Je me suis beaucoup interrogée sur les articles que je souhaite écrire, les livres dont je veux parler.

Dois-je faire un article pour chaque livre ? Ou uniquement ceux qui m'ont vraiment plu ?

La réponse je l'ai trouvé en pensant à mon club de lecture ; nous y sommes pour parler de tous les livres que nous lisons, pour échanger, discuter, alors comme l'idée est de faire un peu pareil ici, j'ai décidé de tout mettre. Il y aura donc des articles courts, des plus longs, des passionnés et des plus ternes. Certains vous donneront peut-être envie de lire le livre concerné, d'autres vous donneront peut-être envie de me convaincre...

Alors soyez indulgents, et surtout n'hésitez plus à faire un commentaire !

Au plaisir de (vous) lire.

jeudi 28 février 2019

"La promesse de Shanghai" de Stéphane Fière


1999, Zhanxin est un jeune homme fraîchement arrivé à Shanghaï de sa province natale.
Il est venu accompagné de son père pour chercher du travail en ville après avoir été expulsé de leur ferme.
Très rapidement ils sont embauchés sur un gros chantier pour la construction d'un nouveau quartier, un quartier pour riches chinois, taïwanais et autres expat' européens.
Le travail sur le chantier est dur, mal, très mal payé, les conditions de sécurité ne sont pas respectées, ni d'ailleurs les normes de construction....
Mais les "mingong" s'organisent, se retrouvent ensemble selon leur région d'origine. Et malgré des conditions de vie déplorables ils arrivent à s'amuser ensemble.

Zhanxin va rencontrer une jeune femme Aiguo, dont il va tomber amoureux. Il se fixe alors de nouveaux objectifs de vie et fera tout pour atteindre son but. Ensemble ils essaieront de construire une vie nouvelle et plus belle.

Dans ce roman Stéphane Fière nous plonge dans une Chine corrompue et peu amène avec son peuple, avec ses paysans. Il n'y en a que pour les riches qui veulent devenir encore plus riches, les pauvres devant se battre, par tous les moyens, c'est chacun pour soi.

C'est assez effrayant je dois dire, on me dit que ce n'est plus tout à fait comme ça aujourd'hui mais je ne sais pas dans quelle mesure ceci est une réalité... je me pose la question.
Tout en connaissant une partie de cette réalité j'ai tout de même appris beaucoup, et j'ai trouvé la pensée générale sinistre. Même si le ton est assez naïf - peut être pour rendre l'effet moins lourd - l'idée générale n'est pas très positive, et lorsque le livre se termine il reste un goût amer dans la bouche à propos de la nature humaine....

Un roman que j'ai beaucoup aimé bien qu'il ne laisse pas beaucoup d'espoir, et notre héros, qui veut en croire en la vie, sera quelque peu déçu.

Babel, 413 pages.

mardi 26 février 2019

"La chrysalide du papillon" de Dorothée Guimbal


"J'ai 20 ans et je veux une vie normale, des parents adultes et responsables. 
Est-ce trop demander ?"

Lucie est une jeune femme de 20 ans, étudiante à la fac de droit et amoureuse.
Un frère et une soeur plus jeunes vivent encore chez ses parents qui malheureusement ne savent plus ce qu'est d'être un couple.

Un jour tout bascule,
Lucie reçoit un appel qui l'informe que sa mère à tenté de mettre fin à sa vie en s'immolant par le feu, chez elle, pendant que son frère était endormi.

Va démarrer pour cette jeune femme un long cheminement de reconstruction par rapport à l'acte de sa mère et ce que tout cela implique pour elle et sa famille.
La reconstruction aussi de sa mère, grande brulée, et psychologiquement en très grande détresse.

A 20 ans qu'il est difficile de devoir devenir l'adulte, en charge, alors que l'on ne souhaite que vivre sa vie, son amour, ses études...
Se sentir abandonnée par sa mère, voir son père baisser les bras, un frère s'effondrer et une jeune soeur qui ne comprend plus rien.
Tout ça avec une famille peu aidante.

C'est un récit profond, troublant, sur le cheminement intérieur et personnel de Lucie.
On ne peut qu'être bouleversé par ce texte mais aussi par la force de caractère de cette jeune femme, par la puissance de vie qu'elle a en elle, cette détermination qu'elle a à vouloir vivre malgré tout, à être heureuse.

