"Car la lecture est un singulier dialogue qui ne rêve que de pluriel, celui du désir incandescent d'échanger, de partager et de confronter ses impressions de lecture, de les dire aux autres et au monde, un désir puissant de faire circuler les oeuvres et de donner aux mots aimés l'écho le plus long et le plus lointain possible" Manuel Hirbec pour "Page"
vendredi 27 septembre 2019
"Les choses humaines" de Karine Tuil
Jean Farel est un journaliste/présentateur politique de télé depuis plus de 30 ans, il s'est construit seul ce qui le rend intransigeant ; il est ambitieux et ne veut laisser sa place à aucun prix bien qu'il ait déjà atteint les 70 ans. La vieillesse et la mise à l'écart le terrorise.
Il est marié à Claire Farel, une franco-américaine, essayiste et féministe, 30 ans plus jeune que lui.
Ensemble ils ont un fils unique, Alexandre, brillant étudiant à Standford en Californie.
Cette famille va être bouleversée, renversée, écrasée, par une accusation de viol. Accusation qui survient juste après l'affaire Weinstein et en plein #metoo et #balancetonporc.
Karine Tuil nous décrit avec finesse et précision le milieu journalistique de la télé, le pouvoir, la peur de vieillir et d'être évincé. Encore une fois elle ne cache rien de ses personnages et en fait des être humains complets avec leurs qualités, leurs défauts et surtout leurs questionnements ....
C'est un roman qui parle de viol, de sexe, de consentement, mais aussi de zone grise.
Un roman qui parle très bien de notre société mais sans simplification, elle nous montre parfaitement l'ambiguité des situations, les rouages de la justice, l'ambivalence des personnages.
Un roman qui fait beaucoup beaucoup réfléchir, il n'y a pas de parti pris mais l'exposition d'une histoire, de faits, de ressentis, et honnêtement, c'est perturbant.
Que l'on se mette à la place de chacun des personnages et nos émotions, nos impressions changent et évoluent, pour ça ce roman est brillant.
Mais cette ambivalence fait un peu peur, on voudrait que les choses (humaines) soient plus simples que ça...
Ce que Karine Tuil pointe du doigt est la complexité de l'humain et des relations, la complexité du jugement mais aussi des émotions ressentis, des moments vécus.
Ce qui est effrayant c'est que chacun est sincère, et pourtant chacun voit sa vie détruite.
Un livre remarquable qui pousse à la réflexion. Une fois la dernière page tournée on ne peut pas le quitter comme ça, on a besoin d'y penser, d'en parler, de discuter.
Gallimard, 342 pages. Juin 2019
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