vendredi 29 décembre 2017

"Les Rois maudits 1 - Le Roi de fer" de Maurice Druon



Beaucoup doivent déjà connaître cette saga ; pour moi il s'agit d'une découverte grâce à une amie qui m'a offert la série.
Bien entendu je n'ai pas résisté longtemps avant d'attaquer ce premier tome.

Nous sommes au début du XIVème siècle, Philippe IV dit Le Bel règne sur la France.
Sa fille Isabelle est Reine d'Angleterre, épouse du Roi Edouard II plus occupé à ses mignons qu'à son épouse ; il a aussi 3 fils, Louis de Navarre, dit le Hutin, Philippe Comte de Poitier et Charles de France. Ils ont épousé Marguerite, Jeanne et Blanche de Bourgogne, soeurs et cousines.
Philippe Le Bel est secondé par Enguerrand de Martigny et Guillaume de Nogaret son garde des Sceaux.

Il est question d'une rencontre entre Isabelle et son cousin Robert III d'Artois qui l'informe de l'infidélité de ses belles-soeurs, ainsi ensemble ils organisent un complot afin de les compromettre.

En même temps après de longues années de procès le Grand Maître des Templiers, Jacques de Molay est condamné à être brulé vif sur un bûcher. Avant de pousser son dernier soupir il maudit le Pape Clément V (1er des papes d'Avignon installé par Philippe Le Bel), Guillaume de Nogaret et le Roi Philippe sur 13 générations.
Et en quelques mois ces trois là vont disparaître, malédiction ou manigances et sorcellerie....

Afin de renflouer les caisses de l'État, le coadjuteur Marigny décide de lancer une nouvelle ordonnance à l'encontre des lombards qui feront tout pour l'en empêcher en la personne de Tolomei un de leur meilleur représentant qui se fera lui-même aider de son neveu Gucci Baglioni.

Les chapitres se succèdent comme les épisodes d'une série, une action principale à chaque fois et qui fait avancer l'histoire d'un bon petit pas. Il y a beaucoup de personnages mais on suit très bien malgré tout.
Une façon drôle et ludique de (re)découvrir une partie de l'Histoire de France. Les notes historiques sont très utiles et apportent un vrai plus ainsi que la petite biographie des différents personnages.
Ce n'est bien sûr pas de la grande littérature mais un vrai moment sympa de loisir, comme un bon polar. Je me suis beaucoup amusée et suis impatiente de lire la suite.

Merci Nathalie 😊

Le Livre de Poche, 292 pages.

mardi 26 décembre 2017

"Le grand marin" de Catherine Poulain



Lili quitte Manosque-les-Couteaux pour l'Alaska. Elle veut pêcher !
Après avoir traversé en bus les État-Unis elle arrive enfin sur l'île de Kodiak où elle trouve un bateau, le "Rebel", pour partir pêcher, avec son skipper Ian.

C'est un véritable livre d'apprentissage du monde de la pêche, en passant de la morue noire au flétan et aux crabes. La violence de la mer, des vagues, du froid, de l'humidité. Il faut tout apprendre, comment appâter, attraper les poissons, les vider, dormir sur le sol dur, humide, dans le roulis et tout ça pour pas grand chose.
Travailler 24h sur 24, rentrer au port et boire, fumer, boire, manger des popcorn et encore boire et fumer, c'est une ambiance humaine glauquissime, noire, dans un théâtre naturel magnifique.

Lili va se dépasser pour apprendre et rester sur le bateau, pour se faire une place dans ce monde d'homme. Il y a les blessures physiques, dangereuses, les blessures de l'âme, et un peu d'amour.

Mais quel monde, où règnent la violence, l'alcool, la drogue, la tristesse.

Chaque homme a son histoire qui l'a amené jusque là... y compris Lili.

Dans l'ensemble le livre m'a plu, j'ai aimé les grands espaces, partir en mer, affronter les dangers de la pêche, ses règles... J'ai même aimé la façon dont la ville, le port, la vie sur terre est racontée.

Cependant il y a quelques longueurs qui m'ont ralenti dans la lecture et m'ont dérangé sans que je puisse vraiment dire pourquoi.
C'est un très beau livre, un poil dérangeant, plutôt bien écrit et une histoire touchante, où l'on perçoit de la douleur, et un très grand mal-être.
"Embarquer, c'est comme épouser le bateau le temps que tu vas bosser pour lui. T'as plus de vie, t'as plus rien à toi. Tu dois obéissance au skipper. Même si c'est un con - il soupire. Je ne sais pas pourquoi j'y suis venu, il dit encore en hochant la tête, je ne sais pas ce qui fait que l'on veuille tant souffrir, pour rien au fond. Manquer de tout, de sommeil, de chaleur, d'amour aussi, il ajoute à mi-voix, jusqu'à n'en plus pouvoir, jusqu'à haïr le métier, et que malgré tout on en redemande, parce que le reste du monde vous semble fade, vous ennuie à en devenir fou. Qu'on finit par ne plus pouvoir se passer de ça, de cette ivresse, de ce danger, de cette folie oui ! "
"Je pensais aux hommes qui travaillaient à cette heure, [...] Et aux autres, qui travaillaient encore et toujours. Ils étaient vivants eux, et le sentaient à chaque instant. Ils étaient dans la vie magnifique, luttant au corps à corps avec l'épuisement, avec leur propre fatigue et la violence de l'au-dehors."
"Je suis une tueuse comme les autres, j'ai éventré mon premier flétan. J'ai même mangé son coeur encore vivant. C'est moi qui tue à présent. Le sel me brûle le visage, le sang a durci mes cheveux, collé mes mèches entre elles. Je m'endors sous mon casque baroque, le feu aux joues, au coin de mes lèvres un peu de sang séché." 
Éditions de l'Olivier, 368 pages.

mardi 19 décembre 2017

❤️❤️ "Neverland" de Timothée de Fombelle


Une petite douceur, un petit bonbon sucré qui se dévore en quelques heures, et on se lèche les doigts pendant un petit moment de tout le sucre qui reste !

Timothée de Fombelle est l'auteur connu et reconnu de roman-jeunesse (Tobie Lolness, Vango...), pour la première fois ici il s'adresse aux adultes.

Il est difficile de "raconter" ce livre.
C'est un récit sur une tentative de retour en enfance, il y a des souvenirs mais pas seulement, il y a aussi ce petit quelque chose qui est plus de l'ordre du ressenti que de la mémoire, quelque chose qui vit dans notre chair et dans notre corps.
Timothée de Fombelle regarde le petit garçon qu'il a été, il se laisse conter son enfance, ce pays perdu dans lequel on se propulse grâce à une odeur, une image, une voix...

C'est beau et tendre, plein de poésie et de douceur.
On comprend finalement très bien pourquoi il écrit des romans pour les "enfants", cet enfant en lui qu'il a du mal à quitter, à laisser pour se tourner vers le monde des adultes.
Une jolie petite histoire qui fait du bien.
"Et quand, en découvrant un hiver une lettre de fiancé qu'il lui avait écrite au retour de captivité, je lus ces mots : « Je vous ai dit que toute ma vie serait consacrée à assurer votre bonheur et que je serais très difficile en cette matière, je ne veux pas pour vous d'un petit bonheur médiocre, à quatre sous, je veux un bonheur total, rayonnant, incommensurable. Je veux que vous viviez dans la gaité, dans la confiance, je veux que vous n'en croyiez pas vos yeux », quand j'ouvris, alors qu'ils avaient déjà tous les deux disparu depuis longtemps, cette lettre écrite à vingt ans, je ressentis le tremblement de terre que provoque en nous la parole tenue toute une vie."
"L'enfant est une île. Il ne sait et ne possède rien. Il devine des forces immenses sous les bandelettes qui serrent son corps. Pour lui, le lendemain n'existe pas. Le passé a déjà disparu. L'enfant commence par être cet instant suspendu, désarmé, qui jaillit comme un bouchon au milieu de la mer et regarde autour de lui." " - Oui. J'étais dans les rochers. Ils m'avaient l'air plus grands l'année dernière. Elle sourit sans me regarder.  -  C'est toi qui grandis. Aujourd'hui je me souviens exactement de ces mots. Et c'est vrai qu'en grimpant sur mon rocher, je me suis senti soudain différent. Une autre ligne à ajouter peut-être dans le cahier des jours où l'enfance m'a quitté."
"Mais au début, il n'y a que la sensation. Le monde vient cogner contre lui et l'enfant le laisse entrer."
"Je n'ai pratiquement pas de mémoire, et pourtant il y a un endroit où tout cela reste vivant. L'enfance n'habite pas la mémoire. Elle habite notre chair et nos os. [...] Elle est tout ce qui reste à ceux dont on dit qu'ils n'en ont pas eu. Je sens encore bouger en moi le corps de l'enfant."
 Il est des souvenirs que parfois on partage d'une certaine manière, et celui qui vient en particulier pour moi, j'ai la chance de pouvoir toujours en parler avec ma grand-mère. J'ai pu lui expliquer l'importance de ce vieux meuble en bois qu'elle a relégué ailleurs dans la maison mais qui pour toujours, pour moi, sera "le meuble à cadeaux" !
"Mais alors que la magie du tiroir sud reposait sur des objets tous anciens, périmés ou dépareillés, le tiroir supérieur, lui, encore plus large et plus fragile, n'était plein  que d'objets extraordinairement neufs. Une paire de chaussons dans son sachet, une valisette écossaise sous film transparent, une souris mécanique dans sa boîte. Le ravitaillement se fait sûrement par une trappe au fond du tiroir à l'aide de minuscules fourgons postaux tirés par des hannetons."
L'ICONOCLASTE, 117 pages.

lundi 18 décembre 2017

"Repose-toi sur moi" de Serge Joncour


PRIX INTERALLIÉ 2016


Aurore est styliste et possède, avec Fabian son meilleur ami, une entreprise de création de mode. Son mari est franco-américain, un vrai businessman à qui tout réussit. Ensemble ils ont des jumeaux, un garçon et une fille.
Mais depuis quelques mois plus rien ne va dans la vie d'Aurore, elle se pose beaucoup de questions, et puis il y a ces deux corbeaux qui se sont installés dans la cour de son immeuble, ils la terrorisent, la tétanisent.

