Je me suis beaucoup interrogée sur les articles que je souhaite écrire, les livres dont je veux parler.

Dois-je faire un article pour chaque livre ? Ou uniquement ceux qui m'ont vraiment plu ?

La réponse je l'ai trouvé en pensant à mon club de lecture ; nous y sommes pour parler de tous les livres que nous lisons, pour échanger, discuter, alors comme l'idée est de faire un peu pareil ici, j'ai décidé de tout mettre. Il y aura donc des articles courts, des plus longs, des passionnés et des plus ternes. Certains vous donneront peut-être envie de lire le livre concerné, d'autres vous donneront peut-être envie de me convaincre...

Alors soyez indulgents, et surtout n'hésitez plus à faire un commentaire !

Au plaisir de (vous) lire.

mardi 28 novembre 2017

"Novecento : pianiste" de Alessandro Baricco



Il est né sur un bateau, probablement en troisième classe.
On l'a trouvé sur le piano, un machiniste.
Il devient son fils : Danny Boodmann T.D. Lemon Novecento.
Jamais il ne descendra du bateau. Il traversera les mers, et jouera du piano.

Un joueur de trompette deviendra son ami.
Une belle amitié.

Un joli conte, tout petit, c'est délicatement écrit et l'on y trouve une histoire d'amitié très agréable mais malheureusement je n'ai pas tellement été touché.
Petite déception de ne pas avoir su trouver la lumière dans ce court texte.
C'est comme ça...

"Il savait écouter. Il savait lire. Pas les livres, ça tout le monde le peut, lui, ce qu'il savait lire, c'était les gens. Les signes que les gens emportent avec eux : les endroits, les bruits, les odeurs, leur terre, leur histoire... écrite sur eux, du début à la fin."
 "Moi, j'y suis né, sur ce bateau. Et le monde y passait, mais par deux mille personnes à la fois. Et des désirs, il y en avait aussi, mais plus que ce qui pouvait tenir entre la proue et la poupe. Tu jouais ton bonheur, sur un clavier qui n'était pas infini. C'est ça que j'ai appris, moi. La terre, c'est un bateau trop grand pour moi. C'est un trop long voyage. Une femme trop belle. Un parfum trop fort. Une musique que je ne sais pas jouer. Pardonnez-moi. Mais je ne descendrai pas. Laissez-moi revenir en arrière." 
Folio, 84 pages.

❤️❤️❤️ "Les Passeurs de livres de Daraya, une bibliothèque secrète en Syrie" de Delphine Minoui

"Face aux bombes, la bibliothèque est leur forteresse dérobée. Les livres, leurs armes d'instruction massive."
"Notre révolution s'est faite pour construire, pas pour détruire." 
Delphine Minoui est une journaliste franco-iranienne basée aujourd'hui à Istanbul, elle est grand reporter pour le Figaro et a remporté le Prix Albert Londres en 2006. Elle est une écrivain hors pair qui sait conter une réalité sans tomber dans le mélodrame.

Tout est parti d'une photo trouvée sur internet, sur la page Facebook de "humans of Syria", une photo représentant deux jeunes syriens entourés de murs de livres, un cliché qui évoque une bibliothèque secrète au coeur de Daraya.
Un cliché dont Delphine Minoui va tout faire pour retrouver l'auteur, pour comprendre cette image, ces jeunes, une bibliothèque au milieu de l'enfer syrien ?!

Daraya est un des berceaux du soulèvement pacifique de 2011, Daraya encerclée et bombardée depuis 2012, Daraya où il n'y a plus que quelques milliers d'habitants en octobre 2015 lorsque Delphine Minoui entre en contact avec Ahmad Moudjahed, l'auteur de la photo et l'un des fondateurs de cette bibliothèque secrète.

