommes en décembre 2006, il est de retour dans son village natal, Killybegs, et il s'apprête à mourir. Et depuis cet exil dans sa maison d'enfance, il revient sur son passé, sur son histoire, sur ce qui l'a amené aujourd'hui à être là, dans cette position plus que délicate, à 80 ans passés.

Tyrone vient d'une famille catholique, pauvre ; il a de nombreux frères et soeurs, une mère dévouée, un père profondément irlandais mais aussi violent et spécialement lorsqu'il a bu.
Adolescent il se retrouve à Belfast en territoire occupé par les anglais, et c'est tout naturellement qu'il va petit à petit faire ses premiers pas pour devenir membre à part entière de l' IRA.

L'IRA, tous des terroristes, des assassins.... c'est ce que j'ai toujours entendu, cru, pensé.
Il faut dire qu'enfant, puis plus tard adulte, je ne m'étais jamais vraiment intéressée au sujet ni posée la question.
Mais là, en lisant le roman de Sorj Chalandon j'ai été transporté "de l'autre côté", dans le camp des soi-disant méchants. Et sans excuser les assassinats et attentats on découvre le pourquoi, on découvre que de l'autre côté il y a des êtres humains qui eux aussi souffrent, sont mal traités et se battent pour une cause qui leur est chère.

Un récit brillant, touchant, mené d'une main de maitre encore une fois par un Sorj Chalandon qui décidément jamais ne nous déçoit.
Un livre que j'ai énormément aimé, un sujet passionnant, déroutant, perturbant. J'ai appris beaucoup de choses sur ce conflit entre irlandais et anglais, entre protestants et catholiques.
On y apprend aussi la loyauté, au delà de tout, et jusqu'à la trahison.

Livre de Poche, 332 pages.

vendredi 27 avril 2018

"Les rêveurs" de Isabelle Carré


"Voilà comme un seul geste a déterminé nos vies. Si Claire ne s'était pas précipitée, toute cette histoire n'existerait pas, et moi non plus. Je suis le fruit d'un malentendu, d'une lettre déchirée trop vite."
"Ou plutôt la rencontre de deux malentendus, mon père ne pouvant s'avouer quelle sorte de vie il souhaitait déjà, et ma mère jetant sa dernière chance au panier. Le fruit de deux orgueils blessés, qui se sont réchauffés un moment."

✿✿✿


Étant très peu cinéphile, je dois avouer que le nom d'Isabelle Carré ne me disait que vaguement quelque chose et de ce fait je n'ai pas voulu tout de suite aller voir qui elle était afin de lire ce roman "vierge" de tout préjugé. Ce n'est qu'après avoir terminé sa lecture que je me suis laissée aller à ma curiosité et bien entendu j'ai reconnu son visage.

Isabelle Carré raconte son enfance, son vécu et sa place dans sa famille en nous parlant principalement de ses parents. C'est son histoire vraie émaillée de petites touches romanesques pour les parties dont elle n'a jamais eu connaissance.

Ses parents sont issus de milieux diamétralement opposés. Sa mère vient d'une famille très bourgeoise et son père d'une famille plus pauvre de garde-barrière. 
Ils sont artistes dans l'âme et chacun d'eux porte au fond de lui un mal-être puissant qui va les diriger dans leurs différents choix de vie.

Leur rencontre tient à un hasard, mais elle tient aussi à ce qu'ils ont fait et ce qu'ils veulent faire/être.

Des parents qu'elle nous montre un peu égoïstes et tournés sur eux-mêmes, comme si les enfants ne passaient qu'après, voir ne comptaient pas vraiment. Isabelle a deux frères, l'aîné est à peine plus agé qu'elle et le second a quelques années de moins. Dans cette histoire on comprend l'importance du frère aîné dans la construction de la famille et même plus, dans sa raison d'être.
Le petit frère, lui est assez absent de ce texte. Est-ce un souhait de sa part à lui, un souhait de l'auteur ou un résultat non recherché et qui pourrait être interprété de plusieurs façons.
J'aurais presque aimé que ce livre soit écrit à plusieurs voix, l'avis, le ressenti des frères, leur vécu à eux me manquent.
Et bien sûr la version des parents auraient été encore plus intéressantes, elle aurait surement apporté une perspective différente, sans forcément les dédouaner de leurs comportements.

J'ai plutôt été agréablement surprise par ce livre que j'ai beaucoup apprécié. L'écriture est à la fois légère et précise sans guimauve. J'ai trouvé très intéressant le message de ce que l'on est par rapport aux choix de vie, que nos actes ont des conséquences.