Dans le même immeuble parisien où vivent Aurore et sa famille, de l'autre côté de la cour, dans l'escalier C, vit Ludovic, un géant, célibataire, à Paris depuis seulement 3 ans.
Il vient de la campagne, c'est un ancien agriculteur, mais il a tout lâché pour venir faire sa vie ici, il travaille pour une entreprise de recouvrement de dettes. Il n'en est pas toujours fier mais c'est son travail. 
Régulièrement il retourne chez lui, dans la ferme de ses parents, que sa soeur et son beau-frère ont reprise. Il ne s'y sent plus tout à fait "comme à la maison", une gêne s'est installée, et puis il a du mal à supporter de voir sa mère dans son fauteuil, assise à ne rien faire, à oublier, à tenter de se souvenir.

Bien entendu Aurore et Ludovic vont se croiser, dans le local des boîtes aux lettres, dans la cour...
Tout les oppose, et pourtant une relation va naître. Petit à petit ces deux êtres blessés vont s'amadouer, se connaître, se reconnaître, jusqu'à ne plus pouvoir se passer l'un de l'autre.

Une histoire qui commence je dirais de façon tout à fait banale et puis petit à petit on rentre dans un scénario plutôt inattendu, on a parfois envie de dire -stop- mais où va-t-on ?, cependant ce couple improbable continue d'avancer, de manière surprenante.

J'ai plutôt bien aimé cette lecture, assez facile dans l'ensemble, on se laisse prendre par l'histoire - même si parfois il y a pour moi un poil d'exagération - et on suit, une jolie histoire d'amour. Peut être un peu de caricature ? Un bon livre de détente, où l'on voit une femme se battre pour sa société, pour son indépendance mais aussi pour son amour, un homme seul essayer de se reconstruire. 
Toutefois mon petit bémol est que la fin m'a semblé un peu négligée, comme si l'auteur ne savait plus trop quoi faire de ces héros, et les personnages secondaires sont finalement très peu existants bien qu'assez nombreux.
"Cette femme, il ne savait plus s'il avait vraiment voulu l'aider ou simplement la défier. Ce dont il était certain par contre, c'est qu'il prenait le risque de déstabiliser son couple, alors qu'ils étaient mille fois plus armés que lui, mille fois plus solides. [...] Alors il fixa cet appartement qu'il le dominait dans la nuit, avec ses fenêtres clignotantes, on aurait dit qu'il venait vers lui, il avait eu tort de s'approcher de ce couple, en se frottant à eux il avait tout à perdre, ce milieu n'était pas le sien, il n'aurait jamais dû s'approcher d'eux, ils finiraient par le broyer."
J'AI LU, 503 pages.

mardi 12 décembre 2017

❤️ "Une fille dans la jungle" de Delphine Coulin



 "Elle s'était réveillée la première, la faim au ventre. Les autres dormaient encore dans la tente bleue, roulés en boule pour se tenir chaud, une portée de chiots sans mère."

Ils ont fui leur pays avec un seul objectif l'Angleterre ; bloqués depuis quelques mois à Calais dans cette jungle terrible qu'est le camp de réfugiés à, à peine, 33 km de leur ultime but, ils feront tout pour tenter d'y parvenir.

Mais les autorités françaises ferment le camp une bonne fois pour toute et nos six héros refusent de se laisser emmener loin de ces derniers 33 km. Ensemble ils vont braver le froid, la peur, la faim, la violence pour essayer encore et encore de passer de l'autre côté.

Hawa, Elira, les 2 filles - dont l'une vient d'Éthiopie et l'autre d'Albanie -, Milad, Jawad - son frère -, Ali et Ibrahim sont afghans ; tous sont des ado-enfants ils ont entre 8 et 18 ans. Le périple qui les a amené jusque là est d'une violence inouïe, ils ont été abusés, volés, violés, frappés... mais il garde espoir et malgré toutes les injustices leur force et leur volonté sont sans faille.

Une fois le camp démantelé il faut s'organiser pour ne pas mourir de froid, ne pas se faire attraper, et là, à côté de chez nous, pendant que nous sommes bien au chaud dans nos salons, ces enfants sont dans la boue, dans la rue...

Delphine Coulin a passé beaucoup de temps à Calais dans le camp, elle a rencontré des jeunes, a pu discuter avec certains. De ces échanges elle a tiré ce livre, un roman certes, mais un roman proche du récit, un roman proche de la réalité.
Elle dénonce une vérité qui fait mal, sans critique, sans pointer du doigt qui que ce soit, simplement une vie, des vies, d'enfants. Elle met aussi en lumière, un peu, le travail des bénévoles, de médecins sans frontière.

J'ai aimé ce livre, son écriture simple qui nous pousse à l'imagination, à la réflexion.
C'est tellement difficile d'imaginer cette vie pour des jeunes, c'est tellement difficile d'imaginer cette vie là en France.
Un simple constat, pas de solution, pas de jugement.

"Les habitants à qui elle avait pu parler l'avaient tous regardée avec une sorte de méfiance. Quand il n'y avait pas de grillages, il y avait des barrières, visibles ou non, entre elles et les gens, alors qu'ici dans la jungle, elle avait ses repères."
"À force de les considérer comme des bêtes, ceux qui les détestaient les forçaient à devenir des bêtes pour pouvoir les détester encore plus."
"Il disait que chacun avait son Angleterre, et pas seulement les migrants. Chacun avait besoin d'un espoir de changement."
"Son voyage, depuis l'aube où elle avait quitté la maison de son père pour aller rejoindre la femme de la téléboutique jusqu'à ce trottoir de Calais où le regard de Chef ou de ses hommes ne la lâchait jamais longtemps, lui a semble être une longue chaîne d'esclavages successifs." 
Grasset, 238 pages.

lundi 11 décembre 2017

"En vrille" de Deon Meyer



Le corps d'Ernst Richter est retrouvé par le plus grand hasard enfoui dans le sable ; il était porté disparu depuis près de 3 semaines.
Étant le fondateur d'un site internet peu reluisant, Alibi.co.za - qui propose toutes sortes d'alibis - il a de nombreux "ennemis".

L'équipe de police des Hawks va tenter de découvrir l'assassin avant les fêtes de Noël qui approchent.

Nous sommes en Afrique du Sud, à Stellenbosch, à l'est du Cap dans la région viticole. Il y a comme dans tout bon policier une bonne équipe de détectives-lieutenants-colonels. L'alcoolique qui n'arrive pas à s'en sortir, le bon copain, le délateur, la femme, le noir, le métis... bref tous les ingrédients du polar sud-af.

Comme nous sommes dans la région viticole nous retrouvons effectivement le vin, il y a bien sur un peu de rugby aussi, et les nouvelles technologies avec ce fameux site internet.

C'est un bon polar qui nous fait passer un bon moment. Mais rien d'extraordinaire non plus, j'avoue ne pas avoir "accroché" à l'intrigue comme parfois dans de très bon polar.

mercredi 6 décembre 2017

"Ils vont tuer Robert Kennedy" de Marc Dugain


Mark O'Dugain est professeur d'histoire à l'université de Vancouver, spécialiste des frères Kennedy et notamment de toutes les conspirations qui tournent autour de leurs assassinats.
Ce thème est devenu une véritable obsession pour lui, et après en avoir fait sa thèse, il a décidé de mener une enquête sur la mort de chacun de ses parents décédés de manière violente et brutale à une année d'intervalle lorsqu'il était adolescent. Décès qu'il pense être liés au meurtre de Robert Kennedy.

Beaucoup de théorie complotiste, de mégalomanie derrière ce professeur en recherche permanente de ses origines, de l'amour de ses parents et dans la peur et la fuite de l'abandon.

L'histoire débute avec l'assassinat de "Jack", et à partir de là on déroule le fil qui amènera son petit frère Bobby à se présenter au poste suprême en 1968, tout ceci entrelacé avec la recherche du professeur sur le passé de ses parents et notamment de son père ancien résistant français, thérapeute hypnotiseur et très vraisemblablement lié à des services secrets...

On y retrouve mêlés le FBI, la CIA - avec le professeur Godlove et son travail sur la manipulation psychologique - Hoover, Bush père, la mafia, les syndicats, etc.

Au départ j'ai eu un peu de mal à entrer dans l'histoire, à y "croire", puis, finalement, à la moitié du bouquin j'ai été embarquée, happée et me suis laissée prendre au piège du complot et de la manipulation.

Toutes ces théories sont glaçantes et pourtant probablement avérées pour la plupart d'entre elles,  l'image des chefs d'État américain n'en ressort pas tellement glorifiée même si nous n'avions pas vraiment besoin de ce livre pour nous en apercevoir...

Lecture très intéressante d'un point de vue historique, petit rafraîchissement sur la guerre froide et toute cette période post seconde guerre mondiale un peu trouble.