Pendant près d'un an elle va tenter d'établir un contact quasi quotidien avec ces jeunes syriens qui continuent de se battre pour la liberté. Via skype, whatsapp, Facebook, dès qu'un accès internet fonctionne les jeunes de Daraya lui envoient des messages, des vidéos, des photos et ils échangent de longues conversations.
Au départ Delphine Minoui a voulu se rendre dans cette banlieue de Damas mais cela s'est avéré totalement impossible, pour autant elle n'a pas voulu baisser les bras et souhaitait coûte que coûte pouvoir rendre hommage à ses jeunes et leur bibliothèque en écrivant un livre sur eux, elle souhaitait que ce livre puisse finir sur les étagères de cette bibliothèque improbable.

En parcourant les maisons éclatées par les obus, les jeunes révolutionnaires ont découvert des livres et décidé de les sauver, ils les ont rassemblés dans le sous-sol d'un immeuble abandonné ainsi transformé en librairie, chaque livre a été réparé, soigné, annoté (afin qu'il retrouve son propriétaire) et placé sur une étagère. On y retrouve des livres de littérature arabe, occidentale, des livres de psychologie, de connaissance de soi, de développement personnel, des livres de sciences, de la poésie, une ouverture sur le monde qui n'est pas Assad et son enfermement.
"Les livres, c'est notre façon de rattraper le temps perdu, d'effacer à jamais l'ignorance. [...] Le livre ne domine pas. Il donne. Il ne castre pas. Il épanouit."
Ce livre est le récit de ses jeunes qui se battent pour leurs livres, pour leur liberté de penser, mais c'est aussi un témoignage vibrant du siège de Daraya,  de cette population poussée à bout, bombardée tous les jours, et n'ayant plus rien à manger, jusqu'au bout, jusqu'à la fin...
"Dans ce sas de liberté qu'ils se sont créé, la lecture est leur nouveau socle. Ils lisent pour sonder le passé occulté. Ils lisent pour s'instruire. Pour éviter la démence. Pour s'évader [...]"
"Les livres nous ont sauvés. C'est notre meilleur bouclier contre l'obscurantisme."
"Je réalise à quel point la guerre est plus pénible à vivre pour la personne qui en est éloignée. Pour moi, la guerre fait partie de mon quotidien. Elle est mon quotidien. Je l'ai choisie et acceptée. À vrai dire, j'ai perdu la notion de peur."
 "Ils [les livres] me donnent l'impression de redevenir cet étudiant que j'étais, de ressembler à n'importe quel jeune homme du monde entier. Ils m'arrachent, l'espace d'un instant, à cette vie déformée qui est devenue mienne."
Pour retrouver l'interview de Delphine Minoui dans "La Grande Librairie" ICI
Vous pouvez lire l'article de son livre "Je vous écris de Téhéran"que j'avais énormément aimé.

Le Seuil, 160 pages.

"Les Bourgeois" de Alice Ferney


Ce roman raconte l'histoire d'une famille bourgeoise, catholique, parisienne ; histoire qui couvre le XXème siècle.

Henri, le père de la famille, est né en 1895 et Mathilde, son épouse, en 1897 ; ils auront ensemble 10 enfants, 8 garçons et 2 filles qui naitront entre 1920 et 1940. Une grande et belle famille qui traversera le siècle et ses péripéties.

Après avoir combattu lors de la première guerre mondiale, Henri aura sa propre maison d'édition, il sera un père de famille juste, sévère et fervent catholique.
Dix enfants en vingt ans cela fait une grande différence générationnelle, et inévitablement entre les premiers et les derniers le clivage est important.
Les ainés seront exactement comme ils ont été éduqués dans la religion et la tradition, les derniers seront plus dans la mouvance de la modernité et de l'évolution du monde. Il y aura des militaires, des marins, un avocat, un médecin... bref les Bourgeois seront des bourgeois.

C'est une histoire plaisante à lire, on passe du bon temps, mais c'est un peu lent... on ne s'attache pas vraiment aux personnages car finalement leur histoire est on ne peut plus banale, et il ne se passe pas grand chose.

