Je me suis beaucoup interrogée sur les articles que je souhaite écrire, les livres dont je veux parler.

Dois-je faire un article pour chaque livre ? Ou uniquement ceux qui m'ont vraiment plu ?

La réponse je l'ai trouvé en pensant à mon club de lecture ; nous y sommes pour parler de tous les livres que nous lisons, pour échanger, discuter, alors comme l'idée est de faire un peu pareil ici, j'ai décidé de tout mettre. Il y aura donc des articles courts, des plus longs, des passionnés et des plus ternes. Certains vous donneront peut-être envie de lire le livre concerné, d'autres vous donneront peut-être envie de me convaincre...

Alors soyez indulgents, et surtout n'hésitez plus à faire un commentaire !

Au plaisir de (vous) lire.

samedi 30 janvier 2021

♥️♥️♥️ "Le silence d'Isra" de Etaf Rum

 


Gros gros coup de coeur pour ce premier roman sorti il y a tout juste un an.

1990, Isra vit en Palestine, elle a 17 ans et selon les us et coutumes de son pays ses parents lui cherchent un époux, seulement Isra aime lire, et elle voudrait connaitre l'amour, la vie des romans, l'indépendance... 
Elle sera finalement mariée à Adam venu chercher une femme au pays, et repartira avec lui et sa famille à Brooklyn aux États-Unis où ils vivent tous ensemble. 
Isra va peu à peu découvrir sa vraie condition de femme, elle vit dans une petite chambre sans fenêtre, son époux est absent..., elle doit s'occuper du ménage et de la cuisine avec sa belle-mère légèrement tyrannique, et bientôt Isra aura des enfants, car il lui faut impérativement "offrir" un fils à son mari et sa belle-famille pour assurer la descendance, les filles sont un poids, une charge.

2008, Deya est la fille ainée d'Isra, elle vit à Brooklyn chez ses grands-parents et pour elle aussi le temps du mariage est venu, mais comme sa mère avant elle, Deya ne veut pas en entendre parler, elle veut aller à l'université, elle veut travailler et être libre. Elle ne veut pas de cette vie là.
Des secrets vont refaire surface et pour Deya il faudra enfin faire des choix, prendre sa vie en mains ou se laisser faire et porter par la tradition d'un pays qu'elle ne connaît même pas.

C'est un hommage vibrant à ces femmes qui doivent se battre au quotidien pour leur survie ou simplement se taire et subir. Ce texte trouve d'autant plus sa place à une époque où l'on parle (enfin) de plus en plus des femmes battues et assassinées par leur époux/conjoint/ex. 
Pour Isra à la difficulté d'avoir quitté son pays et sa famille s'ajoutent la soumission que lui demande et impose sa belle-famille. Et pourtant il y a cette petite belle-soeur, Sarah, née en Amérique et qui elle se rebelle et ne veut pas finir comme sa mère ou ses belles-soeurs, elle veut elle-aussi pouvoir étudier, vivre sa vie de femme, décider pour elle-même.

C'est un livre magnifiquement écrit (et traduit), sans tomber dans le morbide et le pathos Etaf Rum nous raconte cette histoire de femmes. Celles qui subissent et ont accepté et celles, plus jeunes, qui ont découvert grâce notamment à la littérature, qu'une autre vie était possible, que l'on pouvait aimer et être aimé, que l'on pouvait être respectée, elles découvrent qu'une femme peut étudier, travailler, décider.
La religion n'est pas tant que ça mise en cause dans cette situation, on réalise qu'il s'agit plus ici de coutumes et de traditions, c'est tellement plus facile pour un homme de faire régner son pouvoir dans sa maison quand la femme n'a aucune éducation, et qu'elle croit n'être née que pour le satisfaire, sur tous les plans. 

Ces personnages de femmes sont toutes tellement attachantes, malgré tout elles ont chacune à leur façon une force incroyable, y compris l'odieuse belle-mère qui finalement n'a trouvé d'autre moyen de survivre qu'en se pliant aux traditions, mais elle aussi a eu son lot de souffrance et de malheur. 

Et puis derrière tout ça se cache aussi les conditions de ses palestiniens qui ont été chassés de chez eux, qui ont tout perdu pour se retrouver à vivre dans des camps de réfugiés aux conditions plus que précaires.
Sans jugement l'auteur expose les faits, les histoires, à nous de nous faire notre idée.

