L'envie première était de lire le livre de Kamel Daoud, cependant ayant compris qu'il s'agissait d'une "réponse" au livre de Camus j'ai pensé qu'il fallait d'abord que je lise ce "classique" de la littérature française.
Pour être tout à fait honnête je m'attendais un peu à un livre "prise-de-tête" ce qui est probablement du à son étiquette "classique".
Quelle ne fut pas ma surprise de découvrir une écriture simple, presque enfantine. Attaquant cette lecture vierge de toute notion de l'histoire j'ai découvert un Meursault, français de l'Algérie française, visiblement porté sur lui-même tout en étant incapable de ressentir une vraie émotion ; serait-il ce qu'on appelle un sociopathe (?), la suite de l'histoire le laisse un peu penser.
Il raconte sa vie, la mort de sa mère, les relations qu'il entretient avec son voisinage, sa petite amie, tout ça dans une grande indifférence émotionnelle et sentimentale. Il n'éprouve apparemment aucune sensation, aucun émoi, aucun frisson ; il m'est apparu d'une grande froideur et j'ai ressenti beaucoup d'écoeurement face à ce personnage.
Ce qui nous amène au second livre où le narrateur, un vieux monsieur assis dans un café, revient soir après soir sur son histoire, la face cachée de la précédente.
Il est le frère de Moussa, l'Arabe tué dans "L'étranger" et toute sa vie il l'a vécu avec "Moussa lui tenant la main et sa mère juchée sur son dos."
Le décès de ce frère, non nommé (dans "L'étranger") , ignoré, lui gâchera si ce n'est la vie, la relation avec sa mère qui ne vit plus que par et pour son fils mort. Elle poussera ainsi notre conteur à une faute qui lui permettra enfin de "venger" son frère mais surtout de se libérer de sa mort et de sa mère. Mais cette vie, et cette mère (un peu comme Meursault) l'empêcheront de croire en l'Amour ou du moins de pouvoir s'y consacrer.
Haroun nous fait la "confession" de sa vie, il nous fait traverser l'Algérie de la guerre d'indépendance à nos jours avec parfois un regard assez cru sur la société d'aujourd'hui et en particulier ce qui concerne la religion.
J'ai trouvé très intéressant cet exercice de lecture de deux textes écrits "l'un en face de l'autre" tout en étant très éloignés dans le temps, dans le style, dans le message.
Citations de "Meursault, contre-enquête"
"Le vendredi ? Ce n'est pas un jour où Dieu s'est reposé, c'est un jour où il a décidé de fuir et de ne plus jamais revenir. [...] J'ose te le dire, j'ai en horreur les religions. Toutes ! Car elles faussent le poids du monde. J'ai parfois envie de crever le mur qui me sépare de mon voisin, [...] de lui hurler d'arrêter sa récitation de pleurnichard, d'assumer le monde, d'ouvrir les yeux sur sa propre force et sa dignité et d'arrêter de courir derrière un père qui a fugué vers les cieux et qui ne reviendra jamais."
"Comment peut-on croire que Dieu a parlé à un seul homme et que celui-ci s'est tu à jamais ? Je feuillette parfois leur livre à eux, Le Livre, et j'y retrouve d'étranges redondances, des répétitions, des jérémiades, des menaces et des rêveries qui me donnent l'impression d'écouter le soliloque d'un vieux gardien de nuit."
"J'ai tué le français vers 2h du matin. Et depuis ce moment, M'ma a commencé à vieillir par nature et non plus par rancune, des rides la plièrent en mille pages et ses propres ancêtres semblèrent enfin calmes et capables de l'approcher pour les premiers palabres qui mènent vers la fin."
Verset tiré du Coran :
"Si vous tuez une seule âme, c'est comme si vous aviez tué l'humanité entière."