"Pour nous qui sommes sujets à la dépendance, l'alcool devient rapidement le moyen le plus simple de soulager l'anxiété physique et morale, et de surmonter les situations de stress. Or chaque fois que nous faisons un usage répété d'une substance narcotique, ces chemins neuronaux s'impriment si profondément dans notre encéphale qu'il nous sera impossible par la suite, de les effacer. Quoi qu'il arrive, je ne serai jamais à l'abri d'une rechute et je demeurerai vulnérable aux addictions de toutes sortes."
"Le grand pingouin, aujourd'hui disparu, mesurait environ un mètre de haut. Le dernier spécimen de grand pingouin reproducteur vivant en Grande-Bretagne a été abattu par balle en 1813 sur l'île de Papay. Le chasseur responsable de cette prise agissait pour le compte d'un collectionneur londonien. Au cours des années mille neuf cent quatre-vingt-dix, les écoliers de Papay ont écrit et mis en scène Les Aventuriers du grand pingouin perdu, une pièce de théâtre relatant le destin tragique de cet oiseau exceptionnel."
"Je suis née dans un foyer enclin au drame, j'ai grandi dans le mugissement du vent, au coeur d'une nature tourmentée, parmi les épaves de navires échoués, les agnelets mort-nés et les visions mystiques, avec la certitude que tout pouvait basculer à tout moment dans le chaos - excitant ou dévastateur, selon les cas. Au fil des années, ces variations d'un extrême à l'autre m'ont paru normales, voire souhaitables ; j'ai appris à m'y préparer, puis à les rechercher. N'est-il pas merveilleux de vivre au bord du monde ? L'alternative, celle de l'équilibre, m'a toujours semblé terne et sans intérêt."
"Reste l'explication la plus logique, celle d'une mauvaise habitude devenue incontrôlable. À force de boire de manière systématique pendant des années, j'ai usé mes freins, comme la falaise s'use sous le fracas répété des vagues. Quand j'ai voulu les réparer, il était trop tard - et je suis allée droit dans le mur."
"L'île est chaque jour plus petite, la falaise plus découpée et creusée plus profondément. De même, la vie est chaque jour plus triste, mais plus intéressante. Les coups et les blessures, telles des cicatrices sur le littoral, se creusent et s'effacent en permanence."
"Boire, pour les alcooliques, n'est jamais une solution. C'est un remède inefficace, une erreur sans cesse recommencée, un train qui ne mène nulle part. Dans mon cas, quels que soient le soulagement ou l'euphorie recherchés, ils n'étaient jamais atteints."
Globe, 336 pages. Août 2018
Traduit de l'anglais par Karine Reignier-Guerre.
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