mercredi 22 février 2017

"Une bouche sans personne" de Gilles Marchand


C'est l'histoire d'un homme, seul, comptable, et qui tous les jours après sa journée de travail retrouve Thomas et Sam ses compagnons de solitude, dans un café tenu par la belle Lisa.
Ce rituel est établi depuis des années, lorsqu'un petit évènement va briser leur routine.

Notre héros a fermé sa boite à souvenirs, visiblement trop de choses douloureuses, mais "visiblement" certains souvenirs ont laissé des traces, une cicatrice, puisqu'il doit cacher la moitié de son visage derrière une écharpe. Ses "amis" ne savent finalement pas grand chose de lui et un jour l'un d'entre eux pose la question.... il va donc commencer à nous raconter son enfance auprès de son grand-père. Un grand-père un peu farfelu, qui aime raconter des histoires, transformer la réalité lorsqu'elle n'est pas assez jolie ou rigolote.

Le ton est donné très rapidement et on est vite impatient de connaitre le fin mot de l'histoire, plus on avance plus on sent la lourdeur de l'Histoire s'installer, un poids se pose sur notre poitrine jusqu'à la fin, on devine la souffrance qui se cache...

Ce récit est dans la même veine que ceux de Pierre Raufast, Jean Echenoz, voire même de Boris Vian dans "l'écume des jours", en effet on y retrouve du burlesque, beaucoup d'humour (parfois grinçant), et une réalité imaginaire surfant sur l'impossible ; j'ai ri, me suis esclaffée, j'ai souri et commenté.
C'est assez particulier et je ne pense pas que cela puisse plaire à tout le monde cependant il me semble que ce "genre littéraire", si il est bien mené, peut nous apporter beaucoup, dans la réflexion mais aussi dans l'émotion, la perception.

J'ai trouvé ce premier roman tout à fait captivant, il a éveillé ma curiosité. L'auteur a réussi à m'emmener avec lui et me toucher, dans le ventre, là où les émotions se cachent.
J'ai aimé, je vais suivre... j'espère que je ne serai pas la seule.

"C'est l'heure des bilans, c'est le moment où l'on doit dire à ses collègues tout ce qu'ils nous ont apporté. Les dernières paroles que l'on espère graver dans la mémoire de l'entreprise, le dernier souffle avant de n'être plus qu'un dossier dans les archives de la comptabilité. Le discours d'adieux c'est la main du noyé qui se dresse une dernière fois à la surface de l'eau parce qu'il sait que dans quelques instants si l'on parle encore de lui, ce sera uniquement au passé."
"On ne pouvait pas lui dire : « Va ranger ta chambre et tant que t'y es, profites-en pour remettre de l'ordre dans tes prénoms ». De toute façon, on ne demandait jamais à papy Pierre-Jean de remettre de l'ordre où que ce soit. [...] Il était un peu comme mon père, un peu comme mes frères... Il était tout ce qui me restait de ma famille. Il ne m'a jamais abandonné et a fait couler toutes les années de ma jeunesse en les enveloppant d'humour et d'amour."
"[...] je commence un peu à comprendre ce qu'il voulait dire lorsqu'il m'a fait promettre de ne rien oublier sans y accorder trop d'importance. Il n'a jamais oublié d'où nous venions et il n'a jamais su où nous allions. Il a fait en sorte que le chemin sur lequel il m'accompagnait soit le plus heureux possible. Pour cela il fallait travestir un peu la réalité..."
"Le métro est rempli. Rempli de gens pressés. Pressés d'arriver et pressés les uns contre les autres." 
 


mardi 21 février 2017

"Un paquebot dans les arbres" de Valentine Goby



Le "Balto" c'est le café mais aussi le centre de "vie", le centre névralgique du village, et ceci grâce à Paul Blanc, le patron.
Paulot qui est toujours de bonne humeur, qui a toujours le sourire, qui efface les ardoises, aide son prochain plus que lui-même, Paulot c'est le vrai "gentil", celui que tout le monde aime.

Paulot est aussi chef de famille ; il y a Odile son épouse, tellement amoureuse, Annie sa fille ainée, Mathilde "son p'tit gars" et Jacques le petit dernier.