Oui les filles doivent être instruites, doivent aller à l'école et lire, lire, lire, pour découvrir, apprendre, s'évader, s'autoriser le choix et la décision. 
Non elles ne sont pas un poids, mais bien l'avenir de notre humanité.

"Ce n'est pas comme ça que ça marche, Sarah, murmura Isra. Il n'y a pas de gouvernement en Palestine. C'est un pays occupé. On n'a personne vers qui se tourner. Et quand bien même il y aurait une police, quand bien même tu voudrais porter plainte auprès des agents de police, ceux-ci te traîneraient immédiatement jusque chez toi, et ton mari te battrait encore plus fort pour être allée te plaindre."
Les Éditions de l'Observatoire, 430 pages. Janvier 2020
Traduction de Diniz Galhos

dimanche 24 janvier 2021

♥️♥️♥️ "Le démon de la colline aux loups" de Dimitri Rouchon-Borie.

 



Touchée en plein coeur par ce premier roman d'une justesse infinie.

Du fond de sa prison un homme (dont le prénom n'est découvert que tard dans la lecture) nous raconte son histoire, depuis le commencement, depuis son premier souvenir.
En tout simplicité et humilité il se livre, pour expliquer, pour demander pardon, pour (se) comprendre. 
Il nous raconte l'horreur, et l'arrivée du démon, et comment il a essayé de vivre avec.


C'est un livre très exigeant, tant sur le fond que sur la forme. 
Certains passages, notamment au début du livre, sont d'une violence inouïe, difficiles à lire, mais essentiels pour la compréhension de l'histoire, de l'évolution de cet enfant.  
La forme choisie, le ton, ne sont pas non plus aisés, mais une fois qu'on en est imprégné, c'est d'une évidence absolue. 
Ce sujet et cette forme d'écriture aurait vraiment pu être "casse-gueule" mais l'auteur est brillant, et la forme est tellement parfaite pour le texte qu'il sert, l'écriture est maitrisée, infiniment. 
Il n'y a pas d'erreur. 

Je me suis tant attachée à ce personnage, à Duke ; je l'imaginais penché sur sa machine à écrire, tapant sur les touches, tournant en rond dans sa cellule, souffrant de ses souvenirs, de sa culpabilité. 
J'ai imaginé cet enfant, dans cette maison, dans son nid, cherchant le calme et la protection. 
Depuis que j'ai tourné la dernière page je continue de penser à lui, chaque jour ; j'aimerai le voir, le prendre dans mes bras et lui donner toute mon affection.

Ce roman est un coup de poing dans l'estomac, il vous retourne, et vous chamboule.
Parce que malgré tout, il m'en reste de la lumière, il m'en reste un coeur rempli d'amour, de tendresse, il me reste de l'espoir.
Cet homme, capable d'une résilience incroyable, est une leçon de vie, une leçon d'espérance.

Ce premier roman (incroyable !) est touchant, attachant, envoûtant.
Il fera parti des quelques rares livres pour lesquels je pourrai me battre sans fin, ces livres que je veux garder près de moi et qui resteront nichés au fond de mon coeur. 

"Mon père disait ça se passe toujours comme à la Colline aux Loups et ça s'était passé comme ça pour lui et pour nous aussi. Maintenant je sais que ça s'est arrêté pour de bon. La Colline aux Loups c'est là que j'ai grandi et c'est ça quelle vais vous raconter. Même si c'est pas une belle histoire c'est la mienne c'est comme ça. La Colline aux Loups j'aime pas en parler d'habitude. Le Démon est né là et c'est là qu'il m'a pris. Mais si je devais taire tout ça à jamais j'aurais l'impression qu'il a volé mon âme pour de bon et bien plus encore mon histoire. J'espère que vous saurez vous montrer miséricordieux ou quelque chose comme ça parce que j'ai un parlement qui est à moi et pendant tout ce temps ces mots c'était ma façon d'être moi et pas un autre. Et comme j'ai pas fait l'école longtemps à cause du père, du Démon, de la mère et des autres, il manque des cases dans mon entendement des choses. À qui j'écris ce journal alors je ne sais pas. Peut-être à moi-même et à celui que j'étais avant le Démon."  