Un joli livre plein de tendresse et d'amour.    

Grasset, 300 pages.

 #LesRêveurs #NetGalleyFrance

mardi 17 avril 2018

"L'Art de perdre" de Alice Zeniter


GONCOURT DES LYCÉENS 2018

"L'Algérie les appellera des rats. Des traîtres. Des chiens. Des terroristes. Des apostats. Des bandits. Des impurs. La France ne les appellera pas, ou si peu. La France se coud la bouche en entourant de barbelés les camps d'accueil. Peut-être vaut-il mieux qu'on ne les appelle pas."

✿✿✿

C'est l'histoire de la lente et douloureuse mutation d'une famille algérienne qui traverse les guerres et aléas du XXème siècle.
D'un petit paysan des montagnes de l'arrière-pays qui deviendra un homme riche grâce à ses plantations d'oliviers, via les camps français et les barres HLM des banlieues des villes françaises et jusqu'aux attentats de notre monde moderne ; c'est toute une trajectoire liée à des choix, des peurs, mais aussi et surtout à l'Histoire et ses perversions.

Ali est un petit garçon qui vit dans la montagne d'une Algérie française. En grandissant il devient, avec ses frères, entrepreneur ; ils possèdent une plantation d'oliviers qui leur permet de fabriquer de l'huile.
Au cours de la seconde guerre mondiale il se bat en Italie "pour" les français.
Sa vie est suit son cours, lentement, des enfants naissent, poussent, grandissent, jusqu'à ce que les premiers attentats secouent le pays, le FLN, l'indépendance réclamée et tout à coup ne plus savoir où l'on doit se placer, qui l'on est ; la peur qui entre en jeu, la confiance envers un peuple pour qui l'on s'est déjà battu... devenir un traitre sans le vouloir quel que soit le camp.

Et voilà Ali qui quitte l'Algérie pour protéger et sauver sa famille, ses enfants.
Une famille qui du jour au lendemain perd tout, sa maison, ses repères, sa langue, un patriarche qui devient juste un vieil homme sans plus aucun pouvoir ni autorité ; une chute violente, inattendue, impossible.

Et puis c'est Hamid, le fils ainé, né en Algérie mais qui finalement grandira en France, dans la honte des camps, dans la honte de la déchéance de son père, dans l'incompréhension de ses choix.
Mais aussi un jeune homme qui grandira en France, à l'école, loin de la religion et de sa langue maternelle. Un jeune homme qui épousera une française, une "blanche", qui sera proche du reniement de sa famille, de sa foi, de "son" pays.

Et la petite fille, née en France, mais baignée dans une culture qu'elle ne sait pas être sienne, une ambivalence compliquée, un prénom sans ambiguïté mais une langue qu'on ne sait pas parler.
La possibilité d'un retour, d'une rencontre ... ou pas.

Sur 3 générations Alice Zeniter nous emmène dans l'intimité de cette famille, mais aussi et surtout dans l'intimité de la vie de milliers de harkis, d'un peuple qui s'est retrouvé face à des choix cornéliens, qui n'est "ni...ni...", et surtout pas les deux, bref comme un immense sacrifice d'âmes humaines sur plusieurs générations avant de (re)trouver sa place.

