Je me suis beaucoup interrogée sur les articles que je souhaite écrire, les livres dont je veux parler.

Dois-je faire un article pour chaque livre ? Ou uniquement ceux qui m'ont vraiment plu ?

La réponse je l'ai trouvé en pensant à mon club de lecture ; nous y sommes pour parler de tous les livres que nous lisons, pour échanger, discuter, alors comme l'idée est de faire un peu pareil ici, j'ai décidé de tout mettre. Il y aura donc des articles courts, des plus longs, des passionnés et des plus ternes. Certains vous donneront peut-être envie de lire le livre concerné, d'autres vous donneront peut-être envie de me convaincre...

Alors soyez indulgents, et surtout n'hésitez plus à faire un commentaire !

Au plaisir de (vous) lire.

jeudi 28 mars 2019

❤️❤️❤️ "Mohammad, ma mère et moi" de Benoit Cohen



"Lorsqu'on peut, on doit."

Ce récit est celui de Benoit Cohen qui part à la rencontre de Mohammad un réfugié afghan accueilli par sa mère, chez elle, dans son immeuble particulier du centre de Paris, au pied de la Tour Eiffel.

Je ne vais pas vous refaire le récit de la vie de Mohammad avant d'arriver en France, mais sachez que ce très jeune homme à déjà beaucoup vécu lorsqu'il débarque à Paris, il a aussi beaucoup été déçu, trahi, et malgré tout il continue de croire en la vie. Il n'a jamais eu peur de travailler, d'aider ses parents, sa famille, mais malheureusement dans son pays d'origine la religion et la guerre sont les nerfs du pouvoir.

Ce récit est bouleversant de sincérité.
D'abord parce que ce n'est pas l'histoire d'un réfugié, mais bien celle de Mohammad.
Ensuite parce qu'il est écrit par Benoit Cohen, avec un grand respect, et une délicatesse rare.
Il fait le pendant de son propre "exil" aux USA. Il est parti en le choisissant, avec de l'argent, un visa, et en étant accueilli et bienvenu. Ce qui bien entendu met en lumière l'histoire de Mohammad.
"Mohammad et moi avons tous les deux quitté notre pays et vivons en terre étrangère. J'avais envie de changer d'air, lui sauvait sa peau. Il n'avait pas d'autre option, moi si. J'ai pu choisir mon pays d'adoption, lui non. Il n'avait pas d'argent, moi si. Je me suis tout de suite senti chez moi, lui non. Toute la différence tient en un mot : Welcome." 
On découvre aussi la grande solidarité qui existe en France et c'est grâce à deux associations créées par des jeunes que Mohammad a pu non seulement être accueilli par Marie-France, mais aussi faire les études dont il rêvait.

Il y a Singa, qui est un mouvement international qui vise à créer du lien entre des personnes réfugiées et des personnes qui veulent les accueillir.
Et Wintegreat qui redonne vie aux projets professionnels de ces personnes réfugiées.

Il faut lire ce livre pour découvrir ces deux magnifiques initiatives, je trouve dommage de ne pas entendre plus souvent parler de ces idées/projets qui sont positifs et très encourageants.

Même si j'ai conscience que la rencontre de ces trois personnes a un côté un peu exceptionnel, elle existe et peut exister encore, et surtout elle redonne foi en l'Homme, en l'amour, dans le respect et la bienveillance, c'est pourquoi j'ai fais de ce livre un coup de coeur.
Car il m'a ému, touché, rassuré. Un récit qui devrait être lu par tous.
"Ce manque de nuances me fait forcément passer pour plus bête que je ne le suis. Quand on parle une langue étrangère, on est moins sûr de soi, plus vulnérable, moins rapide, plus timide, en retrait. On devient une autre personne."
   "L'idée que son existence puisse être autre chose que l'accomplissement des tâches du quotidien est révolutionnaire. Il est pourvu d'une conscience, une conscience infinie, il comprend qu'il a en lui un champ d'exploration illimité. [...] À partir d'aujourd'hui, il commence un voyage à l'intérieur de son propre corps, de son esprit. Il a le droit d'être heureux, et réalise que même la tristesse peut lui apporter du réconfort s'il ne se contente pas de la subir mais l'analyse."
"Plus ça va, plus on est dans un système administratif, juridique, concentré sur l'humanitaire et le sécuritaire. Il faut remettre en cause ce paradigme. Il faut remplacer le discours qui consiste à dire : «Les réfugiés, ce groupe homogène, qui fait ci ou ça....», par : «J'ai rencontré Ahmed, il a un projet et je vais essayer de l'accompagner...». Plutôt que de dire qu'on doit accueillir toute la misère du monde, ce qui est décourageant et contre-productif, on présente des individus et une action à dimension humaine." 
"Chérir la différence de nos enfants et la vie qu'ils choisissent vers leurs bonheurs."
"Il faut leur expliquer que Dieu ne contrôle pas tout, c'est à nous de prendre nos vies en main. Une fois qu'ils auront compris ça, libre à eux de pratiquer n'importe quelle religion, mais au moins, ils auront eu le choix." 
Flammarion, 276 pages.

mardi 26 mars 2019

"La place" de Annie Ernaux



A l'occasion du décès de son père, Annie Ernaux revient sur la vie de celui-ci, mais aussi sur la sienne et le fossé qui s'est creusé entre eux.