Le Tripode, 237 pages. Janvier 202.


jeudi 21 janvier 2021

"Le mal-épris" de Bénédicte Soymier




 Il n’est pas sans me rappeler le roman d’Alma Brami « Qui ne dit mot consent », j’ai ressenti par moment la même nausée devant la psychologie de ce personnage instable, malheureux mais violent et malfaisant pour son entourage.

Une fois n’est pas coutume ce roman nous plonge dans la tête et dans la vie d’un homme mal-heureux, mal-mené et donc mal-épris. Il n’est pas question de s’attacher ou de pardonner ce que son mal-être lui fait faire ou le pousse à être, mais peut-être essayer de voir la douleur derrière tout ça, sans pour autant comprendre ou accepter, en tout cas pas pour moi. Peut-être qu’un homme ne nait pas avec le mal, qu’en grandissant mal-aimé, mal-traité il devient le mal tout court. 

 

Paul est laid, il a un travail ennuyeux et routinier à la poste, il est seul, blessé et malheureux. Paul aime le beau, il est envieux et jaloux et veut par-dessus tout se faire aimer. 

Après une violente déception il jette son dévolu sur Angélique, une jeune femme qui élève seule son enfant, elle est joyeuse, vivante et plutôt de nature heureuse malgré les difficultés que la vie a mis sur sa route.

Pourtant Paul va se laisser déborder par ses vieux démons, il ne comprend rien et voit le mal partout, il ira loin, trop loin. 

 

C’est une lecture sous haute tension, un huis clos avec cet homme qui dégoute ; c’est écœurant, nauséabond, mais mené d’une main de maitre. L’écriture est nerveuse, profonde, elle nous englue dans le système de cet homme, dans son quotidien sordide dont on voudrait vite sortir. 

Mon petit bémol est que j’ai trouvé la première partie un peu trop longue, je crois que je n’en pouvais plus du nombrilisme de Paul, cela dit c’est peut-être aussi ce qui caractérise tellement ce personnage, en revanche une fois que Paul rencontre Angélique le récit s’accélère et notre empathie étant enfin stimulée, on se jette à corps perdu.

Un premier roman réussit, qui ne lâche rien, nous pousse au bout de nos retranchements., C’est fort, violent, intense. 

Calmann-Levy, 336 pages. Janvier 2021

jeudi 14 janvier 2021

"La familia grande" de Camille Kouchner

 



Je ne voulais pas lire ce livre, j’ai honte, mais je me suis dit ENCORE, 

et puis finalement ça veut dire quoi ENCORE, 

ça veut dire qu’il y a combien de voix qui se taisent ENCORE,

combien d’adultes qui profitent de leur ascendance ENCORE, 

combien d’enfants que l’on détruit ENCORE, 

combien d’autres qui savent et se taisent, acceptent et font avec ENCORE, 

quand va-t-on pouvoir enfin ne plus dire, ENCORE ?

 

 

Camille se raconte, la relation avec sa mère d’abord, cette vie dissolue, ces fêtes, ces amis, cette mère qu’elle aime tant, et ce beau-père aussi, elle l’aime, il est un père pour elle, Camille raconte cette hydre, ce serpent qui la mord, 

Camille raconte cette famille de suicidés, cette famille où le mot Liberté prend un sens si différent, qu’on n’en voudrait presque pas, de cette liberté. C’est une liberté qui empêche, une liberté qui emprisonne. 

Camille raconte le secret de son frère, l’emprise du beau-père sur lui, mais sur elle aussi, cette emprise qui bouleverse toute sa vie. 

Il n’y a ni misérabilisme ni voyeurisme, simplement des faits, des ressentis, des émotions.

 

 

Ce texte est essentiel pour ce qu’il raconte ENCORE, essentiel car il est bourré de sincérité, essentiel car il n’est pas sale, essentiel pour que les paroles se libèrent, essentiel pour que tout ça s’arrête ENFIN.

 

 

J’écris, ma lecture à peine terminée, à chaud, je le fais si rarement, quand un texte m’a profondément bouleversé par son sujet, par ses mots, par sa simplicité, sa franchise, son courage.

 

 

Alors oui il faut lire ce texte, il faut le partager, il faut soutenir ces enfants devenus grands, les regarder droit dans les yeux sans les stigmatiser, car ils sont avant tout des hommes et des femmes, avec une blessure, mais la honte doit être sur les autres, ceux qui attaquent et ceux qui se taisent, ce sont eux que plus personne ne devrait regarder.