Mathilde c'est l'héroïne, c'est l'histoire de sa famille mais surtout son histoire à elle, car c'est elle qui supporte, et fait tenir tout ce petit monde.

Parce que voilà, en 1958 c'est le début de la fin avec Paulot qui va être diagnostiqué tuberculeux.
On est au milieu des Trente Glorieuses mais très vite on se rend compte que ce n'est pas glorieux pour tout le monde. La famille Blanc va vivre la chute, la descente infernale avec l'hospitalisation des parents, le placement en famille d'accueil des deux plus jeunes, les dettes qui s'accumulent... et tout le monde (ou presque) qui tourne le dos.

Mais Mathilde va se battre, pour rassembler, réunir, retrouver cette famille qui a été écartelée, explosée...

Le paquebot c'est le sanatorium où les parents ont été hospitalisés, où elle leur rend visite tous les week-ends, cette prison dorée pour les "tubards".

C'est un beau roman qui parle d'amour, de combat, de vie, de persévérance, d'espoir.

A lire !

mercredi 15 février 2017

❤️ "Man" de Kim Thuy




A chaque page un mot en vietnamien et sa traduction, à chaque page un court récit, et bout à bout ses petits récits nous racontent une histoire.
L'histoire de Man, une jeune vietnamienne, mariée à un restaurateur lui-aussi vietnamien, installé au Quebec. 
Man est discrète, elle volette comme un papillon, sans faire de bruit, elle cuisine, et se rappelle.
Entre présent et passé on parcourt son histoire, au pays et ici maintenant. Sa maman, son mari, sa cuisine et puis un jour ... Luc. 
Cette histoire d'amour toute simple, mais tellement belle, touchante. Une histoire d'amour qui fait découvrir, renaitre, apprendre, aimer tout simplement.

Kim Thuy a toujours ce don particulier d'écrire en douceur, lentement, elle sait choisir ses mots et les poser là, pour nous régaler, nous faire vibrer.
Je n'avais pas été particulièrement touché par le dernier lu ("Vi") mais me voilà peut-être plus ouverte à accueillir ses mots, plus touchée par cette histoire en particulier.
Cela me rappelle aussi "Hiver à Sokcho", dans le style, dans la douceur, le cocon où l'on s'enferme pour lire paisiblement, s'isoler du monde extérieur.
Des phrases qui font du bien, des mots qui nous pénètrent, comme un petite plume bercé par le vent, une douceur sucrée.

Ne pas s'en priver !

"Les vies de papier" de Rabih Alameddine



Aaliya est une vieille femme de 72 ans, elle vit seule, depuis longtemps, à Beyrouth. Mariée jeune, elle a aussi divorcé très rapidement d'un mari impuissant et méchant mais qui lui a laissé l'appartement dans lequel elle se terre depuis.
Elle a travaillé toute sa vie dans une librairie, et chaque premier janvier depuis 50 ans elle commence une nouvelle traduction d'un roman du français et de l'anglais vers l'arabe ; traductions qu'elle garde ensuite précieusement dans des cartons mais que jamais personnes ne lira.
Avec ses souvenirs Aaliya nous promène dans Beyrouth, au travers de la guerre civile, dans sa famille et celle de son ex-mari, dans sa librairie et surtout dans ses livres.

Le texte est très beau et très bien écrit, émaillé de citations de très nombreux auteurs (dont beaucoup d'inconnus en ce qui me concerne) - notre auteur aurait-il voulu faire étalage de ses connaissances ? - il faut le dire il ne se passe pas grand chose, mais il y a malgré tout de beaux passages, de belles réflexions philosophiques dont certaines qui font bien réfléchir ...

J'ai particulièrement aimé le passage où elle se "sauve" au musée pour retrouver un moment de calme et de solitude ; mais surtout j'ai été particulièrement touchée et émue par le passage où elle vient visiter sa très vieille mère et où elle lui lave les pieds avec beaucoup de tendresse et d'attention parce que sa mère souffre ; mère qui ne l'a visiblement jamais tellement aimé, mère avec qui elle entretenait des relations très compliquées, ce qui rend ce moment d'échanges autour des pieds encore plus fort.