Les parents d'Annie étaient, comme on dit, des gens simples, ouvriers, artisans. Ils vivaient en Normandie où peu à peu ils se sont construits une vie, leur vie ; à la sueur de leur front.

Annie, elle, a pu étudier, et donc "s'élever", "faire un bon mariage"....
Plus elle s'éduquait plus elle s'éloignait de ses parents, de son père.

Elle décrit très bien le changement de "monde", les yeux qui s'ouvrent sur une vie, une vie qu'elle voit différemment. La difficulté de garder le lien, le contact malgré l'amour, car une fois que l'on est passé "de l'autre côté" c'est très compliqué de faire le chemin inverse.

On sent aussi la difficulté de ne pas juger, et malgré tout de voir qu'il y a des gens biens partout et de mauvaises gens aussi partout.... quel que soit le milieu d'où l'on vient ou celui où l'on se trouve...

Un récit court, intéressant d'un point de vue sociologique, parfois un peu dur, mais il est très difficile de juger ce que chacun vit.

Folio, 114 pages.

"Tokyo" de Mo Hayder



Lorsque Grey débarque à Tokyo, elle n'a qu'une idée en tête et pas un sous en poche.
Elle vient tenter de récupérer le seul et unique film qui existerait sur le massacre de Nankin de 1937 perpétré par les Japonais lors de l'invasion de la ville, film dont elle a apparemment un besoin vital pour pouvoir se remettre de ce qui lui est arrivé dans sa jeune adolescence.

Elle pense qu'un certain Shi Chongming est en possession de ce film. C'est un éminent professeur de l'université, chinois et présent à Nankin pendant le massacre. Nous allons d'ailleurs lire son journal écrit au cours des mois qui précédèrent le massacre et jusqu'à celui-ci.

Grey est "recueillie" par un américain, Jason, qui lui offre le logis et un boulot. Logis dans un taudis avec des jumelles russes et lui-même, job d'hôtesse dans un bar.
Bar dans lequel elle rencontrera un des plus célèbre yakuza qui bien sur détient la clé d'un mystère que souhaiterait résoudre Shi Chongming et qui fera donc un chantage à Grey pour récupérer le film....

Bref, un thriller que j'ai trouvé assez décevant.... ce ne sont plus des ficelles mais de grosses grosses cordes, des invraisemblances tout le long du bouquin, je suis allée au bout en me disant que je serais peut-être surprise mais non, ce que l'on comprend très rapidement n'évolue pas.... Il y a des passages entiers totalement incompréhensibles et improbables voire totalement absurdes.

C'est plus que rare que je sois déçue par un polar/thriller parce que même si ce n'est jamais de la grande littérature en général je passe un bon moment de lecture et de détente, mais pas cette fois...

Vraiment pas certaine de retenter ma chance avec cette auteur, surtout en sachant que ce serait son meilleur bouquin....

Pocket, 480 pages.

lundi 18 mars 2019

"Le dernier frère" de Natacha Appanah



"Ce sentiment, comme une nausée qui monte et qui descend, c'était la perte de l'enfance et la conscience que rien, plus rien, ne me protégerait désormais du monde terrible des hommes."
Un vieil homme, Raj, fait un rêve. Il rêve de David, cet enfant qui fut son ami, il y a si longtemps.
Alors Raj nous emmène avec lui dans son enfance.
Tout d'abord à Mapou, dans les champs de canne à sucre avec ses frères, la rivière, la sécheresse et les pluies diluviennes, une vie heureuse malgré l'extrême pauvreté et les coups de trique du père, jusqu'à ce qu'un cyclone balaie cette famille et fasse tout voler en éclat.

Puis le jeune garçon se retrouve seul avec ses parents à Beau-Bassin, dans une maison de la forêt. Il se raconte beaucoup d'histoires pour s'occuper, il arpente la forêt qu'il connait par coeur. Jusqu'au jour où sa mère l'envoie apporter le déjeuner de son père à la prison où il travaille. Et Raj découvre que les prisonniers ne sont pas comme son père lui avait dit des mÉchAnts, des mArrOns, des vOlEUrs, mais juste des hommes, des femmes et des enfants....

