"Car la lecture est un singulier dialogue qui ne rêve que de pluriel, celui du désir incandescent d'échanger, de partager et de confronter ses impressions de lecture, de les dire aux autres et au monde, un désir puissant de faire circuler les oeuvres et de donner aux mots aimés l'écho le plus long et le plus lointain possible" Manuel Hirbec pour "Page"
jeudi 29 septembre 2016
"Mes impudeurs" de Marco Missiroli
Nous suivons la découverte du sexe et de la sexualité d'un jeune adolescent devenant homme.
Livre très sympa et agréable à lire, on se prend au jeu et on s'attache au personnage.
C'est juste une simple histoire bien écrite, qui fait du bien, un bon moment de lecture et de détente.
❤️❤️❤️ "Terres et cendres" de Atiq Rahimi
Un grand-père emmène son petit-fils retrouver son père qui travaille dans les mines. La route est longue, désertique et laisse tout le loisir à l'esprit de se promener...
Son texte est poignant, touchant, simple et dur à la fois.
Je ne veux/peux pas trop en dire car tout est dans le texte, les mots, l'ambiance. On entend le vent, le silence du désert, on sent la poussière s'infiltrer dans notre nez, dans les yeux, on sent la chaleur sèche, on voit la peur, le désarroi, l'incompréhension.
Tout simplement magique et magnifique !
Un film a été tiré de ce texte, je vais m'empresser de le regarder.
Il faut aussi signaler que la traductrice (Sabrina Nouri) a fait un travail formidable et la note qu'elle nous livre résume son travail, et le livre, tout est dit.
"J'ai voulu que mon âme afghane guide ma main française pour que d'autres me suivent dans ce voyage au coeur de la douleur discrète d'un vieil homme et d'un enfant, la douleur d'un peuple."
mercredi 28 septembre 2016
"Mémoires de porc-épic" de Alain Mabanckou
J'ai découvert Alain Mabanckou un petit peu par hasard l'année dernière en regardant une de ses interviews à la télévision, ce dandy chic m'avait convaincu de le lire, à l'époque il s'agissait de "Petit Piment", son "parlé" étant riche et passionnant. Grande déception, enfin soyons honnête, déception sur la seconde moitié du livre.
Ayant beaucoup entendu parler de son "chef d'oeuvre", livre dont l'article est le sujet, je me suis dit "allons-y ! Les auteurs ont droit à une seconde chance."
Bien m'en a pris.... hélas !
Ce conte africain n'est certes pas mauvais mais à croire que l'écriture de Mabanckou ne fonctionne pas sur moi.
Nous avons donc un porc-épic, qui se trouve être un double-nuisible et qui vient de perdre sa moitié humaine; il revient donc sur leur histoire. L' Homme en prend pour son grade...
Bien sûr il y a des vérités, des choses intéressantes, mais pour moi beaucoup trop de poncifs, rien de nouveau sous le soleil.
Allez je suis un peu dure mais soyez certain que je ne recommencerai pas le test tout de suite....
(flûte il fait parti de la rentrée littéraire, oh ben un de moins à lire ...)
"...l'intelligence est une graine qu'il faut arroser afin de la voir s'épanouir un jour, devenir un arbre fruitier bien enraciné, [...] je sais à présent que la pensée est quelque chose d'essentiel, c'est elle qui inspire aux hommes le chagrin, la pitié, les remords, voire la méchanceté ou la bonté, [...]"
"J'ai appris des hommes le sens de la digression, ils ne vont jamais droit au but, ouvrent des parenthèses qu'ils oublient de refermer."
jeudi 22 septembre 2016
❤️❤️❤️ "Les putes voilées n'iront jamais au Paradis !" de Chahdortt Djavann
Chahdortt Djavann s'est inspirée d'un fait divers réel survenu dans la ville sainte de Mashhad en Iran où 16 corps de femmes - de prostituées - ont été retrouvé gisants dans la rue ; il fut question d'un tueur en série qui "nettoyait" la ville de ses femmes impures...
Chahdortt Djavann a décidé de donner une parole à ces prostituées, une vie, des mots qui racontent d'où elles viennent, ce qu'elles vivent, comment elles le vivent....
Ainsi tout en suivant le destin de deux fillettes, nous découvrons celui de plusieurs de ces femmes devenues des prostituées pour diverses raisons.
Elle ne mâche pas ses mots pour nous emmener dans l'horreur et la misère, en nous tenant la main elle nous fait venir au plus proche de ces femmes, de ce pays, de ces lois qui n'ont aucune considération pour une moitié de l'humanité. C'est un grand cri d'alarme, non, la femme n'est pas au bout de ses peines et même si nous avons beaucoup obtenu depuis le siècle dernier il reste malheureusement encore un très long chemin à parcourir pour beaucoup, beaucoup d'entre nous. Je ne suis pourtant pas une féministe engagée mais je réalise que j'ai eu tellement de chance de naître dans un pays "civilisé" où nos droits sont tellement plus développés, où nous sommes considérées - presque - à l'égal de l'homme.
Ce livre puissant m'a bouleversée, émue, perturbée... J'ai noté de nombreux passages à lire, relire, méditer...
Je vous en livre quelques uns ici.
"Comment expliquer aux hommes occidentaux, dont les yeux se repaissent à volonté des jambes interminables des mannequins, des culs moulés dans les bikinis des filles blondes ou brunes, des nichons pigeonnants superbement mis en valeur par des décolletés généreux... comment expliquer à ces hommes occidentaux que dans la ville sainte de Mashhad, lorsqu'un bref instant un tchador noir s'entrouvre, le feu d'artifice s'allume dans le regards des mâles frustrés qui ne pensent qu'à y pénétrer ?"Ce constat déjà lu chez Saphia Azzedine, à force d'empêcher on crée la frustration, frustration qui amène (à) la viol-ence.
"Un rien fait de vous une pute dans cette contrée. Femme, dès qu'on vous remarque, pour quelque raison que ce soit, vous êtes forcément une pute. Une femme vertueuse est une femme invisible."Et l'homme qui la regarde et en qui naît de mauvaises pensées, est lui admirable....
" « Cinq corps de femmes de rue - façon pudique de nommer celles qui font le trottoir - ont été trouvés. [...] Quelqu'un les a éliminées.» Ce mot «éliminées» évitait soigneusement le terme «assassinées», qui pouvait heurter les plus farouches des fanatiques. L'assassinat est condamnable selon la charia, tandis que l'élimination de fessad (mot persan d'origine arable qui désigne ici la prostitution) est le devoir de chaque musulman."C'est le début du chapitre intitulé "le sang sans valeur" où il nous est expliqué que tuer une personne dont le sang est sans valeur ne revient pas à commettre un assassinat puisque "sans valeur" on ne commet pas de péché et l'on n'est donc pas punissable par la loi... bien entendu une prostituée est de sang sans valeur, et c'est le discernement islamique qui permet de savoir si une personne est de sang sans valeur...
"La sécurité des femmes n'a jamais été aussi en péril que depuis que les dogmes islamiques font office de loi dans ce pays." [...] dès que les extrémistes islamistes s'emparent du pouvoir, ils s'en prennent tout de suite au plaisir en général, et au plaisir sexuel en particulier. [...] Pour eux, la sexualité des femmes est diabolique. Ils ne supportent pas l'idée que leur mère ait écarté les jambes pour les fabriquer. Remarquez, elles auraient mieux fait de s'abstenir."
"Être pute, tout le monde l'est, plus ou moins je veux dire ... y a des centaines de millions de femmes dans le monde qui couchent avec leur mari sans plaisir. Femmes au foyer, elles s'occupent du ventre et du bas-ventre de leur mari et n'ont nulle part où aller. C'est dire que coucher avec un homme sans plaisir, ça arrive tous les jours et à des centaines de millions d'épouses. [...] C'est dire qu'il n'y a qu'un pas entre se prostituer et se marier. Et pourtant, ces femmes mariées nous condamnent du haut de leur vertu mercantile. Alors que dans les deux cas, on demande, avant toute chose : combien ? À ceci près que dans le mariage, les épouses se vendent à un seul homme pour un prix global, tout compris. Mais nous, une fois le client parti, nous sommes libres. Le prix n'est pas le même. Les avantages et les inconvénients non plus."
"Plus ils interdisent, plus les jeunes deviennent avides. Alors que mettre du rouge à lèvres est interdit aux femmes, Téhéran a été surnommée "la capitale du rouge à lèvres". Et rien que ça en dit long sur l'opposition entre la population et ce régime. [...] Ce pays est devenu un merdier pas possible. Trente-cinq ans de répression, de privations, d'interdits et d'humiliations en tout genre ont rendu les gens avides, malhonnêtes et tricheurs."
Et pour aller plus loin je vous invite à lire ou relire Saphia Azzedine sur le thème des islamistes "Bilqiss" et Delphine Minoui pour l'Iran "Je vous écris de Téhéran".
Grasset, 205 pages.
jeudi 15 septembre 2016
"Une si longue lettre" de Mariama Bâ
Ramatoulaye est une femme africaine musulmane qui vient de perdre son mari, elle est en période de réclusion traditionnelle suite à son veuvage et profite de ce temps pour écrire une longue lettre à son amie d'enfance Aïssatou.
Dans cette lettre, elle revient sur de nombreux souvenirs de son enfance et adolescence avec son amie, mais aussi sur sa longue vie d'épouse.
Mariama Bâ évoque avec brio la condition de la femme en général, et en particulier dans les pays africains musulmans, les injustices innombrables qui ne reposent que sur de vieilles traditions, la place qui est laissée à la femme dans la société mais aussi au sein des familles.
Son héroïne est farouchement féministe mais s'étonne malgré tout de voir l'évolution des jeunes femmes notamment en observant ses propres filles. Cette évolution lui fait peur tout en sachant qu'elle est inévitable pour que la femme trouve sa place dans la société des Hommes.
Très beau roman, court, concis et qui pousse à revoir la définition des mots liberté et égalité.