Ce que j'ai vraiment aimé dans ce livre, en revanche, ce sont les passages liés aux faits historiques, les deux guerres mondiales, la guerre d'Indochine (traitement un peu rapide), la guerre d'Algérie, mai 1968, la révolution féminine, la loi sur la contraception puis le droit à l'avortement, jusqu'aux attentats de janvier et novembre 2015. Ces passages là sont beaucoup plus forts et intéressants, une autre énergie circule.
Tout cela vu dans le prisme de cette famille bourgeoise, catholique, où les femmes, en jupe ou robe, sont à la maison à s'occuper des enfants, à gérer la maison. Evidemment quelques clichés mais en même temps c'est aussi une vérité.
"Et quand on a vécu un pareil abandon, que fait-on ? On replante des arbres, dit Louise. Ce serait donc la mort de Mathilde, l'écho dévastateur dans la vie de sa fille et la réparation nécessaire qui auraient déterminé la vie de Louise." 
Actes Sud, 350 pages.

NB: gros questionnement, les personnages sont les mêmes que ceux magiquement rencontrés dans "l'élégance des veuves" et qui d'un coup ne sont plus aussi beaux, fins et délicats ! Mais pourquoi ?
Les mêmes noms, les mêmes personnes, le même nombre d'enfants.... 
Je me sens un peu perplexe et ne sais trop quoi penser... Une bonne question à poser à l'auteur...


et la réponse trouvée sur le site de Actes Sud : 
"J’ai choisi dix personnages qui m’étaient familiers, les huit fils et deux filles de Mathilde et Henri Bourgeois, héros il y a vingt ans de mon roman L’Élégance des veuves. Ils occupent les places favorites de la bonne société – l’armée, la marine, la médecine, le droit, les affaires."

jeudi 23 novembre 2017

"Un fauteuil sur la Seine. Quatre siècles d'histoire de France" de Amin Maalouf


En juin 2011 Amin Maalouf est élu au 29ème siège de l'Académie Française à la suite de Claude Lévi-Strauss.
Le jour de la réception du nouvel immortel sous la coupole, la tradition veut qu'il fasse un discours, l'éloge de son prédécesseur, et c'est ce qui lui a donné l'idée d'écrire ce livre sur tous ces prédécesseurs à ce siège numéro 29.

L'Académie Française existe depuis près de quatre siècles - à l'initiative du cardinal de Richelieu - c'est donc une vraie fresque historique que nous propose Amin Maalouf en nous retraçant rapidement les vies de ses devanciers. Ils furent 18 au total, ils vécurent plus ou moins longtemps et surtout prirent possession de ce fauteuil pour un temps plus ou moins long.

C'est un livre intéressant, à picorer de temps en temps. On retient deux ou trois choses, on se replonge dans une bonne partie de l'Histoire de France, ce qui n'est pas désagréable.

Dix-huit chapitres, chacun concernant un personnage, beaucoup d'illustres inconnus, dont, honnêtement, on oublie tout sitôt la dernière page tournée.
Les chapitres font tous une vingtaine de pages, c'est parfois beaucoup pour certains hommes dont l'intérêt est très limité et parfois trop peu pour d'autres - soyons honnête, les plus récents - comme Claude Bernard, Ernest Renan, Henry de Montherlant et bien sûr Claude Lévi-Strauss.

On apprend quelques petites choses, notre curiosité est parfois piquée.
Bien entendu c'est admirablement écrit ce qui rend la lecture très agréable.
Malheureusement je ne suis pas certaine qu'il m'en reste grand chose dans quelques temps...

Grasset, 336 pages.

dimanche 19 novembre 2017

❤️❤️❤️ "Marx et la poupée" de Maryam Madjidi



GONCOURT DU PREMIER ROMAN 2017

Maryam Madjidi est née en 1980, en Iran où elle a vécu jusqu'à l'âge de 5 ans, elle est ensuite partie en exil avec sa famille en France, à Paris.

Dans ce roman/récit elle revient sur les différentes étapes de sa vie, entre l'Iran et la France, entre ses deux langues, ses deux cultures. 

