Je me suis beaucoup interrogée sur les articles que je souhaite écrire, les livres dont je veux parler.

Dois-je faire un article pour chaque livre ? Ou uniquement ceux qui m'ont vraiment plu ?

La réponse je l'ai trouvé en pensant à mon club de lecture ; nous y sommes pour parler de tous les livres que nous lisons, pour échanger, discuter, alors comme l'idée est de faire un peu pareil ici, j'ai décidé de tout mettre. Il y aura donc des articles courts, des plus longs, des passionnés et des plus ternes. Certains vous donneront peut-être envie de lire le livre concerné, d'autres vous donneront peut-être envie de me convaincre...

Alors soyez indulgents, et surtout n'hésitez plus à faire un commentaire !

Au plaisir de (vous) lire.

lundi 10 juin 2019

"Station eleven" de Emily St John Mandel


Un soir à Toronto dans une salle de théâtre se joue "Le Roi Lear", l'acteur principal fait un malaise et meurt sur scène.
C'est le début de la fin de l'ancien monde, une pandémie se propage à une vitesse vertigineuse et bientôt le nombre de morts devient totalement surréaliste.

Vingt ans plus tard une troupe de musiciens et d'acteurs sillonne le pays et se produit en concert ou pièce de théâtre devant des petites communautés qui survivent tant bien que mal.

Alors franchement rien qu'avec la quatrième de couverture je me dis que ce livre n'est absolument pas fait pour moi, les romans d'anticipation de fin du monde ultra-anxiogène pas vraiment ma tasse de thé...
Mais les nombreuses critiques littéraires que j'ai lu et entendu ont éveillé ma curiosité et je me suis jetée à l'eau.

Je dois donc avouer que j'ai beaucoup aimé ce livre qui bien qu'étant apocalyptique n'était pas si anxiogène que ça.

On passe du monde d'avant, juste avant la pandémie, à vingt ans plus tard ; on suit des personnages et notamment des personnages qui gravitent autour de ce célèbre acteur qui meurt au tout début du roman.
On découvre que lorsque plus de 90% de la population a disparu, plus rien ne fonctionne puisqu'il n'y a plus assez de personne pour effectuer toutes les tâches qui nous permettent d'avoir l'électricité, l'eau, internet... bref tous les moyens de communication, de transport sont à l'arrêt, c'est un rude retour en arrière, très en arrière.
Alors comment les survivants font-ils pour vivre ensemble ? Pour se faire confiance ? Pour s'entraider ?
Car même si chacun a peur de l'autre, chacun a besoin de l'autre pour survivre, continuer, avancer.

Un point de vue très intéressant sur la nature humaine et les capacités d'adaptation, de mise à l'épreuve en fonction de l'âge de chacun au moment de la disparition de l'ancien monde et pour les "nouveaux" nés après et qui n'ont connu que ce monde là, présent.
Un livre qui fait un peu réfléchir sur nos conditions de vie, peut-être aussi sur les relations que nous entretenons les uns avec les autres et comment nous prenons tout ce que nous avons comme un dû.
Une belle découverte !


Rivages, 475 pages.
Traduit de l'anglais par Gérard de Chergé

dimanche 9 juin 2019

❤️❤️❤️ "À la ligne Feuillets d'usine " de Joseph Ponthus


"J'écris comme je travaille
À la chaîne
À la ligne"

L'auteur a un parcours assez atypique
des études de littérature
travailleur social
puis intérimaire en Bretagne dans des usines agro-alimentaires
conserverie de poissons et abattoir
dépoteur de chimères
égoutteur de tofu
trieur de crevettes
cuiseur de bulots
nettoyeur d'abattoir
découpeur de porc
trieur de demi-vache

La ligne de production
la ligne d'écriture
il faut aller vite
vite
les horaires
décalage permanent
la force
la douleur du corps
la précarité de l'emploi
du temps et du transport
À la maison l'amour
l'épouse et le chien
Le mélange des genres
le mélange des mots et des poissons
le mélange de la poésie et de l’humour
parfois coquin

Un livre, un essai, un récit, un témoignage écrit comme un long poème en vers libres, sans ponctuation, dans le souffle de l'usine, de la ligne de production.
Joseph Ponthus nous raconte ainsi son quotidien, la difficulté de trouver un emploi dans son domaine et comment il se retrouve ouvrier dans les usines agro-alimentaires de Bretagne, pour gagner de l'argent. Il nous raconte les difficultés, physiques, d'organisations, les horaires, les collègues...