Un livre qui (re)donne espoir, un livre finalement lumineux malgré le noir qu'on y trouve.
Un livre qui nous raconte que la vie, la joie, le rire sont toujours (doivent toujours ?) être les plus forts.

Independently published, Amazon, 119 pages.

mardi 19 février 2019

"Le garçon sauvage" de Paolo Cognetti



Pendant quelques mois, Paolo Cognetti décide d'aller vivre en montagne, éprouver la solitude, la vie d'ermite.
Il se balade beaucoup en montagne et dans la forêt, il lit, tente de faire pousser un potager, puis à l'été avec l'arrivée des vachers venus nourrir leurs bêtes d'herbe tendre, il fait des rencontres, se fait des amis.
Pendant quelques semaines il rejoindra un refuge où il fera le "cuisto" auprès des deux propriétaires.
Finalement il n'est jamais seul et ces quelques mois dans la montagne lui apprendront qu'en réalité même si la solitude était ce qu'il cherchait, il n'y arrive pas, il ne sait pas vivre seul.

C'est un récit court, émaillé de références littéraires toujours en lien avec ce qu'il est en train de vivre ; il m'a permis entre autre de découvrir la poétesse Antonia Pozzi dont j'ai beaucoup aimé les quelques poèmes trouvés dans ce livre.

Un très joli texte qui nous promène encore une fois dans la nature, dans cette montagne belle et majestueuse qui fait aussi peur qu'elle attire.
Je recommande chaudement la lecture d'un roman du même auteur "Les huit montagnes" .

"Les deux aigles se rapprochèrent, perdant un peu d'altitude, et je vis que ce n'étatisa un couple, mais un adulte et son petit. Le spectacle auquel j'assistais m'avait tout l'air d'une leçon de voltige. L'aigle répétait une manoeuvre très compliquée : il restait immobile dans les airs, porté par un courant ascendant, puis repliait brusquement ses ailes et exécutait une vrille à  l'horizontale en se laissant tomber à pic. On aurait dit le numéro d'un pilote acrobatique. Quelques mètres plus bas, il déployait ses ailes, freinant sa chute, puis finissait par reprendre le courant qui le ramenait à sa hauteur initiale. L'aiglon l'observait attentivement et je me dis que, bientôt, ce serait à lui."
10/18, 139 pages

"La papeterie Tsubaki" de Ogawa Ito



A Kamakura une jeune femme surnommée Popo a hérité de la papeterie de sa grand-mère.
Dans cette papeterie son travail ne consiste pas uniquement à vendre du matériel, elle est aussi et surtout écrivain public.
C'est ainsi que nous allons voir graviter autour d'elle tout un tas de personnages qui viennent pour ses talents de calligraphe.

C'est tout un art que d'écrire car Popo doit choisir le support le plus adapté au ton de la lettre et à son contenu,  mais elle doit aussi choisir "l'instrument" qu'elle utilisera pour écrire (plume, bille, pinceau...), elle devra encore adopter le style d'écriture le plus approprié et enfin viendra le choix de la formulation en fonction de l'émotion, du message, du degré de politesse... et pour finir le choix de l'enveloppe et du timbre est aussi important.
À chaque lettre elle met beaucoup d'elle, et ce n'est pas toujours un exercice aisé.

Les rencontres qu'elle fait sont donc très variées, et les demandes de lettre parfois très surprenantes.

Je reste très mitigée sur cette lecture qui au final m'a plus agacée que plu. Les moments intéressants et jolis sont trop dilués dans une suite qui n'a ni queue ni tête de rencontres, et d'histoires, un manque de continuité dans la succession des évènements vraiment gênant.

Je ne sais pas si c'est lié à la traduction mais parfois j'avais le sentiment que l'expression n'était vraiment pas à la hauteur... j'ai trouvé le style très "enfantin" et avec des répétitions pénibles.

Et des phrases qui m'ont carrément laissée pantoise, du genre "Le manque d'inspiration, c'est un peu comme quand on est constipé. On voudrait que ça sorte mais rien ne vient."

Un peu déçue car en général j'aime bien la littérature japonaise ou autour du Japon, et en même temps ce n'est pas la première fois que je ressens ce côté "enfantin" qui m'agace beaucoup (Les délices de Tokyo m'avait fait le même effet...)