Elle nous parle de son enfance à Téhéran, y compris de sa vie de foetus - en effet sa mère enceinte manifestait dans les universités - de la révolution, des manifestations, des arrestations... puis le départ en France et cette nouvelle vie qui commence pour elle. Elle qui décide de ne plus être iranienne, de ne plus parler cette langue, de devenir complètement, totalement française. Ce qu'elle fera.
"Ainsi, dans la tête de la petite fille, s'est tu le persan. Sa langue a foutu le camp. [...] Ainsi s'est tu le persan. La petite fille comprend qu'ici, il ne sert à rien de le parler. Personne ne lui répondra.  Alors il se passa quelque chose d'étrange : elle avala sa langue. Elle ferma les yeux et elle engloutit sa langue maternelle qui glissa au fond de son ventre, bien à l'abri, au fond d'elle, comme dans le coin le plus reculé d'une grotte."
Et lorsqu'elle sera une jeune femme, étudiante, elle va renouer avec cette langue, le persan, et retourner pour la première fois dans son pays natal. Retour qui sera difficile, elle retrouve sa famille, sa grand-mère, elle rencontre un homme, ne veut plus repartir ; mais sa famille la pousse dehors, elle a été élevée dans la liberté !
"C'était le premier voyage, le premier retour à la terre-mère, la première descente vers l'origine. Une descente ou une chute, je ne sais pas. J'ai failli perdre la tête. J'ai glissé sur mon identité. Je suis tombée."
Dans ce texte, les chapitres sont courts et presque séparés les uns des autres, chacun a son style, chacun à son message, chacun a son émotion. Elle joue avec les mots, elle joue avec la langue, les langues, elle en joue dans le livre, elle en joue dans sa vie. 
Et elle en joue très bien.

C'est beau, très beau
Touchant, émouvant, 
Fort et magnifique

Une puissance incroyable se dégage de ce texte, en même temps qu'une douceur intense et un amour fou, pour son histoire, son pays, sa famille, sa vie.

Je pense que son choix narratif peut en perturber quelques uns, moi il m'a touché, il m'a pris, c'est ce qui donne toute la force à ses mots, ses phrases.

Aujourd'hui Maryam Madjidi enseigne le français à des mineurs étrangers, elle sait, elle connait ce sentiment d'étranger, de ne pas connaître la langue. 
J'imagine qu'elle doit être une enseignante incroyable, très compréhensive.

Je recommande vivement la lecture de ce livre qui mérite très largement ce prix Goncourt. 
Et j'attends impatiemment la suite, auteur à suivre !
"Je déterre les morts en écrivant. C'est donc ça mon écriture ? Le travail d'un fossoyeur à l'envers. Moi aussi j'ai parfois la nausée, ça me prend à la gorge et au ventre. Je me promène sur une plaine vaste et silencieuse qui ressemble au cimetière des maudits et je déterre les souvenirs, des anecdotes, des histoires douloureuses ou poignantes. Ça pue parfois. L'odeur de la mort et du passé est tenace. Je me retrouve avec tous ces morts qui me fixent du regard et qui m'implorent de les raconter. Ils vont me hanter comme mon père, qui se réveillait en sueur chaque nuit durant des années. Invisibles, ils suivent mes pas. Parfois, je me retourne brusquement dans la rue et je vois des bouches effacées."
"De « manière provocante » veut dire dans l'intention de violer l'esprit pur et chaste de l'homme qui s'efforce de ne pas être tenté par ces créatures diaboliques mais qui a l'esprit tellement bien placé dans le cul et le sexe des femmes que le moindre poil féminin le fait sortir du droit chemin."
"J'aurais aimé ramasser les lambeaux de tes rêves, les sauver, les enfiler comme des perles dans ma guirlande de mots à moi, et l'accrocher au sommet d'un arbre pour que ça bouge et vive encore."
"- Tu sais ce que ça fait d'être nulle part chez soi ? En France, on me dit que je suis iranienne. En Iran, on me dit que je suis française. Tu la veux ma double culture ? Je te la donne, va vivre avec et tu viendras me dire si c'est une « belle richesse » ou pas."
Le Nouvel Attila, 202 pages.

samedi 18 novembre 2017

❤️ "La sorcière" de Camilla Lackberg


Dixième tome de la série avec Erica Falck et Patrick Hedstrom de la romancière suédoise Camilla Lackberg dans lequel nous retrouvons les protagonistes habituels, Patrick et Erica mais aussi tous ceux qui les entourent avec leurs caractères et leurs petites histoires.

