vendredi 20 septembre 2019

"Les déracinés" de Catherine Bardon


"Regarde-les donc bien ces apatrides,
toi qui as la chance de savoir où sont ta maison
et ton pays [...]. Regarde-les bien, ces déracinés, 
toi qui as la chance de savoir de quoi tu vis
et pour qui, afin de comprendre avec humilité à quel
point le hasard t'a favorisé par rapport aux autres. Regarde-les
bien, ces hommes entassés à l'arrière
du bateau et va vers eux, parle-leur, 
car cette simple démarche, aller vers eux, 
est déjà une consolation."
Stefan Zweig, Voyages

"Les déracinés" c'est l'histoire de 30 années de vie d'Almah et Wilhelm qui démarre avec leur rencontre à Vienne en Autriche en 1932.
Ils sont jeunes, ils sont beaux, insolents de vitalité, et devant eux, un bel avenir à construire. Ils sont très amoureux et ne veulent pas voir ce qui se passe autour en Allemagne mais aussi en Autriche jusqu'à ce que cela devienne inéluctable et que leur judéité les conduise à l'exil.
Ce sera un long, très long voyage pour arriver à leur destination finale, la République Dominicaine, où le dictateur en place, Trujillo, accorde des visas à des émigrés juifs afin de bâtir un kibboutz dans le nord de l'île et d'y installer une nouvelle communauté juive.
Comment Almah et Wilhelm vont-ils parvenir à vivre sur cet île, loin de leur famille, de leur pays, loin des rêves qu'ils avaient pour eux-mêmes ? Comment une communauté peut-elle naître de rien au bout du monde, loin de ses racines ? Peut-on justement se créer de nouvelles racines ?

Ce premier roman très dense explore tout un pan de l'Histoire par le biais de ce couple et de cette future famille que l'on suit avec tendresse tout au long de leur vie.
Pour ma part c'est une découverte, encore, que cette communauté de juifs qui ont été envoyés en République Dominicaine. Était-ce une expérimentation en vue de la création d'un état d'Israël, ou réellement une volonté de sauver des vies ?
On réalise encore plus à quel point des gens, à cause de leur religion/origine, ont été déplacés sans que l'on ne tienne compte de leurs désirs, des liens avec leur famille.
Les déracinés est un mot très fort mais qui représente bien ce que ces familles ont vécu.

Je découvre aussi la République Dominicaine et un peu de son histoire, la violence de la dictature, encore et toujours, mais aussi la chaleur, le sourire, la bienveillance des dominicains.

C'est un roman fleuve dans lequel on se jette et lorsqu'on relève la tête on ne peut qu'être bouleversé par ce couple magnifique et la vie qu'ils ont mené.
J'ai particulièrement aimé le personnage d'Almah, une femme forte et tendre à la fois, une femme heureuse, gaie et déterminée.

Un très beau premier roman.

Les escales, domaine français, 608 pages. Mai 2018

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire