Je me suis beaucoup interrogée sur les articles que je souhaite écrire, les livres dont je veux parler.

Dois-je faire un article pour chaque livre ? Ou uniquement ceux qui m'ont vraiment plu ?

La réponse je l'ai trouvé en pensant à mon club de lecture ; nous y sommes pour parler de tous les livres que nous lisons, pour échanger, discuter, alors comme l'idée est de faire un peu pareil ici, j'ai décidé de tout mettre. Il y aura donc des articles courts, des plus longs, des passionnés et des plus ternes. Certains vous donneront peut-être envie de lire le livre concerné, d'autres vous donneront peut-être envie de me convaincre...

Alors soyez indulgents, et surtout n'hésitez plus à faire un commentaire !

Au plaisir de (vous) lire.

mercredi 25 mai 2016

"Someone" de Alice McDermott



C'est un petit livre tout simple, facile et agréable à lire.
L'histoire d'une femme, de son enfance à sa vieillesse, une femme issue de l'immigration Irlandaise, vivant à New-York dans le quartier de Brooklin.
C'est la vie de tout le monde, avec ses joies, ses tristesses, ses bonheurs et ses malheurs, racontée avec émotion et délicatesse.
Très agréable mais pas sûre qu'il en reste grand chose dans quelques temps, un bon moment.

❤️❤️❤️ " Boussole " de Mathias Enard


GONCOURT 2015

Au cours d'une longue nuit d'insomnie, le musicologue franco-autrichien Franz Ritter, qui vient d'apprendre qu'il est très malade, se remémore une partie de sa vie. Une partie de vie qu'il a passé en Orient, entouré d'orientalistes européens dont Sarah, une française passionnée et apparemment "passionante" - qui travaille notamment sur sa thèse dont le thème est "les images et représentations de l'Orient" - , Gilbert de Morgan le maître de thèse de Sarah, Marc Faugier qui fait une étude sur la prostitution et le sexe en Orient, et tant d'autres.
Ainsi en suivant Franz on se plonge dans les rues de Vienne, d'Istanbul, d'Alep, de Damas et Téhéran; sur les chemins des premiers orientalistes partis à la découverte de cette incroyable partie du monde, telle Annemarie Schwarzenbach - écrivaine, journaliste et aventurière suisse - et Marga d'Andurain - aventurière française, propriétaire de l'hôtel Zénobie à Palmyre.
On écoute Schubert, Schumann, les "Kindertotenlieder" de Mahler, Nazeri, Shahnam, on lit les poètes Hafez et Rumi...

Je pense qu'il n'est pas faux de dire que ce livre n'est pas à la portée de tout le monde, il faut être posé, au calme, pour en faire la lecture, avoir du temps devant soi.
Mathias Enard nous livre toute son érudition dans de grandes phrases, parfois très longues ; il utilise un vocabulaire très riche et si l'on est curieux on apprend beaucoup de choses, de mots de cette merveilleuse langue. Cependant l'histoire est passionnante et il m'est arrivé à plusieurs occasions d'avoir des fou-rire, il sait mélanger les différents registres de langue en passant du langage soutenu au langage familier facilement, un vrai plaisir de lecture de la "langue française" !

Lorsqu'il nous parle d'Istanbul :
"Il décrit, subjugué, cette succession de monuments, de palais, de villages, la puissance de ce site qui me frappait moi aussi en plein et me remplissait d'énergie, tant cette ville est ouverte, une plaie marine, une faille où la beauté s'engouffre ; se promener dans Istanbul était quel que soit le but de l'expédition, un déchirement de beauté dans la frontière - que l'on voit Constantinople comme la ville la plus à l'est de l'Europe ou la plus à l'ouest  de l'Asie, comme une fin ou un commencement, comme une passerelle ou une lisière, cette mixité est fracturée par la nature et le lieu y pèse sur l'histoire comme l'histoire elle-même sur les hommes."

Franz avec un peu de culpabilité nous raconte son expérience de l'opium :
"L'opium était, dans notre imaginaire, tellement associé à l'Extrême-Orient, à des chromos de chinois allongés dans des fumeries qu'on en oubliait presque qu'il était originaire de Turquie et d'Inde et qu'on l'avait fumé de Thèbes à Téhéran en passant par Damas, ce qui, dans mon esprit, aidait aussi à éloigner l'appréhension : fumer à Istanbul ou Téhéran c'était retrouver un peu l'esprit du lieu, participer d'une tradition que nous connaissions mal et remettre au jour une réalité locale que les clichés coloniaux avaient déplacé ailleurs. [...]... je n'en sens plus mes poumons [...] à ma grande honte, je ne ressens rien d'autre que la disparition de mon appareil respiratoire, une grisaille de l'intérieur, on m'a noirci la poitrine au crayon à papier. [...] ... j'avais l'impression que mes considérations étaient comme le Bosphore - un bel endroit entre deux rives, mais qui, au fond, n'était que  de l'eau, pour ne pas dire du vent."
Il nous ramène parfois à la difficile réalité du moment, notamment lorsqu'il nous parle des djihadistes brûlant des tambours et des trompettes, ceux-là même qui donnaient l'alerte sur l'arrivée des janissaires turcs et que les francs ont copié :
"[...] et aucune image ne représente mieux la terrifiante batailles que les djihadistes livrent en réalité contre l'histoire de l'Islam que ces pauvres types en treillis, dans leur bout de désert, en train de s'acharner sur de tristes instruments martiaux dont ils ignorent la provenance."
ou encore :
" [...] mais on ne peut pas dire que Dieu donne le meilleur de lui-même ces temps-ci - les orientalistes non plus - j'entendais un spécialiste du Moyen-Orient préconiser qu'on laisse partir tous les aspirants djihadistes en Syrie [...] ils mourraient sous les bombes ou dans des escarmouches [...] . Il suffisait juste d'empêcher les survivants de revenir. [...] peut-on raisonnablement envoyer nos régiments de barbus se venger de l'Europe sur des populations civiles innocentes de Syrie et d'Irak [...]. Pratique, certes, mais pas très éthique."
On retrouve aussi ce que nous lisions déjà chez Delphine Minoui à propos de la jeunesse iranienne, jeunesse qui montre bien le fossé existant entre la société iranienne et la classe intellectuelle :
"Cette différence si iranienne entre le biroun et l'andaroum, l'intérieur et l'extérieur de la maison, le privé et le public [...] était poussée à l'extrême par la République islamique. On entrait dans un appartement ou une villa du nord de Téhéran et on se retrouvait soudain au milieu d'une jeunesse en maillot de bain qui s'amusait, un verre à la main, autour d'une piscine, parlait parfaitement anglais, français ou allemand et oubliait dans l'alcool de contrebande et le divertissement, le gris du dehors, l'absence de futur au sein de la société iranienne."
Franz nous parle de la virulence de l'identité plaquée par l'autre et prononcée telle une condamnation ; on lui a "imposé" d'être chrétien parce que blanc en Iran, on lui a "imposé" d'être allemand parce que blanc une fois encore et en présence d'un iranien-nazi souhaitant à tout prix rencontrer un allemand, on a "imposé" à Sarah une judaïté à cause de son nom, ainsi il dénonce cette assujettissement à une identité posé par un jugement :
"Il est étrange de penser qu'aujourd'hui en Europe on pose si facilement le nom de "musulman" sur tous ceux qui portent un patronyme d'origine arabe ou turc. La violence des identités imposées... "

Mathias Enard nous apprend aussi que c'est Halil Sherif Pasha dit "Halil Bey", un diplomate ottoman-égyptien - futur ministre des affaires étrangères à Istanbul - qui passa commande auprès de Gustave Courbet, de deux toiles très spéciales, "le Sommeil" où l'on voit deux femmes endormies enlacées, ainsi que "L'origine du monde", toile bien connue. C'était un grand collectionneur d'art et outre ses deux toiles il en commanda de nombreuses autres à de nombreux artistes dont Ingres (Le bain turc), Delacroix, Corot...

Pour finir et non pas pour vous effrayer une liste non-exhaustive des mots découverts (le challenge serait de retenir leur signification et de savoir les réutiliser ! ) : allogène, almé, altique, aporie, atrabilaire, biffin, bombarde, boutre, cantilène, chromo, climatère, douçaine, gamelan, herméneutique, heuriger, houri, librettiste, jusant, lusaphone, mélisme, monodie, ostinato, parousie, prébende, rhyton, roumi, sigillé, spécieux, sybarite, téléologie, tell, thébaïque, théosophique, thériaque, tiré-à-part, uniate, zarb, zilzr

mardi 3 mai 2016

" L'incolore Tsukuru Tazaki et ses années de pèlerinage " de Haruki Murakami




Au lycée, dans sa ville natale de Nagoya, Tsukuru Tazaki fait parti d'un groupe, de 5 jeunes inséparables, composé de 3 garçons et 2 filles. Chacun des membres du groupe a dans son nom une couleur, il y a Rouge (Akamatsu), Bleu (Ômi), Noire (Kurono) et Blanche (Shirane) ; Tsukuru est le seul dont le nom ne porte pas de couleur, il est "celui qui fait".

Tsukuru est passionné par les gares et cette passion va l'amener à faire ses études à Tokyo, il est le seul du groupe à ne pas rester à Nagoya après la fin du lycée, mais à chaque vacances il rentre à Nagoya retrouver ses amis.
A la fin de sa deuxième année alors qu'il est de retour à Nagoya il essaie en vain de joindre ses amis, plus personne ne lui répond, finalement "bleu" lui dira de ne plus les contacter, qu'ils ne souhaitent plus le voir.
Tsukuru ne comprend pas ce qu'il se passe et pourquoi ses amis le rejettent. Il vivra plusieurs mois "au bord de la mort".

Seize ans plus tard il travaille comme architecte pour une entreprise qui construit des gares, il est célibataire et n'a pas quasiment pas d'amis. Il rencontre Sara avec qui il envisage un avenir mais cela le fait retourner seize ans en arrière et se poser des questions sur les raisons de son éviction.

Ainsi il va partir en "pèlerinage" dans son passé afin de comprendre ce qu'il s'est passé et pourquoi.

Murakami a toujours cette facilité à nous transporter dans un monde bien à lui, toujours teinté d'une once de surnaturelle, de fabuleux sans jamais en faire trop. On retrouve bien cette univers où tout pourrait arriver, où tout est possible, à la limite du fantastique.
J'aime toujours autant ce déplacement dans un "autre monde", tout en douceur, qu'il nous oblige à faire. Tout en nous racontant une histoire plutôt banale et disons le franchement n'ayant que peu d'intérêt, il arrive à nous intéresser par ses mots, ses réflexions, les questionnements qu'il provoque.

Donc même si pour moi ce n'est pas son meilleur, j'adhère toujours et pour les novices de Murakami, je vous recommande vivement celui qui reste de loin mon préféré "Kafka sur le rivage"