PRIX FEMINA 2017
Octobre 1941, c'est le matin et Henri Girard sort du château d'Escoire en appelant au secours, il vient de découvrir, sauvagement assassiné à la serpe son père, Georges, sa tante, Amélie et la bonne, Louise. Les premiers sur les lieux sont les gardiens du château, les Doulet. Très vite les gendarmes sont là, les premières constations, les premiers relevés... et les soupçons se portent tout de suite sur Henri, seul rescapé pourtant présent dans le château au moment des faits.
Mystère et boule de gomme, bah non pas tellement finalement puisque très très vite Henri est arrêté, toute l'enquête se fera à sa charge et après plusieurs mois d'attente viendra son procès et contre toute attente, en un temps historiquement record (moins de 15 minutes) il est innocenté !!!
Bon d'accord mais c'est quoi donc ! Mais oui mais oui...
Philippe Jaenada reprend donc l'enquête, en quelque sorte.
Tout d'abord il nous fait la bio de Henri Girard (devenu Georges Arnaud, célèbre auteur du "Salaire de la peur" !), puis il revient sur le procès et un rapide exposé des faits et enfin il mène sa propre enquête pour arriver à SA conclusion de l'affaire.
J'avoue je ne suis pas du tout objective parce que totalement "in love" avec Philippe Jaenada (je parle de l'auteur bien sûr). J'aime son style, son humour, sa curiosité.
Je suis assise au coin du feu, bien enfoncée dans un fauteuil moelleux, il est près de moi, un verre de whisky à la main, une cigarette allumée et il me raconte une histoire, je suis toute ouïe, fascinée, j'écoute - alors qu'en réalité je suis empêtrée avec un gros livre bien lourd dans les mains - mais il me fait cet effet là.
Voilà, donc ! Philippe (j'ai envie d'être un peu familière) enfile son imperméable de Columbo - et les verres de whisky (!!) - et part à Périgueux trouver de nouveaux indices et surtout se plonger dans les archives de l'Affaire.
Ainsi on avance pas à pas dans l'enquête, au milieu des digressions que l'on aime (que l'on attend ?), un peu de sa vie privée (très auto-critique et sans compassion avec lui-même), un peu de ses deux précédents romans ("Sulak" (qu'il va vraiment falloir que je lise) et "la petite femelle" (quoi vous ne l'avez pas encore lu ??!!)), toujours autant d'humour, beaucoup de recherches et de travail et une écriture passionnante. Un vrai polar mais dans la vraie vie !
Soyons sérieux.
On découvre une justice un peu étrange, tout d'abord dans l'énoncé des faits où il apparaît très clairement qu'Henri Girard ne peut qu'être coupable, et finalement en quelques minutes de délibération le jury l'acquitte. C'est très étrange. Et bien qu'il ait eu un des meilleurs avocats pour le défendre (Maurice Garçon) cela reste très troublant. Que s'est-il réellement passé ? Clairement le président du tribunal est en faveur de la défense, mais pourquoi ?? Qu'Henri Girard ait été coupable ou pas, cela laisse penser qu'il y a eu plus d'une erreur judiciaire.
Puis lorsque l'on découvre les arcanes de l'enquête cela laisse d'autant plus rêveur... soit Philippe est un héros, ultra-intelligent, qui voit tout et sait tout, soit (et désolée Philippe mais c'est plus probable (en revanche je reconnais l'ENORME travail qui a été fait)) il y a eu un sérieux laisser-aller au cours de l'enquête. On voit ce qu'on veut, on garde ce qui nous arrange et on fait sa petite tambouille avec tout ça. Nous ne saurons probablement jamais le fin mot de l'histoire, mais je reconnais que Philippe m'a plutôt convaincu dans son interprétation des évènements (ok ok je sais, aucune objectivité...).
Bref, ce livre est passionnant, drôle, savoureux... mais très lourd.
Évidemment je recommande plus que plus, et en profite pour vous (re)conseiller de lire "La petite femelle" que j'avais aussi adoré !!
"Voilà, j'aime bien les faits divers, le sordide ne me dérange pas à priori, mais en réalité, honnêtement, ça dépend : quand on a le sentiment de connaître quelqu'un, même si ce n'est pas vrai, quand on s'est attaché d'une façon ou d'une autre, ce n'est plus la même histoire. Ça désole, ça blesse, le sordide dégoûte."
"Enfin, à son ennemi le plus buté, Joseph Martigny : «Je fais bonne figure mais je sens chaque jour se perdre ma confiance dans la vie, toute ma jeunesse d'âme.»"
Julliard, 648 pages.
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