Toujours sur le même modèle il y a l'histoire actuelle et une autre histoire en parallèle qui se passe 300 ans plus tôt et dont le lien ne sera découvert qu'à la toute fin.

Nea, 4 ans a disparu de la ferme de ses parents ; 30 ans plus tôt une autre petite fille, Stella, aussi 4 ans, avait également disparu de cette ferme et avait été retrouvé morte dans la forêt. Existe-t-il un lien entre ses deux affaires ?
À l'époque deux adolescentes de 13 ans, Helen et Marie, avaient été reconnues coupables du meurtre; aujourd'hui Helen vit toujours dans le coin et Marie vient de revenir dans le village...

L'auteur colle de plus en plus à l'actualité en insérant dans son histoire un camp de réfugiés syriens, des adolescents en perdition, pour certain c'est "trop", pour moi je trouve que son récit n'en est que plus riche, c'est bien ce à quoi Camilla Lackberg nous avait habitué mais en plus abouti.

J'ai trouvé l'intrigue très bien menée, les personnages sont plus nombreux et forts ; je me suis bien laissée prendre par l'histoire et emmenée jusqu'au bout.

Un bon roman policier, pas de déception, on retrouve Camilla Lackberg dans son style, avec un peu plus de force.

Actes Sud, 704 pages.

jeudi 16 novembre 2017

❤️❤️❤️ "La serpe" de Philippe Jaenada


PRIX FEMINA 2017

Octobre 1941, c'est le matin et Henri Girard sort du château d'Escoire en appelant au secours, il vient de découvrir, sauvagement assassiné à la serpe son père, Georges, sa tante, Amélie et la bonne, Louise. Les premiers sur les lieux sont les gardiens du château, les Doulet. Très vite les gendarmes sont là, les premières constations, les premiers relevés... et les soupçons se portent tout de suite sur Henri, seul rescapé pourtant présent dans le château au moment des faits.
Mystère et boule de gomme, bah non pas tellement finalement puisque très très vite Henri est arrêté, toute l'enquête se fera à sa charge et après plusieurs mois d'attente viendra son procès et contre toute attente, en un temps historiquement record (moins de 15 minutes) il est innocenté !!!
Bon d'accord mais c'est quoi donc ! Mais oui mais oui...

Philippe Jaenada reprend donc l'enquête, en quelque sorte.
Tout d'abord il nous fait la bio de Henri Girard (devenu Georges Arnaud, célèbre auteur du "Salaire de la peur" !), puis il revient sur le procès et un rapide exposé des faits et enfin il mène sa propre enquête pour arriver à SA conclusion de l'affaire.

J'avoue je ne suis pas du tout objective parce que totalement "in love" avec Philippe Jaenada (je parle de l'auteur bien sûr). J'aime son style, son humour, sa curiosité.
Je suis assise au coin du feu, bien enfoncée dans un fauteuil moelleux, il est près de moi, un verre de whisky à la main, une cigarette allumée et il me raconte une histoire, je suis toute ouïe, fascinée, j'écoute - alors qu'en réalité je suis empêtrée avec un gros livre bien lourd dans les mains - mais il me fait cet effet là.

Voilà, donc ! Philippe (j'ai envie d'être un peu familière) enfile son imperméable de Columbo - et les verres de whisky (!!) - et part à Périgueux trouver de nouveaux indices et surtout se plonger dans les archives de l'Affaire.
Ainsi on avance pas à pas dans l'enquête, au milieu des digressions que l'on aime (que l'on attend ?), un peu de sa vie privée (très auto-critique et sans compassion avec lui-même), un peu de ses deux précédents romans ("Sulak" (qu'il va vraiment falloir que je lise) et "la petite femelle" (quoi vous ne l'avez pas encore lu ??!!)), toujours autant d'humour, beaucoup de recherches et de travail et une écriture passionnante. Un vrai polar mais dans la vraie vie !