Et c'est là qu'il rencontre David, ce garçon à la chevelure flamboyante et douce, qui va devenir son ami, son frère.

Ce roman se situe dans un contexte historique que je ne connaissais pas.
En effet au début de la seconde guerre mondiale, en 1940, des Juifs quittèrent l'Europe pour tenter d'aller s'établir en Palestine, seulement à leur arrivée au port d'Haïfa - alors sous mandat britannique - ils furent refoulés par les Anglais et envoyés dans leur colonie de l'île Maurice. Là-bas ils furent installés dans une prison à Beau-Bassin. Ils vivaient entassés, dans un climat tropical auquel ils n'étaient pas habitués, endurant les maladies locales.

Raj est un petit garçon qui subit la violence au quotidien avec un père alcoolique, agressif, vivant dans une grande misère. Heureusement sa mère lui donne beaucoup d'amour et de tendresse. C'est un enfant qui essaie de se construire malgré un environnement difficile, alors lorsqu'il croise David pour la première fois c'est un coup de foudre d'amitié.
Raj ne savait rien de la guerre qui sévissait en Europe, il ne savait rien de ce que subissait les Juifs, il ne savait même pas ce que c'était qu'être juif...
Les deux enfants vont vivre une belle histoire mais qui les mènera beaucoup trop loin.

C'est un très beau roman que j'ai beaucoup aimé.
Je me suis attachée à Raj et à sa terrible histoire. Ce petit garçon qui veut juste ajouter du bonheur dans sa vie, ne plus trembler au retour de son père, ne plus penser qu'il ne vaut rien et qu'il ne devrait pas être là. Ce besoin fou qu'il a d'aimer un autre enfant, de partager, de vivre ensemble.

POINTS, 211 pages.

jeudi 14 mars 2019

"La symphonie du hasard" de Douglas Kennedy




Livre 1: Comme elle le fait régulièrement, Alice Burns rend visite à son frère Adam en prison, mais ce jour-là il lui avoue un vieux secret de famille ce qui replonge Alice vingt ans en arrière alors qu'elle est en dernière année de lycée et s'apprête à rentrer à l'université.

Alice nous transporte dans l'Amérique des années 70,  Nixon est président, il y a la guerre au Vietnam.
Son père est irlandais catholique, autoritaire, raciste, violent et un peu alcoolique, mais Alice l'adore et s'entend très bien avec lui. Sa mère est juive, irascible et agressive, malheureuse d'avoir quitté New-York pour la banlieue de Greenwich ; Alice est persuadée que sa mère ne l'aime pas.
Son frère ainé Peter est en conflit permanent avec sa famille et notamment avec le père dont il ne partage absolument pas les idées et notamment les idées politiques...
Adam, lui, aurait du devenir un grand sportif mais suite à un accident de voiture il a tout abandonné et travaille avec son père dans des mines qu'il possède au Chili, et ce au moment du coup d'état de Pinochet.
Alice va partir à l'université où elle découvrira un monde cruel tout en se prenant d'amitié pour un enseignant et d'amour pour un étudiant.
Sa vie de jeune femme démarre et elle devra faire des choix, prendre des décisions qui affecteront sa vie entière.

Livre 2 : Après une première année bien mouvementée à l'université, Alice a décidé de partir continuer ses études à Dublin au Trinity College. Elle découvre un autre monde, fermé, rigoureux, très religieux, un monde en guerre. Elle fait aussi de magnifiques rencontres et son installation dans cette nouvelle ville se fera finalement assez simplement.
Cependant certains démons du passé resurgiront pour venir chambouler cette nouvelle vie où elle avait enfin trouvé une certaine stabilité, et le "hasard" ne l'épargnera pas.

Livre 3 : Alice est retourné vivre aux États-Unis, sa famille va éclater pour trouver un épanouissement différent. Sa carrière va évoluer petit à petit, au fil de ses aventures, de ses histoires, en même temps que la grande Histoire avance elle aussi et nous mène jusqu'aux années 80 et le début du SIDA, mais aussi l'hyperconsommation et le meneur de vie qu'est devenu l'argent.

Dans l'ensemble j'ai plutôt bien aimé cette trilogie qui nous fait suivre le destin de cette jeune femme qui évolue dans un milieu intellectuel et surtout littéraire, pour finir dans une maison d'édition (le rêve !!!). Les 3 livres ne sont pas tous du même niveau selon mon goût. J'ai bien aimé le premier, moyennement le deuxième que j'ai trouvé un peu "too much" dans les évènements qui arrivent à notre héroïne, et j'ai beaucoup aimé le troisième qui est bien monté. Je me suis attachée à Alice et à ses déboires, à sa famille toxique, ses aventures littéraires...