Je partais très méfiante sur ce roman car mes premières rencontres avec Alice Zeniter n'ont pas été très réussies. Mais là je dois reconnaître qu'elle mérite son prix et pour plusieurs raisons.
Dans la société actuelle il est plutôt intéressant de rappeler ce que la France a fait dans ses "colonies", rappeler d'où certaines personnes viennent et l'importance de ne pas faire d'amagalme sur une couleur de peau, un nom ou une origine.
Finalement je ne connaissais pas grand chose de cette guerre d'Algérie et on découvre peu à peu de plus en plus de choses pas très jolies qui ont été faites pendant et après le conflit. Les promesses, les mensonges, une certaine honte.... (on peut relire "Un loup pour l'homme" de Brigitte Giraud)
Un livre important pour l'Histoire, pour la Mémoire.
"Ils attribuent ce nouveau déchirement à leur malchance, à la cruauté du hasard ou aux nécessités d'un monde du travail qu'ils connaissent mal. Personne ne leur explique que le Service des Français musulmans, rattaché au tout nouveau ministère des Rapatriés, a recommandé qu'on veille « à ne pas mettre dans les hameaux des familles de même origine » car cela « amène inévitablement, en cas de difficulté, les membres de cette famille à faire bloc, et de ce fait à opposer une résistance accrue en cas d'application de mesures de discipline »."
"Ils parlent de moins en moins à leurs parents, de toute manière. La langue crée un éloignement progressif. L'arabe est resté pour eux un langage d'enfant qui ne couvre que les réalités de l'enfance. Ce qu'ils vivent aujourd'hui, c'est le français qui le nomme, c'est le français qui lui donne forme, il n'y a pas de traduction possible. [...] Ali et Yema regardent l'arabe devenir langue étrangère pour leurs enfants, ils entendent les mots qui échappent de plus en plus, les approximations qui se multiplient, le français qui vient truffer la surface des paroles."
 "Le soir du 13 novembre, Naïma est au cinéma  [...]  Elle pleure sa mort puis, tout en se reprochant son égoïsme, elle pleure sur elle-même, ou plutôt sur la place qu'elle croyait s'être construite durablement dans la société française et que les terroristes viennent de mettre à bas, dans un fracas que relaient tous les médias du pays et même au-delà.  [...]  Ce n'est pas, comme le croit Naïma, un dommage collatéral, c'est précisemment ce qu'ils veulent : que la situation devienne intenable pour tous les basanés d'Europe et que ceux-ci soient obligés de les rejoindre."
Flammarion, 506 pages.

jeudi 5 avril 2018

"Couleurs de l'incendie" de Pierre Lemaitre



Dans ce deuxième roman de cette série un peu spéciale de Pierre Lemaitre, nous retrouvons Madeleine, la soeur d'Édouard, un des deux héros de "Au revoir là-haut".
Son père vient de mourir et le jour de l'enterrement son jeune fils tombe du deuxième étage sur le cercueil de son grand-père.
Sans mauvais jeu de mot c'est le début de la descente en enfer pour Madeleine qui va tout perdre.
Le crash boursier de 1929 ne l'épargnera pas, et son entourage non plus.

Mais elle fera tout pour se relever et surtout pour se venger.
Une famille qui décidément ne manque pas d'imagination pour arriver à ses fins.

Même si la langue est toujours aussi agréable à lire et la narration très alléchante, j'ai été un tout petit peu moins emballée par celui-ci.
Est-ce la proximité de lecture des deux romans ?
Peut-être tout simplement l'histoire, celle d'Au revoir là-haut m'avait totalement emportée et j'avais vraiment beaucoup aimé l'originalité de l'histoire, de l'arnaque et surtout le lien entre Albert et Edouard que j'avais trouvé magique et extrêmement bien décrit.

Ici les personnages sont, pour moi, un peu moins attachant même si ils ont du caractère et de la personnalité.
Malgré tout un super livre, une période d'entre-deux-guerres très intéressantes, un vrai bon moment de lecture.

Albin Michel, 544 pages.

mercredi 4 avril 2018

❤️❤️ "Ces rêves qu'on piétine" de Sébastien Spitzer



La fin de la seconde guerre mondiale approche, des colonnes de réfugiés des derniers camps de concentration sinuent dans la campagne, ce sont les derniers témoins à éliminer absolument.
Parmi ces réfugiés un rouleau de cuir fermé par une ficelle circule, dans ce rouleau des lettres. Elles sont le témoignage des camps, de l'abomination, mais aussi le témoignage de la plus grosse imposture du Reich.
Chacun, qui sera en charge du rouleau, rajoutera sa lettre, son mot, son message, jusqu'au dernier, jusqu'à Ava, cette petite fille rescapée, qui ne parle pas (encore) mais qui a tant vu, tant vécu.

Pendant ce temps à Berlin les derniers représentants du Reich se préparent aussi à disparaitre, la chancellerie sera bientôt prise par les russes qui arrivent.
Adolf et Eva se marient et se suicident, la famille Goebbels est présente, ce qu'il en reste. Magda et ses 6 enfants (l'aîné est prisonnier des russes), son aide de camp, le radio, le médecin, et le "rat" son époux fanatique.
Magda attend le "moment", elle n'en peut plus, sait que c'est la fin. Et elle se remémore...
Ses origines de fille bâtarde, une enfance isolée, pauvre, le pensionnat. Son ami-amour aussi, Viktor, le sioniste, son père adoptif... elle aura tout renié pour être "la première", pour être sur le devant de la scène.
Magda a été bouleversé par un livre écrit par un soldat de la première guerre, "À l'Ouest, rien de nouveau" de Remarque, livre qu'elle a mis longtemps a lire, et puis elle est allée voir l'adaptation cinématographique, avec son ami Viktor, et lors de cette représentation elle a aperçu pour la première fois celui qui deviendrait son mari, Joseph Goebbels. Il n'était pas là pour regarder le film mais pour dénoncer le traitre qui avait écrit le livre, le traitre qui critiquait la guerre...
Plus rien ne l'arrêtera, elle rentrera au parti et réussira à devenir ce qu'elle voulait, la première femme du pays, du Reich, une femme de pouvoir, pour cela elle a tout écrasé.

