mercredi 15 février 2017

"Les vies de papier" de Rabih Alameddine



Aaliya est une vieille femme de 72 ans, elle vit seule, depuis longtemps, à Beyrouth. Mariée jeune, elle a aussi divorcé très rapidement d'un mari impuissant et méchant mais qui lui a laissé l'appartement dans lequel elle se terre depuis.
Elle a travaillé toute sa vie dans une librairie, et chaque premier janvier depuis 50 ans elle commence une nouvelle traduction d'un roman du français et de l'anglais vers l'arabe ; traductions qu'elle garde ensuite précieusement dans des cartons mais que jamais personnes ne lira.
Avec ses souvenirs Aaliya nous promène dans Beyrouth, au travers de la guerre civile, dans sa famille et celle de son ex-mari, dans sa librairie et surtout dans ses livres.

Le texte est très beau et très bien écrit, émaillé de citations de très nombreux auteurs (dont beaucoup d'inconnus en ce qui me concerne) - notre auteur aurait-il voulu faire étalage de ses connaissances ? - il faut le dire il ne se passe pas grand chose, mais il y a malgré tout de beaux passages, de belles réflexions philosophiques dont certaines qui font bien réfléchir ...

J'ai particulièrement aimé le passage où elle se "sauve" au musée pour retrouver un moment de calme et de solitude ; mais surtout j'ai été particulièrement touchée et émue par le passage où elle vient visiter sa très vieille mère et où elle lui lave les pieds avec beaucoup de tendresse et d'attention parce que sa mère souffre ; mère qui ne l'a visiblement jamais tellement aimé, mère avec qui elle entretenait des relations très compliquées, ce qui rend ce moment d'échanges autour des pieds encore plus fort.

"En d'autres termes, la plupart d'entre nous pensons que nous sommes ce que nous sommes en raison des décisions que nous avons prises, en raison des évènements qui nous ont façonnés, des choix de ceux de notre entourage. Nous considérons rarement que nous sommes aussi façonnés par les décisions que nous n'avons pas prises, par les évènements qui auraient pu avoir lieu mais n'ont pas eu lieu, ou par les choix que nous n'avons pas faits, d'ailleurs."
"[...] Je pétris les tendons et les noeuds autour de l'astragale, lui masse les orteils, passe les doigts dans les ravins qui les séparent. Je sens son sang qui afflue. [...] Les yeux de ma mère sont fermés, ses lèvres aussi, et probablement ses oreilles. Le calme s'étend sur chaque ride de son visage. Elle ne se soucie guère que ce soit moi qui lui lave les pieds. Elle se soucie encore moins de ma conscience bêlante. Plus que satisfaite, elle semble contente. Elle n'est plus présente dans la pièce. Je ne sais que faire d'elle, que dire. Je poursuis ma tâche servile. Elle m'a de nouveau oubliée."
"Beyrouth est l'Elisabeth Taylor des villes : démente, magnifique, vulgaire, croulante, vieillissante et toujours en plein drame. Elle épousera n'importe quel prétendant enamouré lui promettant une vie plus confortable, aussi mal choisi soit-il." 

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