Marc Dugain ne mâche pas ses mots et ses idées, n'a-t-il pas peur de finir avec une balle dans la tête ?! 😉
"De longs mois et de nombreux entretiens avec des chercheurs travaillant sur la question m'ont été nécessaires pour comprendre que Timothy Leary était sous la discrète influence de la CIA. Je l'ai dit précédemment, la CIA et Leary travaillaient, chacun de leur côté, sur le même produit, le LSD, avec des objectifs contradictoires, du moins en apparence, Leary voulait libérer l'humanité. La CIA, de sont côté, avait offert une manne considérable à des universitaires et à des chercheurs en psychiatrie pour prendre le contrôle des individus sans violence, sans intervention militaire."
"Cette femme autoritaire avait opéré son propre diagnostic. Pour elle, son fils souffrait probablement d'un déficit hormonal et d'un déséquilibre psychique qu'elle me proposait de soigner moyennant une somme considérable. J'ai refusé en lui expliquant sans prononcer le mot honni que son fils ne souffrait d'aucune névrose mais qu'il appartenait seulement à une communauté d'individus dont l'objet sexuel n'est pas obligatoirement le sexe opposé. Je lui expliquai aussi que les souffrances auxquelles elle se référait ne tenaient pas à son état mais à la perception de celui-ci par la société et à l'image profondément blessante que celle-ci lui renvoyait." 
"Cet ennemi commun doit ensuite permettre de justifier la démence des moyens alloués pour le détruire. Il doit être assez menaçant pour qu'on puisse envisager d'aller jusqu'au coup d'État pour l'anéantir. Je remarque que cet ennemi est toujours défini au regard des risques qu'il fait penser sur la liberté, prétexte, pour lutter contre lui, à anéantir cette liberté."
"[...], l'inoubliable pourfendeur du mal, George W. Bush, le fils prodigue à qui il a manqué certainement un quart d'heure de cuisson à la naissance et dont le seul héritage est le cancer islamiste." 😂😂
Gallimard, 399 pages.

lundi 4 décembre 2017

"L'ordre du jour" de Eric Vuillard


GONCOURT 2017

Où il est question d'une réunion en février 1933 au cours de laquelle 24 grands noms représentants le monde de la finance et de l'industrie allemande - des noms d'entreprises aujourd'hui toujours connues et renommées - approuvent Hitler et sa politique nazi en participant financièrement à sa campagne électorale ;

Où Hitler reçoit le chancelier autrichien Schuschnigg, et obtient de sa part - sous la menace d'une invasion militaire - de faire entrer des éléments du parti nazi dans le gouvernement ;

Où Ribbentrop est reçu à diner au 10 downing street chez Chamberlain le premier ministre britannique et le fait tourner en bourrique alors que ce dernier vient d'apprendre l'invasion de l'Autriche par les troupes militaires allemandes ;

Où 4 dirigeants de 4 pays européens - Chamberlain, Daladier, Mussolini, Hitler - se retrouvent à Munich pour signer des "accords" ;

Où finalement Hitler envahira l'Autriche avec son armée bringuebalante, lourde, lente dans un pays déjà conquis ;

Où finalement avec un gros coup de bluff, un très bon coup de poker, Hitler a provoqué une guerre qui a mis l'Europe puis le monde entier à feu et à sang....

Nous découvrons les coulisses, les fondements de la seconde guerre mondiale, dans un récit court avec un style concis, précis. En peu de mots mais avec minutie Eric Vuillard nous montre tout l'absurde de l'enchainement des évènements.
Lecture très agréable et intéressante, un prix bien mérité !

Actes Sud, 150 pages.

mardi 28 novembre 2017

"Novecento : pianiste" de Alessandro Baricco



Il est né sur un bateau, probablement en troisième classe.
On l'a trouvé sur le piano, un machiniste.
Il devient son fils : Danny Boodmann T.D. Lemon Novecento.
Jamais il ne descendra du bateau. Il traversera les mers, et jouera du piano.

Un joueur de trompette deviendra son ami.
Une belle amitié.

Un joli conte, tout petit, c'est délicatement écrit et l'on y trouve une histoire d'amitié très agréable mais malheureusement je n'ai pas tellement été touché.
Petite déception de ne pas avoir su trouver la lumière dans ce court texte.
C'est comme ça...

"Il savait écouter. Il savait lire. Pas les livres, ça tout le monde le peut, lui, ce qu'il savait lire, c'était les gens. Les signes que les gens emportent avec eux : les endroits, les bruits, les odeurs, leur terre, leur histoire... écrite sur eux, du début à la fin."
 "Moi, j'y suis né, sur ce bateau. Et le monde y passait, mais par deux mille personnes à la fois. Et des désirs, il y en avait aussi, mais plus que ce qui pouvait tenir entre la proue et la poupe. Tu jouais ton bonheur, sur un clavier qui n'était pas infini. C'est ça que j'ai appris, moi. La terre, c'est un bateau trop grand pour moi. C'est un trop long voyage. Une femme trop belle. Un parfum trop fort. Une musique que je ne sais pas jouer. Pardonnez-moi. Mais je ne descendrai pas. Laissez-moi revenir en arrière." 
Folio, 84 pages.

❤️❤️❤️ "Les Passeurs de livres de Daraya, une bibliothèque secrète en Syrie" de Delphine Minoui

"Face aux bombes, la bibliothèque est leur forteresse dérobée. Les livres, leurs armes d'instruction massive."
"Notre révolution s'est faite pour construire, pas pour détruire." 
Delphine Minoui est une journaliste franco-iranienne basée aujourd'hui à Istanbul, elle est grand reporter pour le Figaro et a remporté le Prix Albert Londres en 2006. Elle est une écrivain hors pair qui sait conter une réalité sans tomber dans le mélodrame.

Tout est parti d'une photo trouvée sur internet, sur la page Facebook de "humans of Syria", une photo représentant deux jeunes syriens entourés de murs de livres, un cliché qui évoque une bibliothèque secrète au coeur de Daraya.
Un cliché dont Delphine Minoui va tout faire pour retrouver l'auteur, pour comprendre cette image, ces jeunes, une bibliothèque au milieu de l'enfer syrien ?!

Daraya est un des berceaux du soulèvement pacifique de 2011, Daraya encerclée et bombardée depuis 2012, Daraya où il n'y a plus que quelques milliers d'habitants en octobre 2015 lorsque Delphine Minoui entre en contact avec Ahmad Moudjahed, l'auteur de la photo et l'un des fondateurs de cette bibliothèque secrète.

Pendant près d'un an elle va tenter d'établir un contact quasi quotidien avec ces jeunes syriens qui continuent de se battre pour la liberté. Via skype, whatsapp, Facebook, dès qu'un accès internet fonctionne les jeunes de Daraya lui envoient des messages, des vidéos, des photos et ils échangent de longues conversations.
Au départ Delphine Minoui a voulu se rendre dans cette banlieue de Damas mais cela s'est avéré totalement impossible, pour autant elle n'a pas voulu baisser les bras et souhaitait coûte que coûte pouvoir rendre hommage à ses jeunes et leur bibliothèque en écrivant un livre sur eux, elle souhaitait que ce livre puisse finir sur les étagères de cette bibliothèque improbable.

En parcourant les maisons éclatées par les obus, les jeunes révolutionnaires ont découvert des livres et décidé de les sauver, ils les ont rassemblés dans le sous-sol d'un immeuble abandonné ainsi transformé en librairie, chaque livre a été réparé, soigné, annoté (afin qu'il retrouve son propriétaire) et placé sur une étagère. On y retrouve des livres de littérature arabe, occidentale, des livres de psychologie, de connaissance de soi, de développement personnel, des livres de sciences, de la poésie, une ouverture sur le monde qui n'est pas Assad et son enfermement.
"Les livres, c'est notre façon de rattraper le temps perdu, d'effacer à jamais l'ignorance. [...] Le livre ne domine pas. Il donne. Il ne castre pas. Il épanouit."
Ce livre est le récit de ses jeunes qui se battent pour leurs livres, pour leur liberté de penser, mais c'est aussi un témoignage vibrant du siège de Daraya,  de cette population poussée à bout, bombardée tous les jours, et n'ayant plus rien à manger, jusqu'au bout, jusqu'à la fin...
"Dans ce sas de liberté qu'ils se sont créé, la lecture est leur nouveau socle. Ils lisent pour sonder le passé occulté. Ils lisent pour s'instruire. Pour éviter la démence. Pour s'évader [...]"
"Les livres nous ont sauvés. C'est notre meilleur bouclier contre l'obscurantisme."
"Je réalise à quel point la guerre est plus pénible à vivre pour la personne qui en est éloignée. Pour moi, la guerre fait partie de mon quotidien. Elle est mon quotidien. Je l'ai choisie et acceptée. À vrai dire, j'ai perdu la notion de peur."
 "Ils [les livres] me donnent l'impression de redevenir cet étudiant que j'étais, de ressembler à n'importe quel jeune homme du monde entier. Ils m'arrachent, l'espace d'un instant, à cette vie déformée qui est devenue mienne."
Pour retrouver l'interview de Delphine Minoui dans "La Grande Librairie" ICI
Vous pouvez lire l'article de son livre "Je vous écris de Téhéran"que j'avais énormément aimé.

Le Seuil, 160 pages.

"Les Bourgeois" de Alice Ferney


Ce roman raconte l'histoire d'une famille bourgeoise, catholique, parisienne ; histoire qui couvre le XXème siècle.

Henri, le père de la famille, est né en 1895 et Mathilde, son épouse, en 1897 ; ils auront ensemble 10 enfants, 8 garçons et 2 filles qui naitront entre 1920 et 1940. Une grande et belle famille qui traversera le siècle et ses péripéties.