"En d'autres termes, la plupart d'entre nous pensons que nous sommes ce que nous sommes en raison des décisions que nous avons prises, en raison des évènements qui nous ont façonnés, des choix de ceux de notre entourage. Nous considérons rarement que nous sommes aussi façonnés par les décisions que nous n'avons pas prises, par les évènements qui auraient pu avoir lieu mais n'ont pas eu lieu, ou par les choix que nous n'avons pas faits, d'ailleurs."
"[...] Je pétris les tendons et les noeuds autour de l'astragale, lui masse les orteils, passe les doigts dans les ravins qui les séparent. Je sens son sang qui afflue. [...] Les yeux de ma mère sont fermés, ses lèvres aussi, et probablement ses oreilles. Le calme s'étend sur chaque ride de son visage. Elle ne se soucie guère que ce soit moi qui lui lave les pieds. Elle se soucie encore moins de ma conscience bêlante. Plus que satisfaite, elle semble contente. Elle n'est plus présente dans la pièce. Je ne sais que faire d'elle, que dire. Je poursuis ma tâche servile. Elle m'a de nouveau oubliée."
"Beyrouth est l'Elisabeth Taylor des villes : démente, magnifique, vulgaire, croulante, vieillissante et toujours en plein drame. Elle épousera n'importe quel prétendant enamouré lui promettant une vie plus confortable, aussi mal choisi soit-il." 

vendredi 10 février 2017

"Le fracas du temps" de Julian Barnes



Dans ce livre 3 parties, 3 "moments" de la vie de Chostakovitch où il se livre en se remémorant des passages de sa vie, 3 dates majeures qui ont eu des conséquences importantes.
Un roman comme une autobiographie de ce compositeur russe qui a vécu Staline et la Grande Terreur, la seconde guerre mondiale, le jdanovisme artistique, la mort de Staline, l'arrivée de Khrouchtchev, une vie pas toujours facile.


Trois années bissextiles, trois années où le Pouvoir s'en est pris à lui, trois conversations avec le Pouvoir, trois fois où il n'a rien dit, n'a pas élevé le son de sa voix, n'a pas dit ses véritables pensées :
1936, après trois années de vif succès son opéra "Lady Macbeth du district de Mtsensk" se voit banni par Staline qui accompagné de Jdanov n'a pas du tout aimé cet opéra ; un article terrible le condamne dès le lendemain dans la Pravda. C'est ainsi qu'il va craindre pour sa vie et celle de sa famille et commencer à avoir des pensées suicidaires. Il ne devra son salut qu'à un "gentil" coup du sort qui fera que son "interrogateur" sera lui-même arrêté et fusillé... mais sa musique cesse d'être jouée.
1948, malgré un retour en grâce il va souffrir du jdanovisme artistique et sera à nouveau critiqué et censuré. Il est envoyé par Staline aux USA lors d'un congrès pour la paix, où il devra dire des discours qu'on lui a écrit et où il sera violemment pris à parti par Nabokov exilé russe. Au cours de cet échange avec ce compositeur qu'il adore il s'entendra lui dire qu'il est en total accord avec le Parti, et ira même jusqu'à autocritiquer sa musique....  Peur, lâcheté, difficile de savoir, difficile de juger.
1960, dernière épisode où malgré la mort de Staline et un début d'apaisement, Chostakovitch se voit obligé de s'encarter, alors qu'il avait toujours refusé d'adhérer à un parti qui tue.
"Il eut l'impression de manquer subitement d'air. Comment, pourquoi n'avait-il pas vu cela venir ? Pendant toutes ces années de terreur, il avait pu dire qu'au moins il n'avait jamais essayé de rendre les choses plus faciles pour lui-même en devenant un membre du Parti. Et voilà que, finalement, après que la grande peur eut pris fin, ils venaient lui prendre son âme."
"- Oui, répondit Pospelov sur un ton apaisant, je vois que cela peut sembler être une difficulté... Mais permettez-moi de vous parler comme un homme pragmatique à un autre. La meilleure façon, la plus sûre façon, de voir votre opéra représenté est d'adhérer au Parti. Il faut donner quelque chose pour obtenir quelque chose dans ce monde."
"Et donc, il retourna à Moscou et lu publiquement une autre déclaration préparée, qui lui faisait dire qu'il avait demandé à adhérer au Parti et que sa requête avait été acceptée. Il semblait que le pouvoir soviétique eût finalement décidé de l'aimer - et il n'avait jamais senti plus poisseuse étreinte." 
 "Mais il y avait pire que ça, bien pire. Il avait signé une lettre publique infecte contre Soljenitsyne, alors qu'il admirait le romancier et le relisait souvent. Et, quelques années plus tard, une autre lettre infecte dénonçant Sakharov. Sa signature apparaissait à côté de celles de Khatchatourian, de Kabalevski et, naturellement, de Khrennikov. Une partie de lui-même espérait que personne ne croirait - ne pourrait croire -  qu'il souscrivait réellement à ce que disaient ces lettres. Mais des gens le croyaient. Des amis et des collègues musiciens refusaient de lui serrer la main, lui tournaient le dos. Il y a des limites à l'ironie : on ne peut pas signer des lettres en se pinçant le nez ou en croisant les doigts derrière son dos en espérant que les autres devineront qu'on ne le fait pas sincèrement. Et donc il avait trahi Tchekhov, en signant des dénonciations. Il s'était trahi lui-même, et il avait trahi la bonne opinion que d'autres avaient encore de lui. Il avait vécu trop longtemps."

