lundi 23 novembre 2020

"Elle a menti pour les ailes" de Francesca Serra

 


Ilarène, petite station balnéaire du sud-est de la France, c’est la rentrée scolaire. Nous sommes en 2015, Garance a 15 ans et entre en seconde, au lycée. Enfin dans la cour des grands !

Elle vit seule avec sa mère, Ana, professeure de danse dans un petit studio qui lui appartient.

Garance part tous les jours à l’école avec son amie Souad, pour ne pas arriver seule. 

Depuis le collège elle en pince pour Vincent, un garçon un peu plus âgé qu’elle, il vient d’avoir son bac et étudie maintenant à la fac de droit de Grenoble.

 

 

C’est une immersion complète dans le monde de nos jeunes, ceux nés en même temps que l’arrivée d’internet, ils sont pendus à leur téléphone, sans cesse sur les réseaux sociaux, facebook, instagram, twitter…. Ils ne vivent qu’à travers des images, celles qu’ils fabriquent pour impressionner les autres, pour se faire croire une autre vie, pour attaquer et humilier, aussi... 

Un jour Garance reçoit une invitation facebook de Maud Artaud, ainsi qu’à sa fameuse et attendue soirée d’Halloween ! Garance n’en revient pas, ça va être pour elle l’occasion de revoir Vincent. 

 

 

À partir de cette soirée Garance va faire partie intégrante du groupe constitué de Maud, Salomé et Greg, tout trois en terminale, et de Vincent et Yvan le petit ami de Maud. Petit à Petit ce groupe va happer Garance qui va tourner le dos au reste de sa vie et tout donner au groupe, à la meute. C’est le début des conneries, il n’y a plus vraiment de limite pour être cool ou du moins le paraître et surtout pour ne pas être rejeté.

 

 

C’est l’histoire de Garance, son apprentissage et son évolution. Une fresque adolescente parfois glaçante, mais toujours juste. 

Un premier roman criant de vérité, qui nous ouvre la porte d’un monde que personnellement je n’ai pas connu. Je parle de cette adolescence au temps où l’intime n’existe plus, où tout est dit et mis sur les réseaux « sociaux », je dirais plutôt sur la place publique.  

 

 

Un roman incroyable, une construction organisée, sans erreur, des personnages malgré tout attachants, surtout touchants.

Nous voilà lycéen, on vit les émotions, les sensations, car ces sentiments-là sont les mêmes ; ce besoin de plaire à tout le monde, de faire partie d’une bande, si possible la plus en vue, faire comme le reste du groupe pour ne surtout pas se différencier, mais le jeu est plus tendu, plus risqué, lorsqu’en un clic on peut tout perdre. 

Où se trouve la limite ? Quand s’arrête-t-on ? 


Une belle démonstration des risques d'aujourd'hui, mais aussi de la candeur et de la cruauté mélangée de nos ado. 


A lire sans attendre. 

Mon seul petit bémol de rien du tout c'est cette couverture absolument horrible qui ne donne vraiment pas envie de prendre le livre et de le feuilleter, c'est bien dommage...


Éditions Anne Carrière, 472 pages. Août 2020

mercredi 11 novembre 2020

"Entre fauves" de Colin Niel

 

Une couverture absolument sublime pour un livre tout à fait incroyable. 

 

 

Quatre héros vont nous emmener dans cette histoire.

Martin est garde dans le parc national des Pyrénées et notamment il s’occupe du suivi des ours enfin du dernier ours de la région, c’est un homme qui défend la nature mais jusqu’où est-il prêt à aller pour cela ? 

Apolline est une toute jeune femme orpheline de mère et dont le père, grand chasseur, lui a transmis sa passion, et plus que ça car la jeune femme est une championne de tir à l’arc. Elle vit un peu en dehors de son monde, peu présente sur les réseaux sociaux et elle aussi très proche de la nature.

Kondjima est un jeune noir issu d’une tribu du nord-ouest de la Namibie, son père possède un troupeau de chèvre et son village subit un fléau car les bêtes sont régulièrement attaquées par un lion – qui a trouvé un garde-manger bien facile. Il faut dire que la région déjà désertique subit une vague de chaleur et de sécheresse sans précédent. 