Après avoir combattu lors de la première guerre mondiale, Henri aura sa propre maison d'édition, il sera un père de famille juste, sévère et fervent catholique.
Dix enfants en vingt ans cela fait une grande différence générationnelle, et inévitablement entre les premiers et les derniers le clivage est important.
Les ainés seront exactement comme ils ont été éduqués dans la religion et la tradition, les derniers seront plus dans la mouvance de la modernité et de l'évolution du monde. Il y aura des militaires, des marins, un avocat, un médecin... bref les Bourgeois seront des bourgeois.

C'est une histoire plaisante à lire, on passe du bon temps, mais c'est un peu lent... on ne s'attache pas vraiment aux personnages car finalement leur histoire est on ne peut plus banale, et il ne se passe pas grand chose.

Ce que j'ai vraiment aimé dans ce livre, en revanche, ce sont les passages liés aux faits historiques, les deux guerres mondiales, la guerre d'Indochine (traitement un peu rapide), la guerre d'Algérie, mai 1968, la révolution féminine, la loi sur la contraception puis le droit à l'avortement, jusqu'aux attentats de janvier et novembre 2015. Ces passages là sont beaucoup plus forts et intéressants, une autre énergie circule.
Tout cela vu dans le prisme de cette famille bourgeoise, catholique, où les femmes, en jupe ou robe, sont à la maison à s'occuper des enfants, à gérer la maison. Evidemment quelques clichés mais en même temps c'est aussi une vérité.
"Et quand on a vécu un pareil abandon, que fait-on ? On replante des arbres, dit Louise. Ce serait donc la mort de Mathilde, l'écho dévastateur dans la vie de sa fille et la réparation nécessaire qui auraient déterminé la vie de Louise." 
Actes Sud, 350 pages.

NB: gros questionnement, les personnages sont les mêmes que ceux magiquement rencontrés dans "l'élégance des veuves" et qui d'un coup ne sont plus aussi beaux, fins et délicats ! Mais pourquoi ?
Les mêmes noms, les mêmes personnes, le même nombre d'enfants.... 
Je me sens un peu perplexe et ne sais trop quoi penser... Une bonne question à poser à l'auteur...


et la réponse trouvée sur le site de Actes Sud : 
"J’ai choisi dix personnages qui m’étaient familiers, les huit fils et deux filles de Mathilde et Henri Bourgeois, héros il y a vingt ans de mon roman L’Élégance des veuves. Ils occupent les places favorites de la bonne société – l’armée, la marine, la médecine, le droit, les affaires."

jeudi 23 novembre 2017

"Un fauteuil sur la Seine. Quatre siècles d'histoire de France" de Amin Maalouf


En juin 2011 Amin Maalouf est élu au 29ème siège de l'Académie Française à la suite de Claude Lévi-Strauss.
Le jour de la réception du nouvel immortel sous la coupole, la tradition veut qu'il fasse un discours, l'éloge de son prédécesseur, et c'est ce qui lui a donné l'idée d'écrire ce livre sur tous ces prédécesseurs à ce siège numéro 29.

L'Académie Française existe depuis près de quatre siècles - à l'initiative du cardinal de Richelieu - c'est donc une vraie fresque historique que nous propose Amin Maalouf en nous retraçant rapidement les vies de ses devanciers. Ils furent 18 au total, ils vécurent plus ou moins longtemps et surtout prirent possession de ce fauteuil pour un temps plus ou moins long.

C'est un livre intéressant, à picorer de temps en temps. On retient deux ou trois choses, on se replonge dans une bonne partie de l'Histoire de France, ce qui n'est pas désagréable.

Dix-huit chapitres, chacun concernant un personnage, beaucoup d'illustres inconnus, dont, honnêtement, on oublie tout sitôt la dernière page tournée.
Les chapitres font tous une vingtaine de pages, c'est parfois beaucoup pour certains hommes dont l'intérêt est très limité et parfois trop peu pour d'autres - soyons honnête, les plus récents - comme Claude Bernard, Ernest Renan, Henry de Montherlant et bien sûr Claude Lévi-Strauss.

On apprend quelques petites choses, notre curiosité est parfois piquée.
Bien entendu c'est admirablement écrit ce qui rend la lecture très agréable.
Malheureusement je ne suis pas certaine qu'il m'en reste grand chose dans quelques temps...

Grasset, 336 pages.

dimanche 19 novembre 2017

❤️❤️❤️ "Marx et la poupée" de Maryam Madjidi



GONCOURT DU PREMIER ROMAN 2017

Maryam Madjidi est née en 1980, en Iran où elle a vécu jusqu'à l'âge de 5 ans, elle est ensuite partie en exil avec sa famille en France, à Paris.

Dans ce roman/récit elle revient sur les différentes étapes de sa vie, entre l'Iran et la France, entre ses deux langues, ses deux cultures. 

Elle nous parle de son enfance à Téhéran, y compris de sa vie de foetus - en effet sa mère enceinte manifestait dans les universités - de la révolution, des manifestations, des arrestations... puis le départ en France et cette nouvelle vie qui commence pour elle. Elle qui décide de ne plus être iranienne, de ne plus parler cette langue, de devenir complètement, totalement française. Ce qu'elle fera.
"Ainsi, dans la tête de la petite fille, s'est tu le persan. Sa langue a foutu le camp. [...] Ainsi s'est tu le persan. La petite fille comprend qu'ici, il ne sert à rien de le parler. Personne ne lui répondra.  Alors il se passa quelque chose d'étrange : elle avala sa langue. Elle ferma les yeux et elle engloutit sa langue maternelle qui glissa au fond de son ventre, bien à l'abri, au fond d'elle, comme dans le coin le plus reculé d'une grotte."
Et lorsqu'elle sera une jeune femme, étudiante, elle va renouer avec cette langue, le persan, et retourner pour la première fois dans son pays natal. Retour qui sera difficile, elle retrouve sa famille, sa grand-mère, elle rencontre un homme, ne veut plus repartir ; mais sa famille la pousse dehors, elle a été élevée dans la liberté !
"C'était le premier voyage, le premier retour à la terre-mère, la première descente vers l'origine. Une descente ou une chute, je ne sais pas. J'ai failli perdre la tête. J'ai glissé sur mon identité. Je suis tombée."
Dans ce texte, les chapitres sont courts et presque séparés les uns des autres, chacun a son style, chacun à son message, chacun a son émotion. Elle joue avec les mots, elle joue avec la langue, les langues, elle en joue dans le livre, elle en joue dans sa vie. 
Et elle en joue très bien.

C'est beau, très beau
Touchant, émouvant, 
Fort et magnifique

Une puissance incroyable se dégage de ce texte, en même temps qu'une douceur intense et un amour fou, pour son histoire, son pays, sa famille, sa vie.

Je pense que son choix narratif peut en perturber quelques uns, moi il m'a touché, il m'a pris, c'est ce qui donne toute la force à ses mots, ses phrases.

Aujourd'hui Maryam Madjidi enseigne le français à des mineurs étrangers, elle sait, elle connait ce sentiment d'étranger, de ne pas connaître la langue. 
J'imagine qu'elle doit être une enseignante incroyable, très compréhensive.

Je recommande vivement la lecture de ce livre qui mérite très largement ce prix Goncourt. 
Et j'attends impatiemment la suite, auteur à suivre !
"Je déterre les morts en écrivant. C'est donc ça mon écriture ? Le travail d'un fossoyeur à l'envers. Moi aussi j'ai parfois la nausée, ça me prend à la gorge et au ventre. Je me promène sur une plaine vaste et silencieuse qui ressemble au cimetière des maudits et je déterre les souvenirs, des anecdotes, des histoires douloureuses ou poignantes. Ça pue parfois. L'odeur de la mort et du passé est tenace. Je me retrouve avec tous ces morts qui me fixent du regard et qui m'implorent de les raconter. Ils vont me hanter comme mon père, qui se réveillait en sueur chaque nuit durant des années. Invisibles, ils suivent mes pas. Parfois, je me retourne brusquement dans la rue et je vois des bouches effacées."
"De « manière provocante » veut dire dans l'intention de violer l'esprit pur et chaste de l'homme qui s'efforce de ne pas être tenté par ces créatures diaboliques mais qui a l'esprit tellement bien placé dans le cul et le sexe des femmes que le moindre poil féminin le fait sortir du droit chemin."
"J'aurais aimé ramasser les lambeaux de tes rêves, les sauver, les enfiler comme des perles dans ma guirlande de mots à moi, et l'accrocher au sommet d'un arbre pour que ça bouge et vive encore."
"- Tu sais ce que ça fait d'être nulle part chez soi ? En France, on me dit que je suis iranienne. En Iran, on me dit que je suis française. Tu la veux ma double culture ? Je te la donne, va vivre avec et tu viendras me dire si c'est une « belle richesse » ou pas."
Le Nouvel Attila, 202 pages.

samedi 18 novembre 2017

❤️ "La sorcière" de Camilla Lackberg


Dixième tome de la série avec Erica Falck et Patrick Hedstrom de la romancière suédoise Camilla Lackberg dans lequel nous retrouvons les protagonistes habituels, Patrick et Erica mais aussi tous ceux qui les entourent avec leurs caractères et leurs petites histoires.

Toujours sur le même modèle il y a l'histoire actuelle et une autre histoire en parallèle qui se passe 300 ans plus tôt et dont le lien ne sera découvert qu'à la toute fin.