 

 

« Ce livre m’a permise d’être en colère contre ma mère et de l’aimer immensément », les mots de Camille Kouchner sont d’une telle puissance et d’une telle simplicité.


Seuil, 204 pages. Janvier 2021

dimanche 10 janvier 2021

♥️♥️♥️ "Peau d'Homme" de Hubert et Zanzim

 



Bianca est promise à Giovanni, un jeune homme qu’elle ne connaît pas. Elle n’est pas contre l’idée mais aimerait tant pouvoir faire connaissance avec son futur mari avant la noce. 

C’est l’Italie de la Renaissance et la jeune fille n’a pas vraiment son mot à dire. D’autant plus qu’au même moment son frère, ecclésiastique ultra-traditionaliste, décide de mater la population de la ville beaucoup trop versée dans le péché selon ses préceptes à lui. 

Et tandis que le jeune fou instaure peu à peu une véritable Inquisition, Bianca, elle, découvre une peau d’Homme que sa marraine lui confie.

C’est ainsi qu’en revêtant cette peau elle se transforme en Lorenzo et part à la rencontre de la ville, du monde des hommes et surtout de Giovanni.

Bianca va trouver un plaisir immense et intense dans la peau de Lorenzo, elle va aussi et surtout découvrir l’amour, ses contraintes et ses difficultés dans un monde fermé à la différence.

 

 

Un joli conte qui nous ouvre de nouvelles portes. 

Une jeune fille à l’esprit large et ouvert, la sexualité vue sous un angle nouveau et audacieux, la répression religieuse (encore et toujours)…

Bianca est curieuse, bienveillante, et tellement moderne. Giovanni un peu pédant au départ nous montre toute sa sensibilité, il se dévoile au contact de Lorenzo comme un homme attentif, attentionné mais surtout blessé et perdu. 

 

 

 

Les couleurs chatoyantes ajoutées à la finesse du dessin nous offrent un graphisme absolument magnifique ce qui ajoute encore plus de plaisir à la lecture de cette œuvre. 

Franchement elle n'est pas canon cette couverture, elle donne envie d'avoir l'album juste pour la mettre en valeur.

 

 

 

Je poursuis la découverte des romans graphiques et je dois dire que je ne suis pas déçue ! 


Glénat, 160 pages. Juin 2020

samedi 9 janvier 2021

"Darling #Automne" de Charlotte Erlih et Julien Dufresne-Lamy


Roman Jeunesse/adolescent.

May a été élue reine du lycée, elle fait partie des jeunes les plus populaires, quant à son frère jumeau, Néo, c’est un geek, un gros qui passe son temps derrière ses écrans avec son meilleur copain.

Le frère et la sœur s’ignorent royalement, et tentent de faire bonne figure en famille.

 

 

Puis Y entre dans la danse en envoyant de mystérieux messages à May ; une vraie séance de drague 2.0.

Tous les paramètres vont voler en éclats et la vie de ces adolescents va être complètement chamboulée, les cartes redistribuées.

 

 

Nous sommes tour à tour dans la tête de May, de Néo et de Y, tout en lisant les échanges sur les réseaux sociaux. 

 

 

Un roman écrit à quatre mains qui nous plonge directement dans la vie de nos adolescents. 

C’est doux et cruel à la fois, les jeunes ne se font aucun cadeau, pas de pitié

 

 

On se rappelle qu’être adolescent n’est pas une simple affaire, que même si les parents sont toujours là, présents pour nous, il y a toute cette vie en dehors de la famille, une vie où l’on découvre les trahisons, l’amour, l’amitié, le sexe. Une vie où l’on apprend aussi la différence, différence qui n’est pas toujours acceptée ; il faut apprendre à sortir du moule, à ne pas suivre la meute, à oser penser par soi-même, à ne pas toujours compter sur le regard de l’autre… 

C’est une période difficile, une épreuve, un test ; il n’y a qu’une fois arrivé à l’âge adulte que l’on peut parfois prendre la juste mesure des choses.

 

 

Je découvre la plume de Charlotte Erlih, et Julien Dufresne-Lamy est une nouvelle fois au rendez-vous du plaisir de la lecture, je suis impatiente de lire les 3 tomes suivants.


Actes Sud Junior, 350 pages. Septembre 2020.