mardi 19 juillet 2016

"Ecoute la pluie" de Michèle Lesbre


"Son sourire vous a donné quelque chose qu'il faut garder."

Petit roman court sur les heures d'errance d'une femme au cours d'une nuit.

En fin de journée, elle part prendre le train pour rejoindre son homme au bord de l'océan, mais pendant qu'elle attend son métro sur le quai, un vieux monsieur lui fait un sourire et se jette sous la rame qui arrive.
Cet évènement va la bouleverser, elle partira dans les rues de Paris et refera sa vie, se posant des questions sur son passé, son avenir - doit-elle rejoindre son amant ? Doit-elle l'appeler ?

Une écriture plutôt agréable, malgré un récit pas toujours passionnant, mais heureusement suffisamment court, la lecture se fait en une heure ou deux, de quoi passer un bon moment après le déjeuner avec un café.

Elle parle de son grand-père (ça me parle, ça me touche, ça m'émeut) :
"Lorsqu'il est mort, longtemps après ces balades initiatiques, j'ai posé un baiser ému sur son front glacé dans le sous-sol d'un hôpital. J'avais atteint l'âge adulte depuis déjà bien des années, mais j'étais la petit-fille aimante de cet homme qui m'avait tant appris en le regardant vivre. Je me demande si ce n'est pas cet amour qui m'a permis tous les autres."



"Ma mère du Nord" de Jean-Louis Fournier


Je m'étais pourtant promis de ne plus lire Jean-Louis Fournier...
Je me suis bêtement laissé conseiller de lire son dernier livre.
Après sa femme, ses enfants, ... il nous parle de sa mère.
Après nous devrions avoir le petit chat, le lapin, sa première dent de lait...
OK je ne suis pas cool, mais à ce niveau là moi aussi je peux écrire un bouquin sur chacun des membres de ma famille, si encore l'écriture était étonnante, magnifique, magique, mais non c'est juste totalement inintéressant, ennuyeux....
Bref vous l'aurez compris, je ne le recommande pas donc je ne m'étends pas.
Suivant....


vendredi 1 juillet 2016

❤️❤️ "Et tu n'es pas revenu" de Marceline Loridan-Ivens


GRAND PRIX DES LECTRICES ELLE

"J'ai vécu puisque tu voulais que je vive. Mais vécu comme je l'ai appris là-bas, en prenant les jours les uns après les autres." 

Marceline Loridan-Ivens, née Rozenberg d'un père juif polonais ayant fui les pogroms, nous livre une histoire poignante, d'une grande sensibilité et magnifiquement écrite. 
A 15 ans elle est arrêtée et déportée avec son père, d'abord Avignon, puis Marseille et finalement Auschwitz pour lui et Birkenau pour elle.
Dans ce court récit, rédigé comme une lettre à son père, Marceline nous narre son histoire, le manque de son père.

Dès le début le ton est donné :
"J'ai été quelqu'un de gai, tu sais, malgré ce qui nous est arrivé. Gaie à notre façon, pour se venger d'être triste et rire quand même."
Dans le train qui les mène à la séparation le père dit à sa fille :
"Toi tu reviendras peut-être parce que tu es jeune, moi je ne reviendrais pas."
Cette prémonition hantera Marceline longtemps, et lui donnera toujours le sentiment que c'était elle ou lui. 

Marceline nous parle de sa "vie" au camp :
"Là-bas, c'est le contraire, on perd d'abord les repères d'amour et de sensibilité. On gèle de l'intérieur pour ne pas mourir. Là-bas, tu sais bien, comme l'esprit se contracte, comme le futur dure cinq minutes, comme on perd conscience de soi-même."
"J'avais participé à la construction de la deuxième rampe du crématoire où venaient d'être poussés leurs enfants. J'allais maintenant trier leurs vêtements." 
Son père réussit à lui faire passer un mot :
"Ta lettre aussi arrivait trop tard. Elle me parlait probablement d'espoir et d'amour mais il n'y avait plus d'humanité en moi, j'avais tué la petite fille,  je creusais tout près des chambres à gaz, chacun de mes gestes contredisait et enterrait tes mots. J'étais au service de la mort."
"J'avais perdu tout repère. Il fallait que la mémoire se  brise, sans cela je n'aurais pas pu vivre."
Puis de retour à Paris, elle sait qu'elle ne reverra pas son père :
"A tous ceux qui dans le hall consultaient les listes [...] à la recherche de leurs disparus, je répétais, "Tout le monde est mort [...] Il y avait des enfants ? Pas un enfant ne reviendra." Je ne prenais pas de gants, je ne les ménageais pas, j'avais l'habitude de la mort. J'étais devenue dure [...] survivre vous rend insupportables les larmes des autres. On pourrait s'y noyer."
 "Mais j'étais ailleurs. Agrippée à toi, c'est à dire au néant."
"Michel et Henriette sont morts de ta disparition [...] Je suis la survivante. Je sais où tu es mort et pourquoi. J'ai surtout des bouts de toi qui n'appartiennent qu'à moi. Tes derniers pas, tes derniers mots même si je les ai oubliés, tes derniers gestes, tes derniers baisers."
Lorsqu'elle est dans sa prison à Avignon, elle écrit sur le mur de sa cellule de Sainte-Anne "C'est presque un bonheur de savoir à quel point on peut être malheureux"
"Je t'aimais tellement que j'étais heureuse d'être déportée avec toi. Et je peux le dire encore. Car avec le temps, l'ombre des camps sur ma vie se confond avec ton absence. Et c'est d'avoir vécu sans toi qui me pèse."
"J'avais presque seize ans et je m'affichais gaulliste, ma codétenue résistante était communiste, elle m'avait demandé pourquoi je ne l'étais pas. "Parce que je n'aime pas le peuple, c'est lui qui fait les pogroms", avais-je répondu."
Et à propos des enfants et de sa vie :
"Je n'ai jamais eu d'enfants. Je n'en ai jamais voulu. [...] Le corps des femmes [...] a été pour moi définitivement défiguré par les camps. J'ai en horreur la chair et son élasticité. J'ai vu là-bas s'affaisser les peaux, les seins, les ventres, j'ai vu se plier, se friper les femmes, le délabrement des corps en accéléré. Jusqu'au déchaînement, au dégoût et jusqu'au crématoire."
""Finalement tu avais épousé ton père" [...] Il n'avait pas pris ta place, elle était imprenable, il n'avait pas été un protecteur, j'avais pris soin de lui, autant que lui de moi. Nous étions deux artistes, deux sauvages. Mais j'avais épousé un homme de ton âge, héritier de ce dix-neuvième siècle exalté qui croyait en un progrès mécanique et continue de l'Histoire.