Nea, 4 ans a disparu de la ferme de ses parents ; 30 ans plus tôt une autre petite fille, Stella, aussi 4 ans, avait également disparu de cette ferme et avait été retrouvé morte dans la forêt. Existe-t-il un lien entre ses deux affaires ?
À l'époque deux adolescentes de 13 ans, Helen et Marie, avaient été reconnues coupables du meurtre; aujourd'hui Helen vit toujours dans le coin et Marie vient de revenir dans le village...

L'auteur colle de plus en plus à l'actualité en insérant dans son histoire un camp de réfugiés syriens, des adolescents en perdition, pour certain c'est "trop", pour moi je trouve que son récit n'en est que plus riche, c'est bien ce à quoi Camilla Lackberg nous avait habitué mais en plus abouti.

J'ai trouvé l'intrigue très bien menée, les personnages sont plus nombreux et forts ; je me suis bien laissée prendre par l'histoire et emmenée jusqu'au bout.

Un bon roman policier, pas de déception, on retrouve Camilla Lackberg dans son style, avec un peu plus de force.

Actes Sud, 704 pages.

jeudi 16 novembre 2017

❤️❤️❤️ "La serpe" de Philippe Jaenada


PRIX FEMINA 2017

Octobre 1941, c'est le matin et Henri Girard sort du château d'Escoire en appelant au secours, il vient de découvrir, sauvagement assassiné à la serpe son père, Georges, sa tante, Amélie et la bonne, Louise. Les premiers sur les lieux sont les gardiens du château, les Doulet. Très vite les gendarmes sont là, les premières constations, les premiers relevés... et les soupçons se portent tout de suite sur Henri, seul rescapé pourtant présent dans le château au moment des faits.
Mystère et boule de gomme, bah non pas tellement finalement puisque très très vite Henri est arrêté, toute l'enquête se fera à sa charge et après plusieurs mois d'attente viendra son procès et contre toute attente, en un temps historiquement record (moins de 15 minutes) il est innocenté !!!
Bon d'accord mais c'est quoi donc ! Mais oui mais oui...

Philippe Jaenada reprend donc l'enquête, en quelque sorte.
Tout d'abord il nous fait la bio de Henri Girard (devenu Georges Arnaud, célèbre auteur du "Salaire de la peur" !), puis il revient sur le procès et un rapide exposé des faits et enfin il mène sa propre enquête pour arriver à SA conclusion de l'affaire.

J'avoue je ne suis pas du tout objective parce que totalement "in love" avec Philippe Jaenada (je parle de l'auteur bien sûr). J'aime son style, son humour, sa curiosité.
Je suis assise au coin du feu, bien enfoncée dans un fauteuil moelleux, il est près de moi, un verre de whisky à la main, une cigarette allumée et il me raconte une histoire, je suis toute ouïe, fascinée, j'écoute - alors qu'en réalité je suis empêtrée avec un gros livre bien lourd dans les mains - mais il me fait cet effet là.

Voilà, donc ! Philippe (j'ai envie d'être un peu familière) enfile son imperméable de Columbo - et les verres de whisky (!!) - et part à Périgueux trouver de nouveaux indices et surtout se plonger dans les archives de l'Affaire.
Ainsi on avance pas à pas dans l'enquête, au milieu des digressions que l'on aime (que l'on attend ?), un peu de sa vie privée (très auto-critique et sans compassion avec lui-même), un peu de ses deux précédents romans ("Sulak" (qu'il va vraiment falloir que je lise) et "la petite femelle" (quoi vous ne l'avez pas encore lu ??!!)), toujours autant d'humour, beaucoup de recherches et de travail et une écriture passionnante. Un vrai polar mais dans la vraie vie !

Soyons sérieux.
On découvre une justice un peu étrange, tout d'abord dans l'énoncé des faits où il apparaît très clairement qu'Henri Girard ne peut qu'être coupable, et finalement en quelques minutes de délibération le jury l'acquitte. C'est très étrange. Et bien qu'il ait eu un des meilleurs avocats pour le défendre (Maurice Garçon) cela reste très troublant. Que s'est-il réellement passé ? Clairement le président du tribunal est en faveur de la défense, mais pourquoi ?? Qu'Henri Girard ait été coupable ou pas, cela laisse penser qu'il y a eu plus d'une erreur judiciaire.
Puis lorsque l'on découvre les arcanes de l'enquête cela laisse d'autant plus rêveur... soit Philippe est un héros, ultra-intelligent, qui voit tout et sait tout, soit (et désolée Philippe mais c'est plus probable (en revanche je reconnais l'ENORME travail qui a été fait)) il y a eu un sérieux laisser-aller au cours de l'enquête. On voit ce qu'on veut, on garde ce qui nous arrange et on fait sa petite tambouille avec tout ça. Nous ne saurons probablement jamais le fin mot de l'histoire, mais je reconnais que Philippe m'a plutôt convaincu dans son interprétation des évènements (ok ok je sais, aucune objectivité...).

Bref, ce livre est passionnant, drôle, savoureux... mais très lourd.
Évidemment je recommande plus que plus, et en profite pour vous (re)conseiller de lire "La petite femelle" que j'avais aussi adoré !!

"Voilà, j'aime bien les faits divers, le sordide ne me dérange pas à priori, mais en réalité, honnêtement, ça dépend : quand on a le sentiment de connaître quelqu'un, même si ce n'est pas vrai, quand on s'est attaché d'une façon ou d'une autre, ce n'est plus la même histoire. Ça désole, ça blesse, le sordide dégoûte."
"Enfin, à son ennemi le plus buté, Joseph Martigny : «Je fais bonne figure mais je sens chaque jour se perdre ma confiance dans la vie, toute ma jeunesse d'âme.»" 


Julliard, 648 pages.

samedi 11 novembre 2017

"Un loup pour l'homme" de Brigitte Giraud


1960, Antoine est appelé en Algérie, cependant il ne veut pas aller au combat, il ne veut pas utiliser une arme à feu et avoir à tirer sur quelqu'un. Alors il se forme pour devenir infirmier.

Lorsqu'il quitte la France pour Sidi-Bel-Abbès il laisse sa jeune femme, Lila, tout juste enceinte. C'est un déchirement pour ce jeune couple.

En tant qu'infirmier Antoine est affecté à l'hôpital militaire de Sidi, il n'a pas à aller combattre mais se retrouve au contact des blessés et de leurs histoires.
Parmi ces blessés il y a Oscar, un jeune homme amputé d'une jambe et qui ne parle plus ; Antoine va se sentir irrémédiablement attiré vers lui, il est là pour l'aider, le sauver.

Et puis Lila, restée à Lyon, écrit à Antoine qu'elle ne veut pas vivre sa grossesse seule, avoir leur enfant seule, alors elle prend l'avion et rejoint Antoine. C'est ainsi qu'ils s'installent ensemble dans un petit meublé. C'est presque comme des vacances pour Lila, les balades, le soleil, les orangers.
Seulement la situation en Algérie se dégrade, et quelques mois après avoir mis au monde une petite fille, Lila doit retourner en France et attendre le retour d'Antoine.

C'est un très joli roman qui très simplement nous décrit la situation en Algérie vue des coulisses de l'hôpital. Nous ne sommes pas au front, mais à l'arrière, dans "l'après" où finalement c'est peut-être le pire. Il faut ramasser les morceaux et reconstruire ces hommes qui ont tout laissé sur le champ de bataille, un peu de leur corps, un peu de leur âme...
Et puis on découvre la solitude des soldats, ils ne connaissent finalement rien du contexte, et font simplement ce qu'on leur dit, petit à petit la vérité sur la situation va apparaître et les troubler. Ils découvrent que tout n'est pas ni tout blanc ni tout noir, que c'est compliqué, les algériens, les pieds-noirs, les harkis.... La plupart de ces soldats arrivent de leur campagne qu'ils n'avaient, pour la plus grande partie, jamais quittée.

Beaucoup de tendresse, de chaleur, un vrai regard humain sur toutes ces horreurs.

"Il traîne la  patte, il sent qu'il pourrait se mettre à boiter, à vaciller, tant ce qui monte en lui le déséquilibre. Il n'a plus de raison de rester là. L'hôpital, l'Algérie. C'est comme si sa mission était terminée. À quoi peut-il encore servir dans cette guerre dont il ne voit que l'arrière-cour cabossée ? Il sait qu'il va continuer à soigner, il n'a pas le choix, c'était son désir, ne pas tenir une arme. Il est celui qui arrive après, qui colmate et qui répare."
"Lila les rejoint le temps d'une étreinte dans la lumière feutrée qui sera bientôt celle de l'hiver. C'est une image sans paroles, dont on n'a pas l'habitude, celle d'un homme en chemise militaire étreignant une femme dont la silhouette habillée de rouge dissimule une petite fille de six semaines, qui tente de lever la tête vers son père et d'attirer toute son attention."
"Il voudrait qu'Oscar ne renonce pas, il peut vivre sans sa jambe. Les gars dans les tiroirs auraient donné cher pour s'en tirer avec un membre amputé. Oscar doit l'attendre, ils ont encore beaucoup à accomplir ensemble."  
Flammarion, 245 pages.

lundi 6 novembre 2017

"Bakhita" de Véronique Olmi

PRIX DU ROMAN FNAC 2017

Elle a sept ans lorsque ses ravisseurs l'enlèvent à sa famille,à son village,à son Darfour natal, elle va traverser le Soudan en marchant, enchaînée ; elle en oubliera son nom et celui de son village.
Ses nouveaux maitres l'appellent Bakhita ; elle sera battue, violentée, maltraitée, telle les esclaves de son époque.
Et puis la chance et le destin lui souriront, elle sera rachetée par un consul italien qui cédant à ses supplications la ramènera finalement en Italie où après de nouvelles péripéties elle entrera dans les ordres, et sera canonisée plus tard par Jean-Paul II.