La forme utilisée est tout simplement parfaite pour le sujet, parfaite pour cette écriture à la fois dure, crue, incisive, brillante, intelligente, mais aussi pleine d'humour et de tendresse.
J'ai rarement autant ri en lisant un livre, je suis revenue en arrière pour relire, les jeux de mots sont fins, malins, ce n'est même plus du second degré, on vole haut, très haut dans la littérature, dans la langue, les mots, les phrases.

J'ai tellement tellement aimé !!!
Je lis pour ce genre de livre, sur lesquels on tombe un peu par hasard, sans savoir à quoi s’attendre.
Pour la surprise, la stimulation de l’intellect, l’ouverture sur un monde (ouvrier) inconnu.

Je me suis régalée, délectée,
je ne peux que recommander
mon enthousiasme est sans fin
J’attends, j’espère que Joseph Ponthus nous fera revivre d’aussi belles découvertes.

"À l'agence d'intérim on me demande quand je peux commencer
Je sors ma vanne habituelle littéraire et convenue
« Eh bien demain dès l'aube à l'heure où blanchit la campagne »
Pris au mot j'embauche le lendemain à six heures du matin"
"J'échafaude des contraintes qui me semblent bien sonner
Égoutteur de tofu
Et fauteur de dégoûts"
"Le temps perdu
Cher Marcel je l'ai trouvé celui que tu recherchais
Viens à l'usine je te montrerai vite fait
Le temps perdu
Tu n'auras plus besoin d'en tartiner autant"
"Le chauffeur me demande si je suis un chef pour aller comme ça à l'usine en taxi
Je lui réponds que je suis le fils d'Agnès Saal mais
il n'a pas l'air de capter ma vanne"
"L'autre jour à la pause j'entends une ouvrière dire à un de ses collègues
« Tu te rends compte aujourd'hui c'est tellement  speed que j'ai même pas le temps de chanter »
Je crois que c'est une des phrases les plus belles
les plus vraies et les plus dures qui aient jamais
été dis sur la condition ouvrière
Ces moments où c'est tellement indicible que l'on
n'a même pas le temps de chanter
Juste pour voir la chaîne qui avance sans fin l'angoisse
qui monte inéluctable de la machine et devoir
continuer coûte que coûte la production alors que
Même pas le temps de chanter
Et diable qu'il y a de jours sans"
"Je le dois à l'amour
Je le dois à ma force
Je le dois à la vie" 



La Table Ronde, 263 pages.

mardi 4 juin 2019

"La libraire" de Penelope Fitzgerald



Nous sommes en 1959 dans un petit village du Suffolk, Florence Green, veuve d'une quarantaine d'années a pour ambition de racheter, The Old House, une maison à l'abandon depuis plusieurs années.
Son idée est de créer une librairie dans ce petit village de Hardborough bien que les commerces aient la vie dure et qu'elle ne soit pas sûre que les gens aient envie d'acheter des livres.

Bien entendu tout ne se passera pas comme elle l'espérait et devenir libraire dans ce village n'est pas si simple, car cela signifie devenir "quelqu'un" ce qui n'est pas au goût de tout le monde.
Comment ce village qui est organisée selon un  certain respect des strates de la société peut-il laisser une simple veuve devenir un personnage important?
La bourgeoisie locale, en la personne de Violet Gamart, va s'opposer farouchement à son installation en inventant tout un tas de contraintes.

Dans la liste des personnages on retrouve le banquier, le vétérinaire, les notaires, le plombier, la couturière, le poissonnier, la famille nombreuse, la petite fille, la célébrité locale, le général (un peu benêt), et bien sur l'homme riche que tout le monde écoute et respecte, une nouvelle satire sociale un peu comme une pièce de théâtre (un film a d'ailleurs été tiré de ce roman).

Certains personnages, donc, ont une très forte influence sur la vie quotidienne de cette petite communauté et on voit les évènements s'enchainer sans que rien n'y personne ne puisse faire quoi que ce soit pour stopper l'inéluctable.
Les "petites gens" suivent, ne font pas de vague, ne sortent surtout pas de la ligne tracée par les petits bourgeois un peu tyranniques.

C'est un roman assez court où finalement il ne se passe pas grand chose, mais au fil des pages on se laisse prendre dans ce tourbillon de la vie qui avance doucement mais sans faire de pause.
On retrouve le côté très anglais et très caricatural de la société des années 1970, un peu comme dans "La vie rêvée de Virginia Fly", ce qui m'a permis de mieux comprendre encore ce dernier roman en retrouvant beaucoup de similitude.

