Lors de l'écriture d'un de ces précédents romans, "Kinderzimmer", Valentine Goby a rencontré Marie-José Chombart de Lauwe une ancienne résistante déportée.
Au cours d'un des nombreux entretiens le nom de Charlotte Delbo est prononcé pour la première fois et Valentine Goby veut tout retrouver à son sujet car elle est, elle-aussi, une ancienne résistante déportée à Auschwitz et après son retour elle a écrit pour témoigner, rendre hommage à toutes ses compagnes...
C'est ainsi que de bibliothèque en bibliothèque elle retrouve et ressort ses écrits, y compris les correspondances privées (dont elle n'a pas eu l'autorisation de retranscription dans son livre mais que l'on peut consulter à la Bibliothèque Nationale de France dans les archives du Fonds Delbo). Elle va lire ses récits, poèmes, pièces de théâtre, tout ce que l'auteur a produit après son retour du camp de Auschwitz-Birkenau.
Petit à petit Valentine Goby nous raconte Charlotte, elle lui rend un hommage, fort, respectueux. Pour elle c'est une écrivain qui a écrit comme personne sur les camps de concentration, mais aussi sur le retour, sur le long chemin du souvenir, du devoir de mémoire.
On (re)découvre une autre manière de vivre les choses, Valentine Goby nous donne un texte dans l'ensemble positif, presque rassurant alors même que Charlotte Delgo disait : "Il n'y a pas de compensation ni de consolation à la déportation. On ne revient pas meilleur. On n'est augmenté que d'effroi. La déportation est une perte sèche."
Charlotte Delbo est d'abord désemparée elle-aussi :
« [...]la vie m'a été rendue et je suis là devant la vie comme devant une robe qu'on ne peut plus mettre.»
A Jacques Chancel qui lui dit qu'on ne s'en sort plus de tout cela [les camps], elle répond : «Je crois au contraire que j'en suis sortie. Peut-être que, en l'écrivant, je le projette hors de moi.»
Pour elle la vie a été plus forte malgré le souvenir de son mari disparu, assassiné par les allemands.
C'est le hasard ou l'air du temps, mais Valentine parle aussi de Robert Antelme, l'ancien mari de Marguerite Duras lui aussi résistant déporté à Buchenwald et qui est le grand second rôle absent du film "la douleur" tiré du livre éponyme de Marguerite Duras.
En résumé nous avons ici un récit intense, intelligent, et qui nous ouvre les portes d'un écrivain peu connu et qui apparemment mérite que l'on s'attarde un peu plus sur ses écrits.
Je suis bien évidemment fortement tentée... à suivre !
"L'injonction de parler [...], voilà ce qui commande à Charlotte Delbo, en dépit des souffrances endurées et de la perte de Georges, de préférer la vie. Incarner plus que soi-même, porter l'humanité en soi."
"Qui a lu les récits et poèmes du retour livrés par des déportés sait comme il est difficile de revenir d'Auschwitz. Je veux dire revenir complètement, au-delà du corps, se délester des réflexes de la déportée, de ses peurs, repousser l'invasion quotidienne. C'est un poids terrible que la cohorte des souvenirs."
"Écrire, c'est probablement chaque fois rouvrir la blessure. Mais aussi, et là est le miracle, faire l'expérience d'un mouvement paradoxal : plus la plaie est rouverte, mieux elle cicatrise."L'Iconoclaste, 164 pages.
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