L'histoire de cette femme est assez incroyable.
C'est une vie de soumission sans renoncement, d'un espoir qui reste vaillant tout au long de son existence. C'est une femme au destin incroyable et qui a su prendre des décisions importantes, et donc prendre sa vie en main au moment où il le fallait. Pour cela elle a été clairvoyante, elle a su déceler dans sa destinée ces tournants qu'il ne fallait pas rater, et sur lesquels il ne fallait pas céder.
Bakhita, qui n'a plus de langue à elle tellement elle a été ballotée, vit dans ses souvenirs, dans les sensations de son enfance, le contact, le souffle. Elle aura toujours un lien très particulier avec les enfants qu'elle aime et comprend.
En Italie même si elle n'est plus physiquement maltraitée, sa vie ne sera pas de tout repos. Tout d'abord sa négritude fait peur, y compris chez les soeurs, et à la fin elle sera encore malmené par ses consoeurs sous prétexte de faire connaître son histoire.
J'avoue avoir été beaucoup plus touché par la fin du livre et les dernières tribulations de Bakhita à un âge avancé, j'ai été choqué par le manque de considération dont elle a été victime, ne serait ce qu'en tant que vieille femme.

Maintenant j'ai tout de même un bémol sur la manière dont le récit est mené. J'avoue avoir été assez déçue par le choix de l'auteur.
J'avais déjà lu plusieurs romans de Véronique Olmi qui m'avaient tous touché et pris aux tripes.
Là, malheureusement je suis restée assez "indifférente", le ton du livre ne m'a pas plu et j'ai trouvé que l'auteur ne s'engageait pas tellement dans cette histoire, je me suis retrouvée simplement observatrice d'une histoire hors du commun qui aurait dû me donner des papillons dans le ventre.
Dans l'ensemble j'ai l'impression d'être passé à côté de ce livre.

Que cela ne vous empêche pas de lire ce livre qui est en revanche très facile, car autour de moi il a plutôt été largement apprécié.

Albin Michel, 455 pages.

vendredi 3 novembre 2017

"L'homme nu" de Marc Dugain et Christophe Labbé


PRIX LYCEEN "LIRE L'ÉCONOMIE" 2016

Dans cet essai les auteurs tentent de nous faire peur ! "1984" ça y est c'est là et nous sommes foutus.
L'homo sapiens est mort, vive l'homo numericus !!

Bon, bon, un peu de nuance s'il vous plait.
Il y a beaucoup de choses intéressantes dans ce livre et peut être un peu d'exagération, mais cela dit parfois cela fait du bien d'exagérer un peu pour prendre conscience des choses et essayer de doser un peu mieux.
Certes certaines grandes entreprises savent tout de nous, les gouvernements nous espionnent (pour notre sécurité et protection?), nous nous livrons totalement sur internet et n'avons plus que de (faux)amis Facebook (mouais...), nous sommes épiés, surveillés, monitorés...
Il y a sûrement beaucoup de vrai, et puis il y a aussi les progrès qui nous permettent une vie plus agréable, plus longue, plus facile...

Bon entre le complot, la vie éternelle, les objets connectés nous devrions être capables de faire la part des choses.

Cela dit apprendre que tous les employés de Google, Apple, Yahoo et autres grands groupes mettent leurs enfants dans des écoles "déconnectées" ça laisse un peu rêveur malgré tout... pendant que nous, nous trouvons merveilleux de voir nos petits de quelques mois à peine si habiles avec smartphones et tablettes...

Bref, lecture très intéressante malgré le manque total évident d'objectivité des auteurs.
Lecture que je donnerai à mon ado, non pour lui faire peur mais plutôt prendre conscience des risques.

PLON, 320 pages.

mardi 31 octobre 2017

❤️❤️ "La disparition de Josef Mengele" de Olivier Guez


PRIX RENAUDOT 2017

Un roman, mais aussi un récit documenté sur la fuite de Josef Mengele en Amérique du Sud après la fin de la seconde guerre mondiale.

Josef Mengele était "l'Ange de la Mort", le médecin du camp de Auschwitz. Il fit de nombreuses expériences et expérimentations sur les déportés vivants et morts. Il était celui qui décidait à l'arrivée des trains de la mort d'envoyer tel ou tel directement dans les chambres à gaz ou dans son hôpital.
Il était sans pitié, sans émotion et croyait dur comme fer à l'importance de son "travail".
Quelques pages décrivent avec plus ou moins de détails ce qu'il a pu faire ou ordonner, c'est assez difficile à imaginer ; comment un être humain est capable de faire toutes ces choses à un autre être humain.

Josef Mengele serait arrivé en Argentine et y aurait vécu sous un pseudonyme pendant quelques années, il y aurait vécu de belles années avec sa nouvelle femme ; puis toujours traqué il aurait fui au Brésil et aurait eu une vie "de rat" à se terrer, se cacher. On suit sa fuite, ses peurs, ses angoisses mais aucune pitié pour un tel homme qui a tout de même réussir à vivre 30 ans après la fin de la guerre sans jamais être jugé pour ses actes.
Alors certes cette vie décrite par Olivier Guez ne fait pas envie, et visiblement il aurait "souffert" mais il a malgré tout "vécu", il a eu cette chance, sans être jamais rattrapé. Protégé par toute une intelligentsia nazi présente en Amérique du Sud et aussi et surtout grâce à sa famille très riche, qui a toujours tout fait pour le protéger et le cacher. Seul son fils, qui ne l'a que très peu connu, semble être révolté parce que son père a fait, il tentera une ultime visite pour essayer d'obtenir les regrets de son père qui jamais ne doutera du bien fondé du nazisme, de l'eugénisme et de l'expérimentation humaine.

Le roman est vraiment très bien mené, à priori très bien documenté. Certains nazis ont été très bien protégés, y compris par certains gouvernements sud américain et parfois ont eu beaucoup de "chance"... Probablement que si le Mossad n'avait pas été obligé d'interrompre ses recherches ils auraient fini par retrouver le médecin de la mort et lui faire payer, à leur façon, ses crimes.
Pas de pitié pour le sujet, juste une description froide de ce que fut sa vie.

J'ai aimé ce livre bien que le sujet soit difficile, je l'ai lu presque plus comme un document/essai, capital pour le souvenir. Nous ne pouvons pas oublier, à quel point l'homme, et en particulier "en groupe", peut être déviant, à quel point on peut être incapable de se remettre en question.

Grasset, 240 pages.

jeudi 26 octobre 2017

"Comment vivre en héros ?" de Fabrice Humbert


À 16 ans Tristan fait de la boxe, poussé par son père, ancien résistant et héros de la seconde guerre mondiale. 
Dans le métro avec son entraîneur Bouli, ce dernier provoque une bagarre - comme à son habitude - et Tristan se sauve...
Cet acte de lâcheté va le poursuivre toute sa vie. Lâcheté ou héroïsme ! Là est la question.
Mais comme lui dit sa maman il n'aurait certainement pas pu changer grand chose à la situation hormis se retrouver lui aussi en très fâcheuse position...

Cependant cet acte (ou non-acte) va conditionner le reste de sa vie, ses rencontres, ses choix d'études et même 38 secondes de sa vie qui une fois de plus lui feront prendre un chemin plutôt qu'un autre.

Ces 38 secondes feront de lui un héros et encore une fois il fera ses choix de vie en fonction de cette vision que son entourage a de lui.

Plusieurs questions se posent derrière ce texte, faut-il être un héros ? Sommes-nous tous des héros/lâches ? 
Finalement nos actes donnent à voir ce que chacun veut y voir, peut y voir, ou ce que nous-même laissons voir.

Tristan découvrira une autre vérité sur son père après sa mort, mais cela change-t-il celui qu'il a été et la manière de le voir et d'interpréter ses discours et ses actes ?

Bon en réalité ce roman est beaucoup plus simple que cela, facile à lire, on se laisse emporter dans l'histoire qui malgré quelques petites exagérations est tout à fait crédible, sur une vie banale de tous les jours. Les caractères des personnages sont un peu exagérés mais c'est aussi ce qui permet de comprendre leur manière d'être.

Une belle histoire d'amour en filigrane, une histoire de vie.

Ce n'est pas un coup de coeur mais un bon moment de lecture.

"—Marcel n'a rien d'un criminel. Il a un peu embelli son rôle ? Et alors ? Il a pris des risques énormes quand il était agent de liaison. Beaucoup ne l'ont pas fait. [...] Il n'a pas trahi, c'était seulement un homme ordinaire, comme moi, entraîné dans des événements inhumains."
"[...] Tout était aléatoire, tout était contradictoire. Marcel n'avait pas tiré - il aurait pu tirer. Il était un résistant courageux - il était un lâche. Il mentait - il disait pourtant vrai. Tout était contradictoire, tout était aléatoire."
Gallimard, 416 pages.

dimanche 22 octobre 2017

"Les petites consolations" de Eddie Joyce



Bobby, pompier, est mort dans l'effondrement des tours jumelles de New-York.
Sous ce prétexte là l'auteur nous emmène dans la vie d'une famille italo-irlandaise installée à Staten Island.
À chaque chapitre on découvre un membre de cette famille de manière plus personnelle. Il y a la mère, Gail, le père Michael, les deux frères, Peter et Frankie, et bien sûr la veuve, Tina. On revient sur leur parcours, leur vie avec Bobby, et comment dix ans après ils vivent ce deuil.