Une découverte interessante d'un livre écrit il y a bien longtemps, j'aime de temps en temps me plonger dans ces mondes si différents mais finalement pas si lointain.

Petit Quai Voltaire, 170 pages.
Traduit de l'anglais par Michèle Lévy-Bram

mercredi 29 mai 2019

"Deux mètres dix" de Jean Hatzfeld



Deux mètres dix, c'est tout d'abord une hauteur, celle que voudraient atteindre les championnes du monde de saut en hauteur, mais deux mètres dix c'est aussi ce roman sur des athlètes, des athlètes olympiques, des athlètes américains et de l'Union Soviétique, deux femmes championnes de saut en hauteur, et deux hommes, haltérophiles, champions du monde eux-aussi.

Ce roman ce sont leurs quatre voix, sans qu'on les entende, quatre histoires que le narrateur nous livre avec pudeur, très simplement.

Il y a Sue Baxter, la jeune américaine, grande, qui saute, qui vole mais dont la chute est malheureusement lourde, et douloureuse, très douloureuse. On la retrouve seule, vivant dans un mobile home, se plongeant dans l'alcool pour oublier la douleur.
Il y a Tatyana Izvitkaya, sa rivale, une petite kirghize qui vole aussi au-dessus de la barre. Tatyana est d'origine koryo-saram, c'est à dire que ses grands-parents étaient des réfugiés coréens à Vladivostok mais envoyé au Kirghizistan lors de la seconde guerre mondiale (ils ressemblaient trop à des japonais...).
Les deux jeunes femmes sont les héroïnes principales de ce roman,  mais il y est aussi question de Chabdan Orozbakov, lui aussi est kirghize, c'est un haltérophile aux multiples records du monde mais il a l'indélicatesse de sortir le drapeau de sa petite république lorsqu'il monte sur la première marche du podium aux Jeux Olympiques de Moscou, le KGB ne sera pas long pour venir le chercher et l'envoyer au goulag en Sibérie. Chabdan est un homme fort et puissant, mais un homme simple, de la forêt et qui aimait son petit pays, et en était fier.
Son pendant américain est Randy Wayne qui a démarré sa carrière en lançant des disques.

Ici on lit en filigrane la guerre froide, le dopage, les excès des athlètes, le surentrainement, l'absence de soutien psychologique, et l'abandon, l'abandon une fois que tout est fini.

C'est un roman que j'ai beaucoup apprécié, une écriture directe, légère.
Les descriptions des sauts et de l'haltérophilie sont parfaites, pleines de douceurs et de poésie.
Il devient facile de voir les muscles se bander, les artères battre, le pied s'appuyer au sol, le corps s'envoler, on entend le silence du stage, le souffle de la salle.
Je découvre avec plaisir cet auteur qui fut un grand reporter de guerre.
Un roman qui se lit vite, facilement et avec plaisir.

Gallimard, 206 pages.

lundi 27 mai 2019

"Un certain Paul Darrigrand" de Philippe Besson





Ta-da !
Voilà Philippe Besson de retour, avec un nouveau roman autobiographique 😊
Je l'avoue pour mon plus grand bonheur !
Je l'ai découvert il y a deux ans avec "Arrête avec tes mensonges" et j'avais été éblouie par cette magnifique première histoire d'amour d'un jeune homme de 18 ans.

On retrouve ce même jeune homme, en 1988, il a 21 ans, il est étudiant à Rouen puis à Bordeaux.
Une année de sa vie nous est contée, une année où il va aimer, fort, très fort, une année où il va découvrir la maladie.

C'est la rentrée scolaire, notre héros rencontre ce fameux Paul, un jeune homme beau et mystérieux, un jeune homme qui semble le chercher et le fuir en même temps.
Peu avant Noël il y a ces quelques jours entre amis à l'île de Ré et le masque tombe, une relation forte démarre.
Mais Paul est marié et le jeune homme se retrouve être l'amant, celui que l'on cache.

Et puis c'est la maladie qui prend place, inattendue, elle trouble, elle perturbe, elle fait peur.

Je dois dire que je ne suis peut-être pas très objective, et pourtant si, c'est l'effet que me fait ce livre qui est le plus important finalement. Il m'a rendue heureuse, nostalgique, amoureuse. Je me suis sentie rassurée, réconfortée.
Philippe Besson sait mieux que personne nous raconter l'amour, nous livrer son "âme romantique et torturée".
Il s'adresse à nous lecteur, il nous raconte, il nous explique, il parle de ses premiers romans aussi, et moi il m'a emmenée avec lui, dans ses mots, dans ses phrases, dans ses amours, dans ses émois.
Il sait me toucher, il me trouble, je suis ébranlée par son romantisme, par sa flamme et sa plume.

