lundi 25 novembre 2019

"Ceux que je suis" de Olivier Dorchamps



Le père de Marwann vient de mourir et une de ses dernières volontés est d'être enterré au Maroc, son pays de naissance.
Marwann et ses frères sont tous les trois nés en France et ne comprennent pas cette demande de leur père. Ils ne pourront jamais se rendre sur sa tombe, et leur mère non plus ; leur vie est ici à Paris ou à Clichy où ils ont grandi.
Le Maroc, ils ne l'ont connu que petits, pendant les vacances d'été, mais depuis quelques années ils ne s'y rendent plus trop. Chacun a son travail et mène sa vie.

Alors pour Marwann faire ce voyage à l'envers, avec son père, le ramener dans son pays natal, c'est le moyen de partir à la découverte de son histoire, l'histoire de la famille.

Ce premier roman est très réussi car le thème abordé n'est pas très facile, et surtout a déjà été traité de nombreuses fois.
Olivier Dorchamps parvient à nous entrainer dans la complexité des familles multiculturelles, la difficulté à trouver sa (bonne) place au sein de sa famille proche et élargie mais aussi au sein d'une société qui a encore du mal à gérer la pluriculturalité que ce soit ici ou ailleurs.
Et cette différence doit aussi apprendre à se gérer entre les générations, c'est à dire ceux qui ont quitté un pays pour s'installer ailleurs et commencer une nouvelle vie, et leurs enfants qui eux n'ont rien quitté, mais toujours vécu au même endroit et se sentent chez eux là où ils sont nés, ont grandi, ont été à l'école. Il faut se battre contre les préjugés, les délits de "sale gueule"...

Et puis le décalage avec les "cousins", la famille restée au pays, cette famille qui croit que ceux qui sont partis sont riches, doivent toujours rapporter des "cadeaux"...

O. Dorchamps décrit magnifiquement cette jolie famille marocaine, le regard des enfants qui se fait parfois dur, mais qui est aussi souvent tendre et surtout très reconnaissant.

C'est un roman d'une grande justesse, qui analyse avec finesse et sensibilité les différents décalages. Dans cette histoire il s'agit d'une famille franco-marocaine mais la situation pourrait s'adapter à toutes les autres configurations possibles. J'y ai vu tellement de parallèles avec tellement d'histoires croisées au gré de mes voyages et de mes rencontres.
On retrouve toujours cette ambivalence, pas toujours facile à vivre, pas toujours facile à expliquer et à comprendre.

Un joli premier roman qui mérite d'être découvert, un auteur à suivre !
"[...] ma mère en était sortie dans une belle djellaba neuve, turquoise, brodée de motifs floraux. [...] Mon père aussi portait une djellaba, brune, rayée de gris avec un liseré doré. Fouad était en jean et chemise rouge, beau comme la jeunesse le permet instantanément. Ils suscitaient sur leur passage les regards moqueurs de la foule des samedis matin. Cela m'avait d'abord irrité, puis j'avais réalisé que ces passants se demandaient sans doute comment on pouvait éclairer la vie d'autant de couleurs, eux qui oscillent du gris de la semaine au bleu marine des week-ends bon ton, et j'avais éprouvé un orgueil immense pour ma famille [...]" 
"Si mes parents on quitté le Maroc, c'était pour commencer une nouvelle vie, pas pour prolonger celle qu'ils avaient ici." 

Finitude, 253 pages. Août 2019

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