"La ligne de lâcheté dans sa vie était la seule chose droite et vraie." 

Un livre perturbant, le chemin de cet homme amène beaucoup de questions.
Est-il un lâche ? La peur justifie-t-elle tout ? Qu'aurions-nous fait à sa place ?
Impossible de savoir, impossible de juger
mais perturbant.
On lit souvent des romans de héros, de résistants et on les admire, mais que penser lorsqu'il s'agit juste de quelqu'un qui a peur ?
J'ai eu le même sentiment que lors de la lecture du passage de l'Évangile où Jésus dit à ses apôtres qu'il sera renié trois fois avant l'aube et qu'ensuite Pierre s'entend le faire... même sentiment...

Mon bémol est le style de Julian Barnes avec lequel je n'accroche décidément pas, rien à voir avec le livre, le sujet, ou la qualité de l'écriture. Nous ne nous sommes juste pas rencontrés... ça arrive.

Lu via la "bibliothèque orange".



lundi 6 février 2017

"Le dernier quartier de lune" de CHI Zijian



Une très vieille femme, à la fin de sa vie, nous raconte son histoire, l'histoire de son peuple, la fin d'une époque.
Elle n'a pas de nom mais elle est de la tribu Évenk ; une tribu originaire du nord du lac Baïkal qui a été chassée par les russes et qui vit maintenant au nord-est de la Chine, aux confins de la Russie, de la Chine et de la Mongolie.
Les Évenk sont des nomades de la montagne, ils vivent de chasse, de pêche et de cueillette, élèvent aussi des rennes et sont animistes. Ils vivent par clan dans des urireng.

La narratrice parle de son enfance, de sa famille, de son clan à travers ce XXème siècle qui verra arriver les armes, l'alcool et la sédentarisation. Elle sera une des dernières à rester dans la montagne.
Au travers de son récit on voyage dans les montagnes, accompagné des rennes, dans les canoës, dans la neige. La vie est dure, violente mais il y a toujours de la place pour l'amour, malgré tout.

Je ne connaissais pas du tout cette tribu qui m'a beaucoup fait penser aux tribus indiennes d'Amérique, dans la manière de vivre, certaines croyances, traditions, coutumes.
Il est intéressant de constater aussi l'impact des guerres, de la modernisation, sur ces tribus "sauvages".
J'ai bien aimé ce livre et mon seul bémol est qu'il y a quelques petites erreurs de nom et quelques anachronismes, peut être lié à la traduction...

Lu via la "bibliothèque orange".

mercredi 1 février 2017

❤️ "L'oubli que nous serons" de Hector Abad


Hector Abad Gomez était un important docteur en médecine, professeur d'université et leader dans la défense des droits de l'Homme à Medellin en Colombie ; il fut assassiné à l'âge de 66 ans en raison de ses idées et de son activisme, pourtant pacifiste, dans la défense des droits de l'Homme et des pauvres. Il révélait la misère et leurs droits aux pauvres et c'est ainsi qu'on disait de lui qu'il "inoculait dans l'esprit simple des pauvres le venin de la haine, de la rancoeur et de l'envie" là où lui voulait donner la connaissance, la liberté, la dignité.
"Il luttait contre l'ignorance en la concevant, de façon socratique, comme la source de tous les maux qui accablent le monde."
Il était vu comme un gauchiste par les conservateurs, trop libre-penseur par rapport à la religion, nocif pour les étudiants ; et comme un bourgeois tiède et incorrigible par les gauchistes parce qu'en désaccord avec la lutte armée.