C'est un roman simple et facile qui n'a aucune prétention littéraire ou psychologique mais très sympa quand même. On se laisse prendre dans l'histoire et on y va comme dans une bonne série américaine.

Rivages, 480 pages.

"J'aurais dû apporter des fleurs" de Alma Brami



Dans ce roman, Alma Brami choisit de se mettre dans la tête d'un homme, la cinquantaine, célibataire, au chômage.

Et nous sommes avec lui dans son quotidien, ses rencontres, nous savons qu'il est apprécié, que son entourage le trouve plutôt gentil, discret, sympathique ; mais nous, nous savons ce qu'il pense, et ce n'est pas toujours joli, joli.

On sent la colère qui monte, on le sent bouillonner de l'intérieur et pourtant il reste toujours aussi impassible extérieurement. On comprend vite que la relation avec sa propre mère est peut-être à l'origine de son mal-être ; une mère qui fait endosser à son fils toute sa vie ratée... nous savons à quel point cela peut être destructeur.
On l'imagine tout à fait "péter un plomb" et faire beaucoup de mal autour de lui, comme ça, d'un coup et son entourage dirait de lui que c'est tellement inattendu.

Bien sûr ce roman est beaucoup moins puissant que les deux autres déjà lu ("Qui ne dit mot consent", "Sans elle"), cependant on retrouve une vraie force d'analyse psychologique du personnage principal qui est tout à fait intéressante. J'ai ressenti beaucoup moins d'empathie pour ce personnage, parce qu'il est un homme ? parce qu'il n'a aucune pitié ? Difficile à dire. J'étais plus dans l'observation que dans le ressenti.
A découvrir.

"Mon premier compare l'incomparable, mon deuxième inocule la honte et mon troisième réduit son fils au désespoir, mon tout est un fléau. Qui suis-je ?"
"Sa gentillesse est fatigante. J'ai dit non c'est non, Françoise, le mieux est l'ennemi du bien, le plus du trop, le trop du juste ce qu'il faut, bref quelque chose dans ce genre-là. Je porte le jus d'orange faussement frais à mes lèvres, «attends attends ! - Françoise coupe mon élan -, attends on trinque... Tchin-tchin», elle dit. Sa ringardes est un fléau."
Folio, 176 pages.

jeudi 19 octobre 2017

❤️❤️ "Fief" de David Lopez


Jonas est notre narrateur, et il y a ses copains Ixe, Poto, Sucré, Untel, Romain, Miskine et la mystérieuse Wanda ; ils partagent un quotidien dans une petite ville de banlieue qui n'a pas assez de bitume pour être la "vraie ville" mais pas assez de verdure pour être vraiment la campagne. C'est un entre-deux, ce "fief" justement, où l'on est ni l'un ni l'autre, un peu de l'un et un peu de l'autre.
Jonas vit encore chez son père, essaie de se faire discret. Il boxe, traine et fume des joints avec ses copains.

Il ne se passe pas grand chose dans ce roman, en terme d'action, mais il se passe beaucoup beaucoup de choses en terme de réflexion, de questionnement, d'analyse (?), et surtout de littérature.
C'est un livre d'ambiance, d'atmosphère, de milieu.
Ce premier roman de David Lopez est pour moi une très grande réussite. Il nous décrit à la perfection ce lieu instable, avec ses mots, leurs mots à eux, ce vocabulaire de la banlieue, ces expressions particulières de d'jeuns, et en même temps, derrière en filigrane il y a une grande culture,  beaucoup de jeux de mots, d'humour.
C'est truculent et triste à la fois.

On voit ses jeunes qui n'arrivent pas à sortir de leur vie, qui s'ennuie à longueur de journée ; pour eux la ville est trop loin et la campagne trop "campagnarde" !
On ressent tellement bien l'étirement des longues journées, suivies des longues soirées, il n'y a rien à faire ou si peu, et on a l'impression qu'ils sont écrasés par tout ce temps et cet ennui que cela les empêche de bouger, d'avancer, et ça fume, et ça fume....

Et il y a la boxe, Jonas fait des combats, il sait qu'il pourrait en faire son métier, qu'il pourrait tenter de sortir de tout ça, mais a t-il vraiment envie de partir ? A t-il vraiment envie de boxer ? A t-il vraiment envie de prendre le risque de se faire exploser la tête ?

Il y a de très très beaux passages notamment sur la boxe, c'est un texte d'une très grande richesse.
J'avoue être impatiente de lire ce que cet auteur nous proposera la prochaine fois.

"Dans ces ambiances, dès qu'il y en a un qui se met à parler de ses problèmes, il y en a un autre pour trouver que ce n'est pas marrant ce qu'il raconte, et puis ça passe à autre chose. Ou alors on fait des blagues dessus. Ça ne court pas les rues les oreilles. Pourtant, il paraît qu'il y en a plein les murs. Et à force qu'on les tienne ils doivent en savoir des trucs. Mais ils ne doivent pas s'en souvenir parce qu'ils sont trop foncerais les pauvres."
"Et puis on s'est habitués. Ce n'est plus nos soirées qu'on passait à fumer, mais aussi nos journées. Nos nuits. Nos heures de cours. Peu à peu on n'avait plus un joint, mais trois, et puis est venu le temps où on a eu chacun le sien. Fumer n'était plus l'occupation, on fumait en se demandant ce qu'on allait bien pouvoir foutre. On n'était plus dehors. On s'est enfermés. On a opté pour d'autres jeux. Des jeux auxquels on peut jouer assis. On ne se lance plus de glands. On ne se lance plus de boules de neige. On ne se lance plus des ballons de basket dans la gueule. On ne se lance plus que des insultes."
"Je demande à Sucré, Sucré, comment ça se fait que par exemple si je creuse pour aller en Chine ou en Australie [...], et je dis non mais on s'en fout en fait, admettons que je creuse tout droit tu vois, peu importe où ça me mène, [...], si je creuse pour aller en Chine, t'es bien d'accord que je vais creuser vers le bas, t'es d'accord, il dit ouais, et je dis alors que quand je vais arriver en Chine, je vais sortir de sous terre, donc je vais creuser vers le haut.  [...] On se regarde, et je demande, à quel moment je me retourne en fait ?"
"Notre ville c'est une cuvette. Il y a une colline de chaque côté. Celle où nous sommes, rive ouest, et en face celle sur laquelle est construite la cité des Tours, rive est. [...] Je devine aussi la maison de Romain, pas loin de la gare, et j'imagine les gars là-bas. Je me demande ce qu'ils peuvent bien être en train de foutre, mais ce n'est pas comme si l'éventail de possibilités était large.  [...] Je vois tout ça en même temps et je me dis que ma vie est là, dans cette cuvette. Pour en sortir il faut grimper."
Le Seuil, 256 pages.

dimanche 15 octobre 2017

"La chambre des époux" de Éric Reinhardt



Bon alors celui-là ne va vraiment pas être simple à commenter...
Il est très difficile d'expliquer ce qu'est ce livre, je pense qu'il risque de beaucoup diviser.

Dans un premier chapitre, Éric Reinhardt reprend un texte qu'il avait écrit il y a une dizaine d'années pour "Les Inrockuptibles" ; texte dans lequel il explique et raconte de manière succincte et rapide le cancer du sein de sa femme. Il écrit à ce moment là son roman "Cendrillon", il veut tout arrêter pour s'occuper de Margot mais elle lui demande au contraire l'impossible, qu'il finisse son roman pendant qu'elle guérit.

A la suite de cela, en 2008, il rencontre au cours d'un diner une jeune femme, Marie, une miraculée du cancer elle aussi (le pancréas en ce qui la concerne), il est ému, touché par cette femme qu'il veut "sauver", il ne veut pas qu'elle rechute, il ne veut pas qu'elle meure.

Et le roman gigogne commence, l'auteur nous livre les notes qu'il écrit à ce moment pour son nouveau roman. Finalement par petits morceaux, le livre apparaît sous nos yeux, ou ce qu'il aurait pu être. Et c'est dans ce pseudo-roman que l'on retrouve Nicolas, compositeur de musique, marié à Mathilde qui a survécu à un cancer du sein et qui rencontre au cours d'un dîner Marie une autre survivante.... jusque là c'est un peu comme relire la même histoire en changeant simplement les prénoms ; Nicolas a composé une musique merveilleuse au cours de la maladie de sa femme et il est bien sûr internationalement reconnu...
Et puis on passe à la suite du roman, Nicolas apprend que Marie a rechuté et décide de la retrouver pour l'aider à guérir ou à mourir. Il laisse donc son épouse pour rejoindre cette jeune femme qu'il n'a rencontré qu'une fois... bon bon bon....

Alors, alors... ce livre ne m'a pas laissé indifférente, c'est le moins que l'on puisse dire... maintenant je crois que je suis totalement incapable de dire si j'ai aimé ou pas, en réalité plus j'y pense et plus mon avis change, varie. Je vais donc essayer de dire ce que j'ai aimé et ce que j'ai détesté (je crois).

Éric Reinhardt choisit une manière plutôt singulière pour nous parler de la maladie, de ce qu'elle peut faire dans un couple, comment elle est vécue, les changements qu'elle apporte, le regard d'un homme sur sa femme qu'il aime malgré tout, le besoin du "beau" et donc de l'Art pour avancer, rester vivant et ne pas sombrer.
Il y a de très beaux passages sur l'amour, sur le corps, sur le sexe dans un couple et le désir.
Il semble qu'il ait eu besoin de cette rencontre avec Marie pour se libérer dans une projection, et enfin laisser aller son émotion.