Il nous parle aussi de cette maladie dont il a réchappé, avec beaucoup de pudeur et de simplicité. Comment il a réussi à vivre avec, continuer à étudier, à aimer, à croire en la vie.

Un récit haletant qui se lit dans un souffle comme il a été écrit.

Julliard, 211 pages.

"La vie rêvée de Virginia Fly" de Angela Huth


Virginia Fly a 31 ans, elle est institutrice et vit chez ses parents dans la banlieue de Londres.
Elle est plutôt satisfaite de sa vie, certes un peu monotone, mais elle entretient une correspondance avec un dénommé Charlie qui vit aux États-Unis et fantasme beaucoup à son sujet. Elle sort aussi régulièrement avec un vieux professeur pour aller écouter de le musique.
Les relations avec sa mère ne sont pas très faciles et ne vont pas s'améliorer lorsque cette dernière va l'inscrire pour un reportage télévisé sur l'amour.... Virginia sera interviewée en sa qualité de trentenaire encore vierge....
Ce passage sur les ondes va chambouler ses relations amicales, d'autant plus que Charlie décide à ce moment-là de venir lui rendre visite.

Ce roman a été écrit en 1972 (deuxième roman de l'écrivain) et il caricature bien une certaine société anglaise de l'époque, la mère est totalement imbuvable et s'immisce en permanence dans la vie privée de sa fille, qui s'en plaint mais pourtant continue de vivre chez ses parents à trente ans passé. Le père est absent, très en retrait, mais volontairement ; un poltron qui ne veut pas affronter son épouse.
Charlie est un portrait grotesque de l'homme misogyne américain, bien entendu il sera une grosse déception.
Chaque personnage a des traits de caractère très poussés, à l'excès, pour mieux servir cette satire.

Lorsque Virginia vit sa première expérience, la description est à vomir, elle n'arrive à voir que les points noirs, la peau grasse, les poils durs, les orifices sombres.... bref tout ce que le corps peut avoir de répugnant. Cette première expérience est assez sordide mais je trouve merveilleusement bien écrite, tellement elle est vraie.

Il y a donc quelques passages comme ca qui sont très forts et qui nous montre le futur potentiel de l'auteur mais je n'ai pas été très emballée par l'ensemble du livre. Le début est un petit peu long à se mettre en place, la fin m'a plus "attrapée".
Je dois reconnaitre une petite déception à cette lecture mais probablement parce que j'en attendais autre chose.
J'avais en effet tellement aimé un autre roman de cette auteur, "Les filles de Hallows Farm", roman dans lequel elle a prouvé une fois de plus son talent remarquable en ce qui concerne l'étude de ses personnages.

Folio, 258 pages.
Traduit de l'anglais par Anouk Neuhoff.

dimanche 12 mai 2019

"Deux soeurs" de David Foenkinos



Mathilde vit une belle histoire d'amour avec Étienne depuis près de 5 ans, ils ont même parlé mariage l'été précédent en Croatie. 
Mathilde est professeur de français dans un collège, elle aime son métier et ses élèves.
Mathilde est une jeune femme épanouie.

Mais Étienne lui annonce qu'il la quitte et s'en va.
Et Mathilde va sombrer dans la dépression, la colère, la folie....

❀❀❀

Dans la (longue) première partie, on vit avec Mathilde sa descente en enfer, la description de ses émotions, mais aussi un petit retour en arrière sur son histoire avec Étienne.
Dans la seconde partie Mathilde qui a touché le fond vit maintenant chez sa soeur. Je ne vais pas à en dire trop (pour ceux qui souhaiteraient lire le livre) car ça va très vite. C'est d'ailleurs un des gros points positifs du livre, les chapitres sont très courts et du coup il se lit très très rapidement.
Parce que pour être honnête je n'ai pas tellement aimé ce livre. En fait il un peu disproportionné, c'est à dire que la partie "dépressive" de Mathilde est un peu longue et la seconde partie beaucoup trop courte ce qui fait que l'on comprend assez rapidement où l'auteur nous emmène, c'est trop "facile". 
Les annotations de bas de page que je n'avais déjà pas aimé dans les autres livres sont ici encore plus exagérées et inutiles.
Le ton employé par l'auteur m'est assez désagréable.
Je n'aime pas trop dire du mal d'un livre d'autant plus que je serais incapable d'en écrire un, celui ci ne m'a pas touché, je n'y ai pas cru. 

Gallimard, 173 pages.