Enfin Charles, c’est lui, le lion, le fameux qui met la zizanie dans toute la région.

 

 

Entre les Pyrénées et la Namibie un lien va se créer, inattendu, imprévisible, douloureux.

Il est question de chasse bien sûr, de protection des animaux aussi, d’injustice, de réchauffement climatique, de politique. 

Sans jamais prendre parti Colin Niel nous emmène sur les traces de Charles, de Kondjima, d’Apolline et de Martin, on passe de la savane à la forêt, de la chaleur sèche du désert au froid humide de la montagne et de la neige. Du lion à l’ours…

 

 

J’ai aimé me retrouver dans la savane africaine, j’ai aimé découvrir les montagnes enneigées des Pyrénées, les vallées d’Aspe et d’Ossau, j’ai aimé ce lion, je me suis tellement attachée à lui et Apolline, elle est si courageuse, si forte, et en même temps tellement fragile, elle accepte ses erreurs, sait se remettre en question.

Les personnages secondaires sont eux-aussi très importants, intéressants.

Je découvre cet auteur et je suis emballée par la finesse de son écriture et de la construction de son histoire. 

 

 

Un roman puissant, au-delà du roman policier, un roman tellement actuel, sans parti pris, qui pose des questions, un roman qui met le doigt sur les contradictions des uns des autres, et plus que les contradictions les intérêts des uns et des autres, où commence et où s’arrête le « juste », la raison, le « bon ». 

Un livre troublant, mené d’une main de maitre, à lire pour le voyage, à lire pour le questionnement, à lire parce qu’il est tellement réussit. 

Nous connaissons tous un chasseur, nous connaissons tous un défenseur des animaux, parfois la limite est ténue et pour passer de l’un à l’autre il n’y a qu’un pas, comme l’amour et la haine. 


Éditions le Rouergue, 352 pages. Septembre 2020

mardi 3 novembre 2020

❤️❤️ "Histoires de la nuit" de Laurent Mauvignier

 


Ce petit hameau, qui se nomme « les trois filles seules », abrite trois maisons, l’une est vide, Patrick vit dans la deuxième avec Marion son épouse et leur fille de dix ans Ida, dans la troisième on trouve Christine, peintre, femme de la ville installée ici après son divorce.

 

 

Patrick est fermier, il vit ici depuis toujours ; Marion travaille dans une imprimerie, c’est une forte tête ; leur relation de couple est terne, triste.

Christine reçoit de mystérieuses lettres de menace, elle a un chien Radjah, elle aussi a du caractère, et n’apprécie pas franchement Marion. 

 

 

Dans ce hameau perdu, a 50 km de la ville, on se prépare à une petite soirée festive, c’est l’anniversaire de Marion, elle a 40 ans.

Voilà le décor est planté, et ce qui débute comme un roman social, une chronique familiale va se transformer petit à petit car des visiteurs surprises, pas vraiment bienvenus, vont s’inviter à la fête.

 

 

Je n’en dis pas plus pour ne rien dévoiler. 

Sachez seulement que même si le démarrage peut sembler un peu lent ensuite on ne peut plus poser le livre et les 630 pages se dévorent avec tension.

L’histoire en elle-même est originale sans être incroyable, ce qui l’est en revanche c’est la prouesse d’écriture, la construction narrative. 

Entre le début et la fin du livre il se passe à peine 24 heures, mais Laurent Mauvignier réussit le tour de force de nous faire languir en décomposant chaque scène, c’est comme un film en slow motion, on a tous les détails, on arrête de respirer et on regarde l’image. Même les temps de silence et de calme sont dépecés, c’est une peinture en éternel mouvement. Chaque image est épluchée, chaque émotion, chaque mouvement. 

C’est terriblement bien fait, le suspense est amené graduellement, l’air s’épaissit pour devenir tout à fait irrespirable. 

On s’attache à cette forme d’écriture, à cette lenteur haletante qui nous prend à la gorge. 

 

 

Bref un livre qui ne vous lâchera pas et que vous ne lâcherez pas !


Les Éditions de Minuit, 635 pages. Septembre 2020