Ici la famille est en générale pesante et plutôt nocive, avec des secrets et des relations à la limite de la perversité ; la mère n'a jamais une image très belle et est assez caricaturale dans l'ensemble, on baigne d'abord dans le milieu universitaire puis dans le milieu littéraire New-Yorkais. Les relations amoureuses ne sont pas très stables, il n'y a vraiment que l'amitié qui soit vu d'un oeil positif.

C'est la première fois que je lis Douglas Kennedy. Ce n'est pas de la grande littérature mais un bon livre avec une bonne histoire qui se déroule sur deux décennies, un peu comme une bonne série dont on s'enfile les épisodes les uns derrières les autres.
Alors je recommande pour passer un bon moment de lecture, et de détente. Une histoire attachante qui permet quelques petits retours sur l'Histoire notamment des États-unis.

Pocket, 416 pages, 368 pages, 480 pages. Traduit de l'anglais par Chloé Royer.

mardi 5 mars 2019

"Né d'aucune femme" de Franck Bouysse


Les Landes, probablement au XIXème siècle, Rose est l'ainée de quatre enfants, quatre filles, ce qui est compliqué dans la famille de fermier dont elle est issue. Cela signifie qu'il n'y a pas de bras forts et puissants pour aider le père à sa tache, mais en revanche des bouches à nourrir.

Alors un jour, Rose a 14 ans et son père la vend. Il la vend à un maitre de forge, un homme violent, sans aucune compassion.
Rose se retrouve à vivre chez cet homme monstrueux avec la mère de ce dernier, une vieille sorcière méchante, elle doit faire le ménage, la cuisine....et bien plus encore.

Elle va se trouver face à la violence la plus dure, la plus complète, avec un manque total d'humanité, et seule, elle devra se battre.

Cette histoire on la découvre car Rose écrit dans des cahiers qui seront récupérés par Gabriel, un curé, qui sera bouleversé par l'histoire qui se dévoile à lui.

C'est la première fois que je lis Franck Bouysse et je suis déjà très curieuse de découvrir d'autres de ses romans car j'ai vraiment beaucoup aimé celui-là.
La manière dont il traite son sujet, dont il mène l'histoire est assez singulière et j'ai plutôt bien accrochée.
On est projeté dans la misère humaine la plus sombre.
On s'attache à Rose, elle est tellement sensible, elle est belle dans ses émotions et ses réactions, elle est forte. Elle se bat face à l'injustice, l'enfermement, qu'il soit physique ou psychologique.

Bref un livre très très bien mené, qui m'a profondément touchée, bouleversée.
"La seule chose qui me rattache à la vie, c'est de continuer à écrire, ou plutôt à écrier, même si je ne crois pas que ce mot existe il me convient. Au moins, les mots, eux, ils me laissent pas tomber. Je les respire, les mots-montres et tous les autres. Ils décident pour moi. Je désire pourtant pas être sauvée."
La Manufacture de livres, 334 pages.

lundi 4 mars 2019

"Avec toutes mes sympathies" de Olivia de Lamberterie


Dans ce récit Olivia de Lamberterie nous raconte son frère.
Son frère Alexandre qui a toujours souffert de mélancolie, de dépression, et qui se suicide le 14 octobre 2015.
Pourtant il a tout, il est beau, intelligent, il a une femme, des enfants, une famille qui l'entoure et qui l'aime, un travail, mais rien n'y fait, son mal-être le fait s'enfoncer chaque jour un peu plus dans le désespoir.

Olivia nous fait vivre les derniers mois, le suicide et sa colère, son deuil. Elle nous parle de sa famille, ses parents, ses soeurs, son mari, ses enfants... comment elle a vécu chaque instant.

C'est certes une très belle preuve d'amour pour son frère, et le texte est plutôt bien écrit. Elle veut réhabiliter son frère dans la vie, nous dire combien elle l'aime et combien il lui manque.
Mais j'ai comme un malaise à lire ces mots, comme si j'étais un voyeur.
Je me sens prise dans une intimité qui ne me concerne pas, ne me regarde pas.
Je ne suis pas sure que j'avais envie de lire leur histoire, privée, personnelle...

Je trouve très difficile de parler de ce livre, et pour être tout à fait honnête je suis assez surprise du prix qu'il a reçu. J'ai particulièrement aimé quelques passages notamment sur la famille, mais plus j'avançais dans le livre plus j'ai eu l'impression de regarder par le trou d'une serrure.
Du coup j'ai un peu de mal à recommander cette lecture...

Stock, 254 pages.