Son fils Hector Abad nous raconte son histoire.

Il raconte le père attentionné, doux, aimant, tendre, bienveillant.
"...si je suis resté encore pacifique, je crois que c'est simplement parce que mon père m'aima tel que j'étais, un paquet amorphe de bons et mauvais sentiments, et il me montra le chemin pour tirer le meilleur parti de ce mauvais naturel humain que nous partageons peut-être tous."
Il raconte l'étudiant en médecine qui déjà se battait contre l'administration de sa ville et obtint la construction d'aqueducs, d'égouts, et la "chlorisation" de l'eau afin d'éviter toutes les maladies liées à l'insalubrité, l'étudiant qui obtient aussi la pasteurisation systématique du lait avant sa mise en vente, les campagnes de vaccination...
"L'épidémiologie a sauvé plus de vies que toutes les thérapeutiques."
Il raconte le médecin qui pour enseigner à ses étudiants les emmenait dans les quartiers pauvres voir où et pourquoi les gens étaient malades, le médecin qui passait dans les services de pédiatrie et se fâchait de voir des enfants non pas malades mais qui avaient FAIM.
"La connaissance pure n'est pas la sagesse. La sagesse seule ne suffit pas non plus. La connaissance, la sagesse et la bonté sont nécessaires pour enseigner aux autres hommes."
Il fut représentant des étudiants au Conseil d'université, ouvrit le département de médecine préventive, fonda l'école nationale de santé publique et à la fin de sa vie il était ardent défenseur des droits de l'Homme, publiant de nombreux articles dans les journaux, dénonçant les enlèvements, tortures, assassinats....
"...il disait qu'il était idéologiquement hybride : chrétien en religion, pour la figure aimable de Jésus et son inclination évidente vers les plus faibles ; marxiste en économie, parce qu'il détestait l'exploitation économique et les abus infâmes des capitalistes ; et libéral en politique, parce qu'il ne supportait pas le manque de liberté non plus que les dictatures, pas même celle du prolétariat, car les pauvres, n'étaient pas moins despotes et impitoyables que les riches au pouvoir."
"Au nom de cette même croix pour laquelle ils avaient subi le martyre, les conquistadors chrétiens martyrisèrent d'autres êtres humains, et rasèrent temples, pyramides et religions, tuèrent des dieux vénérés, des langues et des peuples entiers disparurent, dans le seul but d'extirper ce mal représenté par les communautés dont les croyances, généralement polythéistes, étaient différentes. Et tout cela pour leur imposer avec haine la prétendue religion de l'amour du prochain, ce Dieu miséricordieux et la fraternité entre tous les hommes."
"Nous allons devoir faire un socialisme à la latino-américaine, parce que celui qui se pratique là-bas est épouvantable disait mon père, bien que chagriné de devoir le reconnaître." 
Pourquoi ce titre ? Parce que l'auteur, lorsqu'il a trouvé son père assassiné, a retiré de sa poche deux papiers dont un sur lequel il venait de copier le poème oublié de Jorge Luis Borges "Ici et maintenant", poème sur l'oubli dont la première phrase est : Nous voilà devenus l'oubli que nous serons.

Apparemment à l'époque de la sortie du livre une polémique enfla sur le soi-disant poème de Jorge Luis Borges, qui poussa notre auteur à partir à la quête de l'origine de ce poème, ce que nous pouvons lire ici ou .

J'ai beaucoup aimé ce livre, l'amour qui en ressort, l'histoire de cet homme simple mais qui s'est toujours battu simplement pour la justice, l'égalité, la dignité ; à la fin il y a de très belles pages sur la mort, l'oubli, ce qu'il ne restera pas de nous, de notre passage...

À priori à lire aussi du même auteur "La secrète" et "Trahison de la mémoire"