Il y a tout de même un moment où je me suis demandée si tout n'était pas un roman, si tout était une biographie, si il n'y avait pas quelque chose de l'ordre du fantasme.
Et c'est là où je dois dire qu'il y a des passages entiers où j'ai été terriblement mal à l'aise, gênée, embarrassée, je crois même avoir rougi, toute seule. (et pourtant je suis loin d'être bégueule...).
J'ai trouvé les réactions de Nicolas (Éric ?) totalement surprenante, une manière de faire, de penser incompréhensible pour moi. Et des scènes de sexe qui m'ont dégoutées, pas le sexe, mais la manière je crois. Le pourquoi et le avec qui. En fait une impression qu'il ne ressent ses émotions et ne peut les transmettre que par son sexe... ce qui est assez réducteur.

En revanche l'auteur sait manier le verbe et la phrase, et certains passages sont vraiment magnifiques, alors pourquoi parfois nous donner des phrases longues, ampoulées, ennuyeuses voire incompréhensibles ? Se regarde-t-il écrire ?

Je suis passée sans cesse tout au long de ma lecture de j'aime à je déteste et ainsi de suite.

Reinhardt est extrêmement présent, est-ce voulu ? ou juste une petite crise narcissique ?
En fait en fonction des réponses que l'on veut bien donner à beaucoup de questions on passe du chef-d'oeuvre à quelque chose de totalement ratée, vide, inutile.

Je ne pourrais donc pas recommander ce livre car certains passages qui m'ont choqué sont beaucoup trop forts et présents ...
En revanche si certains se lancent quand même je serais très intéressée d'avoir vos avis !!!!

Après avoir lu le livre j'ai écouté une interview de l'auteur à propos de son livre, j'ai trouvé qu'il s'écoutait parler, qu'il avait l'air d'être assez imbu de lui-même, pas très agréable... heureusement que j'ai regardé cette interview après la lecture du livre.
Ah et je trouve que la 4ème de couverture ne se rapproche que de très loin de ce qu'est le livre.
"Mais surtout, et il est capital pour moi de le préciser, et c'est pourquoi je peux raconter ici ce dîner, c'était la peur de perdre Margot que répercutait en moi la précarité supposée de Marie, c'était Margot que je désirais et avec qui j'avais envie de faire l'amour quand ce soir-là je désirais Marie, c'était le souvenir de l'amour que nous nous étions donné, physiquement, sexuellement, elle et moi, afin que la vie ne s'éteigne pas, quand elle avait été malade et dégradée par la chimio, que faisait remonter en moi la présence irradiante de cette femme. C'était la vie que je voulais maintenir en vie en voulant aimer Marie. C'était toutes les femmes malades du monde et qui luttaient pour ne pas mourir que je voulais aimer et aider à vivre. Que la maladie n'existe plus et qu'aucun être aimé ne succombe plus d'aucune maladie grave et incurable. C'est depuis l'intérieur de cette puissante émotion que je regardais et désirais Marie."
"Et c'est un an et demi plus tard, le 29 mai 2008 en début d'après-midi, sur les hauteurs de Lyon, à quelques heures de mon apparition aux Assises internationales du roman qu'aura enfin été percée cette bulle de protection et d'inconscience où je m'étais réfugié non pas pour fuir lâchement la maladie, mais au contraire pour l'affronter efficacement, ce qui s'était révélé être le meilleur calcul possible, en définitive, certes, n'était la question de ce que j'avais mis de côté comme terreur, comme tristesse, comme lucidité non vécues, écartées de mon champ de conscience si je puis dire." 

Gallimard, 176 pages.

mercredi 11 octobre 2017

"Souvenirs de la marée basse" de Chantal Thomas



Je dois l'avouer je découvre cet auteur que je ne connaissais pas.

Dans ce livre assez court, Chantal Thomas nous raconte quelques souvenirs de son enfance, ce sont de petites scènettes, pas toujours en lien les unes avec les autres, poétique, mais ennuyeux...

On comprend de loin (très loin) que sa mère, qui adore nager, est aussi dépressive, malheureuse. C'est une femme-enfant qui n'arrive pas à se séparer de ses parents et notamment de sa maman, ce qui lui rend la tache bien ardu pour devenir elle-même mère. D'ailleurs l'auteur nous explique qu'elle a du mal à dire "maman" tellement ce nom est utilisé par sa propre mère en permanence. Le père est très absent des mots de l'auteur, on ne sait pas si elle ne veut pas en parler ou si à cause de sa disparition précoce elle n'a pas eu le temps de s'attacher à lui.

Dans une deuxième partie du livre elle nous parle plus de sa maman, de sa vieillesse... mais cela reste anecdotique.
Tout est survolé, rien est approfondi, il manque trop de choses pour moi, il manque des images, de la profondeur, de l'émotion. Pour moi c'est plus un catalogue de souvenirs, de moments.

Les "plus" de ce livre sont tout de même une écriture très belle, très littéraire, bien travaillée et donc très agréable à lire, c'est ce qui m'a permis de ne pas lâcher le livre ; ce sont aussi des chapitres très courts qui du coup donnent un rythme et permettent d'avancer.

Voilà, j'aurais du mal à "recommander" ce livre qui en soit ne m'a pas apporté beaucoup. Ne me convient pas, ou pas le bon moment, c'est comme ça...

"Je rêve à ses métamorphoses, tandis que je bois un verre de vin blanc et entame le plateau de fruits de mer. Je la chercher des yeux, ne la vois nulle part : elle a disparu. Je frémis dans l'émoi d'une huître voluptueusement gobée, dans le saisissement de son sel, de sa fraîcheur."
Le Seuil, 224 pages.

mardi 10 octobre 2017

❤️❤️ "Le Jour d'avant" de Sorj Chalandon


"Alors j'ai gravé le nom de mon frère dans ma tête, dans mon ventre et dans mon coeur, entre deux autres camarades tombés."
 "Michel, venge nous de la mine"

27 décembre 1974, c'est la date de la catastrophe de Liévin où 42 mineurs ont perdu la vie.
Ce jour-là Michel a perdu son frère, et toute sa vie il attendra le moment de se venger, de venger son frère, pour lui, pour son père qui le lui a demandé en lui laissant une dernière lettre, pour sa mère qui a fini sa vie bien seule.

Un an après la catastrophe Michel a quitté sa région du Nord, les mines, les corons, il est parti à Paris où il devient mécanicien puis chauffeur routier. Il rencontre Cécile, l'aime, l'épouse et l'accompagne jusqu'au bout.
Et lorsqu'il est à nouveau seul il retourne enfin au pays, 40 ans après, pour accomplir sa vengeance, qu'il attend et prépare depuis de si longues années.

C'est tout ce que je peux résumer de la première partie du livre et ne peux malheureusement pas en dire beaucoup plus sur la deuxième partie sans trop en dévoiler. Simplement il y a bien deux parties distinctes dans le roman. Un avant et un après, l'un qui peut-être explique l'autre.

Sorj Chalandon nous surprend encore une fois, il sait se renouveler tout en gardant une signature bien à lui.
Dans ce roman il nous emmène dans le nord, dans les bassins houillers, au fond des mines et de la misère, on vit la poussière qui colle partout, le noir sous les ongles, le cliquètement, le souffle, on apprend la mine, on apprend la peur.
Mais il y a aussi toute la dimension psychologique de Michel, de sa culpabilité, de cette vengeance à laquelle il tient plus que tout.
Une force de narration toujours aussi présente, avec quelques passages tout à fait incroyable, et qui nous touche au plus profond par l'écriture, le phrasé, le sens.

J'ai particulièrement aimé le chapitre qui raconte l'évènement, la catastrophe, c'est comme le temps qui passe au ralenti, on voit, on comprend ce qu'il se passe mais on ne peut rien y faire... On lit sur les visages des femmes du coron l'inéluctable.
Et lors du procès, autant le réquisitoire du procureur général qu'ensuite celui de l'avocate de la défense nous mette dans le vrai, dans le questionnement, dans le pourquoi, tente de nous expliquer l'inexplicable.

Sorj Chalandon avec brio réussit à faire parler les "oubliés", c'est beau, c'est dur, c'est fort.

Et grâce à lui j'ai réécouté "les corons" de Pierre Bachelet, et "Jojo" de Jacques Brel, et j'ai relu des passages de "Germinal", et je suis allée découvrir des photos de mines, des sites pour comprendre leur fonctionnement, j'aime ses livres qui me poussent hors de leurs pages pour aller plus loin, découvrir encore plus.
"Pour la première fois je me lavais, je me lavais vraiment. Je me lavais de tout. De Dravelle, de sa couverture rance, des menottes douloureuses, de l'attente infinie sur les bancs, du regard des policiers, de la lumière blanche du palais de justice, du tunnel de briques, des silences de ma juge, du regards de mon avocate et de son sourire. Je me lavais de la fosse 3bis, du souffle des chevalements, du 27 décembre 1974, des dizaines de cercueils alignés. Je me lavais du pain d'alouette. Je me lavais du mépris des Houillères, de ma colère, de ma haine de vie. Je me lavais de Liévin, de Paris, de ces rues sans Cécile, des mes jours privés d'elle. [...] Je nettoyais mon crime à pleine eau. Ma honte. Je disais adieu au charbon. Aux victimes de mon effroi. Aux morts, mon frère, mon père, ma mère, aux miens. Et aussi aux survivants, qui ne soupçonnaient rien. Je lavais mon âme tout entière, à l'eau tiède d'une mauvaise douche de prison."
Grasset, 336 pages.