On pourrait se dire qu'il s'agit encore d'un livre sur la seconde guerre mondiale, le nazisme et les camps de concentration ; alors oui bien sur on retrouve l'horreur de toute cette guerre mais la construction de ce roman est assez originale et très intéressante.
Il y a une alternance de chapitres qui nous emmène de Magda Goebbels - dans son bunker et ses souvenirs - aux rescapés des camps qui transportent et transmettent un certain témoignage, et au milieu de ces chapitres il y a les lettres de Richard Friedländer à sa fille.

Un premier roman tout à fait réussi, où l'Histoire se mêle au romanesque dans une fresque terrible. C'est profond, puissant et tellement différent. Découverte d'un personnage important de notre Histoire contemporaine.
"Vous êtes l'incarnation de notre pire ennemi : l'oubli."
"Richard Friedländer a été. Il a lié son destin à celui de votre famille. Je suis Markus Yehuda Katz, fils de Salman et d'Olga Sternell. Et cette chaîne de mots, de moi, de nous, de noms infalsifiables, vous rattrapera, où que vous soyez. Il n'y aura pas d'oubli. Nous sommes le peuple qui doit durer, celui qu'on ne peut pas éteindre..."
Les éditions de l'Observatoire, 305 pages.

dimanche 1 avril 2018

"Le pingouin" de Andreï Kourkov



Victor vit seul avec son pingouin dépressif - Micha - qu'il a adopté au zoo de Kiev (ce dernier n'avait plus les moyens de nourrir toutes ses bêtes...).
Il est journaliste sans emploi et s'ennuie.
Mais bientôt le patron d'un grand quotidien lui demande un travail assez particulier, il doit écrire la nécrologie de personnes encore vivantes, ce sont ses "petites croix". Il va commencer par choisir des noms au cours de ses lectures de journaux, puis petit à petit son patron va lui remettre des listes de noms avec chacun une partie spécifique à inclure. Victor est assez bon dans son travail et il écrit de très belles nécrologies mais lorsque ses "chroniqués" commencent à mourir il se demande dans quelle mesure il est responsable.

Peu à peu autour de Victor apparaissent des personnages secondaires un peu mystérieux, il y a l'homonyme du pingouin, Micha, avec sa fille Sonia, puis un policier avec lequel il ira fêter le nouvel an dans sa datcha.

De drôles de rencontres, un peu de mystères, comme une lenteur extrême dans le monde de Victor pendant qu'autour de lui tout va très vite.
Il y a des coups de feu, des morts, des disparitions, la mafia....

Nous sommes dans une Ukraine post-URSS où les règles sont parfois bien étranges, où on ne sait plus trop qui fait la loi, où il faut se réapprendre et faire confiance, mais comment et à qui ? C'est parfois glaçant...

C'est totalement absurde et en même temps le message est là, nous vivons dans un monde de fou, est-il possible de s'adapter à tout ?
J'ai aimé cette extravagance qui peu à peu devient l'ordinaire et le normal.
C'est très bien écrit et très agréable à lire.
Très envie de découvrir d'autres romans de cet auteur... à suivre
"Ne voulant pas le bousculer, il resta encore assis une vingtaine de minutes à méditer sur le passé récent et à envisager l'avenir. Sa vie lui semblait paisible, malgré l'épisode alarmant qui lui avait valu de passer le réveillon terré dans la datcha de Sergueï. Tout allait bien pour lui, du moins en apparence. À chaque époque sa "normalité". Ce qui, auparavant, semblait monstrueux, était maintenant devenu quotidien, et les gens, pour éviter de trop s'inquiéter, l'avaient intégré comme une norme de vie, et poursuivaient leur existence. Car pour eux, comme pour Victor, l'essentiel était et demeurait de vivre, vivre à tout prix."
Liana Levi Piccolo, 274 pages. (j'ai beaucoup aimé le format du livre qui tient bien dans la main et est très agréable à tenir et donc à lire, ce qui à l'heure du numérique a de son importance !)