"J'écris comme je travaille
À la chaîne
À la ligne"
L'auteur a un parcours assez atypique
des études de littérature
travailleur social
puis intérimaire en Bretagne dans des usines agro-alimentaires
conserverie de poissons et abattoir
dépoteur de chimères
égoutteur de tofu
trieur de crevettes
cuiseur de bulots
nettoyeur d'abattoir
découpeur de porc
trieur de demi-vache
La ligne de production
la ligne d'écriture
il faut aller vite
vite
les horaires
décalage permanent
la force
la douleur du corps
la précarité de l'emploi
du temps et du transport
À la maison l'amour
l'épouse et le chien
Le mélange des genres
le mélange des mots et des poissons
le mélange de la poésie et de l’humour
parfois coquin
Un livre, un essai, un récit, un témoignage écrit comme un long poème en vers libres, sans ponctuation, dans le souffle de l'usine, de la ligne de production.
Joseph Ponthus nous raconte ainsi son quotidien, la difficulté de trouver un emploi dans son domaine et comment il se retrouve ouvrier dans les usines agro-alimentaires de Bretagne, pour gagner de l'argent. Il nous raconte les difficultés, physiques, d'organisations, les horaires, les collègues...
La forme utilisée est tout simplement parfaite pour le sujet, parfaite pour cette écriture à la fois dure, crue, incisive, brillante, intelligente, mais aussi pleine d'humour et de tendresse.
J'ai rarement autant ri en lisant un livre, je suis revenue en arrière pour relire, les jeux de mots sont fins, malins, ce n'est même plus du second degré, on vole haut, très haut dans la littérature, dans la langue, les mots, les phrases.
J'ai tellement tellement aimé !!!
Je lis pour ce genre de livre, sur lesquels on tombe un peu par hasard, sans savoir à quoi s’attendre.
Pour la surprise, la stimulation de l’intellect, l’ouverture sur un monde (ouvrier) inconnu.
Je me suis régalée, délectée,
je ne peux que recommander
mon enthousiasme est sans fin
J’attends, j’espère que Joseph Ponthus nous fera revivre d’aussi belles découvertes.
"À l'agence d'intérim on me demande quand je peux commencer
Je sors ma vanne habituelle littéraire et convenue
« Eh bien demain dès l'aube à l'heure où blanchit la campagne »
Pris au mot j'embauche le lendemain à six heures du matin"
"J'échafaude des contraintes qui me semblent bien sonner
Égoutteur de tofu
Et fauteur de dégoûts"
"Le temps perdu
Cher Marcel je l'ai trouvé celui que tu recherchais
Viens à l'usine je te montrerai vite fait
Le temps perdu
Tu n'auras plus besoin d'en tartiner autant"
"Le chauffeur me demande si je suis un chef pour aller comme ça à l'usine en taxi
Je lui réponds que je suis le fils d'Agnès Saal mais
il n'a pas l'air de capter ma vanne"
"L'autre jour à la pause j'entends une ouvrière dire à un de ses collègues
« Tu te rends compte aujourd'hui c'est tellement speed que j'ai même pas le temps de chanter »
Je crois que c'est une des phrases les plus belles
les plus vraies et les plus dures qui aient jamais
été dis sur la condition ouvrière
Ces moments où c'est tellement indicible que l'on
n'a même pas le temps de chanter
Juste pour voir la chaîne qui avance sans fin l'angoisse
qui monte inéluctable de la machine et devoir
continuer coûte que coûte la production alors que
Même pas le temps de chanter
Et diable qu'il y a de jours sans"
"Je le dois à l'amour
Je le dois à ma force
Je le dois à la vie"
La Table Ronde, 263 pages.
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