Un homme, cinéaste, perd son meilleur ami. Il se retrouve ainsi entrainé dans tout un processus de pensées et de réflexion sur la vie, la mort, le temps, le corps, la maladie ... Tout en étant (bien) entouré par deux femmes magnifiques, son ex-femme et une voisine inconnue.
Le roman tire son titre des traditions des rituels funéraires de la tribu des Toraja qui vit sur une île d'Indonésie.
"... un arbre particulier. Remarquable et majestueux, il se dresse dans la forêt à quelques centaines de mètres en contrebas des maisons. C'est une sépulture réservée aux très jeunes enfants venant à mourir au cours des premiers mois. Une cavité est sculptée à même le tronc de l'arbre. On y dépose le petit mort emmailloté d'un linceul. On ferme la tombe ligneuse par un entrelacs de branchages et de tissus. Au fil des ans, lentement, la chair de l'arbre se referme, gardant le corps de l'enfant dans son grand corps à lui, sous son écorce ressoudée. Alors peu à peu commence le voyage qui le fait monter vers les cieux, au rythme patient de la croissance de l'arbre."Les thèmes abordés par Philippe Claudel sont, je dirais, des thèmes assez "classiques". Cependant la manière qu'il a de les traiter est assez spécifique et suffisamment différente pour être vraiment intéressante.
Je dois avouer qu'après la lecture des deux premiers chapitres j'ai posé le livre avec une grosse boule d'angoisse logé dans le fond de mon estomac ; les questionnements qu'il nous impose sur la vie et la mort m'ont troublé et chamboulé. J'ai laissé une nuit passer sur le tourbillon dans ma tête et ai repris la lecture ....
Avec la mort de son ami notre héros se pose tout un tas de questions sur les origines de nos maladies et se met à chercher auprès de scientifiques et de médecins, des réponses à ses questions plus philosophiques que médicales.
"Quand donc tombons-nous gravement malades ? Quand tout va bien ou quand tout va mal ? [...] D'un désir non exprimé de voir se produire quelque chose ? D'une usure née de la production interminable du même refrain de l'existence ? D'une routine qui ferait baisser toutes nos gardes ? [...] Je me demande à ce propos si la maladie quand elle nous frappe peut être considérée comme une porte que nous lui ouvrons intentionnellement ou non. [...] Est-il envisageable que nous tombions malades lorsque nous acceptons de laisser prendre une place de plus en plus grande à la mort, que nous l'invitions en quelque sorte à nous envahir, à s'installer en nous, alors qu'auparavant, nous avions tout fait pour la circonscrire au-delà d'un périmètre qui nous paraissait être le seul champ possible de notre existence ?"
Il nous raconte le manque de son ami, de son amitié, de leurs échanges, de leurs mots ; de son texte il veut faire le tombeau de son ami
"le texte est devenu l'arbre du pays Toraja"Au cours de ces recherches, il fait la connaissance d'une jeune chercheuse au CNRS qui, après qu'il lui ai exposé la raison de sa venue, lui fait un magnifique plaidoyer sur le corps, le corps de l'Homme, la relation à notre corps tout au long de notre vie. Ce corps que l'on chérit mais qui, impitoyablement, fini par nous lâcher, nous abandonner, nous trahir.
C'est assez rigolo car dans le roman précédent que j'ai lu, Camille Laurens nous faisait penser que le regard sur le corps des femmes mûres s'étiolaient et que le désir des hommes disparaissaient ; à l'inverse Philippe Claudel, ici, encense ce corps mûr (ou seulement celui de son ex-femme qu'il a toujours connu ??).
"Le corps des jeunes femmes fait songer à des pierres parfaites, polies, sans défauts, scandaleusement intactes. Celui des femmes possède le parfum patiné des jours innombrables où s'amalgament, sensuels, les moments de plaisir et ceux de l'attente. Il devient le velours assoupli des années."
De même Camille Laurens évoquait son désir sexuel ou d'écriture, qui pour elle n'allait pas l'un sans l'autre, que l'un ne pouvait pas exister sans l'autre et que pour pouvoir écrire elle a besoin de désir (sexuel) ; Philippe Claudel nous livre lui-aussi l'importance de la littérature dans la vie, sa vie (la notre ?) et il compare nos vies à un livre.
"Notre vie n'est en rien une figure linéaire. Elle ressemble plutôt à l'unique exemplaire d'u livre, pour certains d'entre nous composé de quelques pages seulement, propres et lisses, recouvertes d'une écriture sage et appliquée, pour d'autres d'un nombre beaucoup plus important de feuillets, certains déchirés, d'autres plus ou moins raturés, pleins de reprises et de repentirs. Chaque page correspond à un moment de notre existence et surtout à celle ou celui que nous avons été à ce moment là, et que nous ne sommes plus, et nous regardons, si jamais nous prend l'envie ou la nécessité de feuilleter le livre, comme un être tout à la fois étranger et paradoxalement étrangement proche.La trame du roman, de l'histoire, est assez banale ; c'est une jolie histoire, sans plus. Cependant, comme je l'ai déjà dit, Philippe Claudel utilise cette trame pour faire ressortir des points importants de l'Existence et que probablement personne ne peut nier. Il a un vrai sens de l'écriture et surtout nous pousse à aller au delà du contenu de son écrit. Peut être suis-je à une bonne période de ma vie pour être très réceptive à ce genre de texte ?
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