Éditions Philippe Picquier, 384 pages.

jeudi 14 février 2019

"Rêves oubliés" de Léonor de Récondo


"Être ensemble, c'est tout ce qui compte."

Les "rêves oubliés" c'est l'histoire de l'exil d'une famille ; une famille républicaine obligée de fuir son pays basque espagnol en août 1936 au moment de la guerre civile espagnole.
Il y a Aïta, le père, Ama, la mère, leurs 3 jeunes garçons, mais aussi les grands-parents et les oncles, frères d'Ama.

Ainsi de 1936 à 1949 nous suivons le quotidien de cette famille qui doit se réinventer, se reconstruire après avoir tout laissé derrière eux. Il faut renouer avec la sérénité, avec l'essentiel. Mais ce n'est pas facile lorsque l'Histoire les rattrape encore avec la Seconde Guerre Mondiale qui vient à nouveau tout chambouler.

Cette famille s'installe d'abord à Hendaye, juste de l'autre côté de la rivière où se trouve leur village. Aïta aime travailler avec ses mains, il est doué, artiste, il façonne aussi bien le jardin que la glaise.
"Toi, tu as mis ta pensée dans tes mains."
Mais lorsque la guerre se réinvite dans leur quotidien Aïta part travailler à l'usine d'armement, il est malheureux et dans le village on commence à les regarder comme des étrangers, des coupables. C'est pourquoi ils acceptent l'offre de se charger de faire tourner une ferme près de Dax, c'est comme un second exil, ils s'éloignent encore un peu de leur pays.

La narration principale se fait à la troisième personne, on nous raconte l'histoire de cette famille unie, et s'intercalent au milieu, des morceaux du journal intime d'Ama, la mère. Elle fait rentrer le "je", l'intime, le vécu, le ressenti.

Ce récit c'est aussi l'histoire de la famille paternelle de Léonor de Récondo, cette famille qu'elle connait assez mal et auprès de qui elle souhaite se rapprocher en racontant leur vie, vie qu'elle romance intelligemment, avec beaucoup d'amour.

J'avais déjà lu ce roman il y a une dizaine d'années, mais en lisant "Manifesto" j'ai eu très envie de relire ce livre, relire le début de la vie de Félix. On découvre une enfance particulière, un goût pour l'art qui apparait très jeune, et qui est finalement un goût "familial".

Déjà Léonor de Récondo m'avait enchantée lors de la première lecture, elle avait déjà ce tact, cette délicatesse dans l'écriture, dans ces mots et ces phrases qu'elle sait si bien arranger, qui nous transportent dans un monde de lecture où l'on se sent si bien.
On lit et relit certaines phrases, on termine un chapitre et on s'arrête 5 minutes, on prend son temps, on digère et on se délecte.
On l'aura compris je suis une fan inconditionnelle !
"Depuis qu'il est arrivé à Hendaye, Aïta a vécu en posant les instants les uns à côtés des autres."
"En traversant la Bidassoa, Otzan a senti que son âme se fissurait, se brisait. Depuis, il jongle avec les éclats épars en tremblant de se couper les doigts." 
Sabine Wespieser Éditeur, 169 pages.

samedi 9 février 2019

❤️❤️❤️ "Manifesto" de Léonor de Récondo


"Pour mourir libre, il faut vivre libre."

Léonor et sa mère Cécile traversent la nuit du 24 au 25 mars 2015 en veillant Félix, leur père et époux, qui s'apprête à laisser échapper son dernier souffle.

Les voix se mêlent et s'emmêlent, entre Léonor, qui nous livre cette nuit et quelques souvenirs, et l'esprit de Félix qui a retrouvé Ernesto (Hemingway) avec qui il discute, ils se racontent leurs souvenirs, notamment d'Espagne.

Félix est né au pays basque espagnol mais a fui en 1936 avec sa famille le régime de Franco et s'est installé en France. Il est artiste, peintre et sculpteur. 
Il a fabriqué le premier violon de sa fille Léonor, façonné avec ses mains et surtout beaucoup d'amour.
Malheureusement, à la fin de sa vie, Félix était très malade, touché par Alzheimer.

Léonor nous confie les blessures de son adolescence qui furent les déchirures de son père.

Un récit auto-biographique d'une grande pudeur, à la fois triste et lumineux. 
Dans les mots qu'elle utilise, dans sa façon de jouer avec les phrases Léonor de Récondo nous emmène dans un monde de douceur, de beauté pure, simple, sobre.

Un texte tout simplement magnifique, à lire et à relire.

Une auteur que je suis depuis le début, qui ne m'a jamais déçue. 
Elle renoue ici avec son histoire comme son premier texte "Rêves oubliés" qui racontait l'exil de son père et de sa famille, un texte que je relis donc avec plaisir.

Sabine Wespieser Éditeur, 179 pages.

vendredi 8 février 2019

"Le sillon" de Valérie Manteau


PRIX RENAUDOT

La narratrice est à Istanbul où elle a rejoint son petit ami turc, elle se balade dans la ville, oscillant entre l'Europe et l'Asie, entre l'amour et la peur.

Au gré de ses pérégrinations dans la ville elle se renseigne sur Hrant Dink, journaliste arménien assassiné en 2007 par un adolescent. Ce journaliste osait parler du génocide, se savait menacé. Il avait créé un journal militant "Agos", qui signifie le sillon.

Le livre se situe entre 2015 et 2017 avec les attentats de France mais aussi ceux de Turquie. On y retrouve Asli Erdogan, l'écrivaine, lors de son arrestation et au début de son procès, ainsi que ses co-accusés.

Pour ceux qui connaissent Istanbul ce récit doit certainement les replonger dans cette ville magnifique, malheureusement je n'y suis jamais allée mais j'ai pu voyager malgré tout avec la narratrice.

J'ai trouvé intéressant certains passages notamment sur l'histoire de la Turquie, mais Valérie Manteau m'a tout de même un peu perdu dans ce texte qui oscille entre l'auto-fiction, le récit et l'essai.
Je ne peux pas dire que j'ai franchement aimé ce livre que je ne sais pas trop situer.
Je sais qu'il a été un coup de coeur pour certains, probablement ceux qui ont déjà erré dans la ville d'Istanbul, mais j'ai trouvé cette lecture malgré tout un peu ardue et laborieuse, et je suis restée un peu sur ma faim quant au sujet principal, la Turquie, son histoire compliquée et ambigüe.

La narratrice est un personnage qui reste assez éloignée de nous émotionnellement, son compagnon est peu présent, seulement par petites touches.
L'ensemble m'a paru décousu, confus par moment.

Le Tripode, 262 pages.

vendredi 1 février 2019

"Grand frère" de Mahir Guven

GONCOURT DU PREMIER ROMAN 2018

Dans ce roman,
il y a deux voix.

La voix du Grand Frère, la trentaine, qui passe 10 à 12 heures par jour dans son véhicule, il est chauffeur de VTC. Alors tous les matins il enfile son costume sombre et sa chemise blanche et part rouler, rouler, rouler....

La voix du Petit Frère, infirmier, engagé, profondément pour sauver son prochain.

Ces deux frères sont nés d'un père réfugié syrien et d'une mère bretonne.
Ils sont nés en France, pays qu'ils n'ont jamais quitté et malgré leur moitié bretonne ils ont du mal à se dire "français", ils se sentent plus "rebeu" comme les copains de la banlieue.
Leur maman est décédée lorsqu'ils étaient encore adolescents et a laissé un grand vide dans leur vie et probablement dans leur éducation.

La grand-mère syrienne a fini par les rejoindre après le début de la guerre, elle a fait leur éducation religieuse car le père ne se sent pas tellement concerné par le sujet.

Et puis un jour le Petit Frère disparait, il part avec une organisation humanitaire en Syrie, et pendant plus de 3 ans ni le père ni le Grand Frère n'ont de nouvelles.

C'est un premier roman brillamment mené et qui n'a pas volé son prix.
On est plongé dans la vie de banlieue, avec son langage bien à elle, dans le quotidien du chauffeur de VTC, mais on se retrouve aussi confronté aux problèmes d'intégration sociale et de radicalisation, des sujets tout à fait du moment.

L'oeil de Mahir Guven nous offre un point de vue inhabituel, une approche surtout assez originale et différente. Je dois dire que j'ai vraiment beaucoup aimé bien que le sujet, au départ, ne m'attire pas trop.
Bien que l'écriture reflète la langue des "djeuns" de banlieue, elle reste très agréable et finalement pas si compliquée à suivre.

Un grand bravo pour ce livre surprenant et très touchant.
Un auteur à suivre !!!

Philippe Rey, 264 pages.