Soyons sérieux.
On découvre une justice un peu étrange, tout d'abord dans l'énoncé des faits où il apparaît très clairement qu'Henri Girard ne peut qu'être coupable, et finalement en quelques minutes de délibération le jury l'acquitte. C'est très étrange. Et bien qu'il ait eu un des meilleurs avocats pour le défendre (Maurice Garçon) cela reste très troublant. Que s'est-il réellement passé ? Clairement le président du tribunal est en faveur de la défense, mais pourquoi ?? Qu'Henri Girard ait été coupable ou pas, cela laisse penser qu'il y a eu plus d'une erreur judiciaire.
Puis lorsque l'on découvre les arcanes de l'enquête cela laisse d'autant plus rêveur... soit Philippe est un héros, ultra-intelligent, qui voit tout et sait tout, soit (et désolée Philippe mais c'est plus probable (en revanche je reconnais l'ENORME travail qui a été fait)) il y a eu un sérieux laisser-aller au cours de l'enquête. On voit ce qu'on veut, on garde ce qui nous arrange et on fait sa petite tambouille avec tout ça. Nous ne saurons probablement jamais le fin mot de l'histoire, mais je reconnais que Philippe m'a plutôt convaincu dans son interprétation des évènements (ok ok je sais, aucune objectivité...).

Bref, ce livre est passionnant, drôle, savoureux... mais très lourd.
Évidemment je recommande plus que plus, et en profite pour vous (re)conseiller de lire "La petite femelle" que j'avais aussi adoré !!

"Voilà, j'aime bien les faits divers, le sordide ne me dérange pas à priori, mais en réalité, honnêtement, ça dépend : quand on a le sentiment de connaître quelqu'un, même si ce n'est pas vrai, quand on s'est attaché d'une façon ou d'une autre, ce n'est plus la même histoire. Ça désole, ça blesse, le sordide dégoûte."
"Enfin, à son ennemi le plus buté, Joseph Martigny : «Je fais bonne figure mais je sens chaque jour se perdre ma confiance dans la vie, toute ma jeunesse d'âme.»" 


Julliard, 648 pages.

samedi 11 novembre 2017

"Un loup pour l'homme" de Brigitte Giraud


1960, Antoine est appelé en Algérie, cependant il ne veut pas aller au combat, il ne veut pas utiliser une arme à feu et avoir à tirer sur quelqu'un. Alors il se forme pour devenir infirmier.

Lorsqu'il quitte la France pour Sidi-Bel-Abbès il laisse sa jeune femme, Lila, tout juste enceinte. C'est un déchirement pour ce jeune couple.

En tant qu'infirmier Antoine est affecté à l'hôpital militaire de Sidi, il n'a pas à aller combattre mais se retrouve au contact des blessés et de leurs histoires.
Parmi ces blessés il y a Oscar, un jeune homme amputé d'une jambe et qui ne parle plus ; Antoine va se sentir irrémédiablement attiré vers lui, il est là pour l'aider, le sauver.

Et puis Lila, restée à Lyon, écrit à Antoine qu'elle ne veut pas vivre sa grossesse seule, avoir leur enfant seule, alors elle prend l'avion et rejoint Antoine. C'est ainsi qu'ils s'installent ensemble dans un petit meublé. C'est presque comme des vacances pour Lila, les balades, le soleil, les orangers.
Seulement la situation en Algérie se dégrade, et quelques mois après avoir mis au monde une petite fille, Lila doit retourner en France et attendre le retour d'Antoine.

C'est un très joli roman qui très simplement nous décrit la situation en Algérie vue des coulisses de l'hôpital. Nous ne sommes pas au front, mais à l'arrière, dans "l'après" où finalement c'est peut-être le pire. Il faut ramasser les morceaux et reconstruire ces hommes qui ont tout laissé sur le champ de bataille, un peu de leur corps, un peu de leur âme...
Et puis on découvre la solitude des soldats, ils ne connaissent finalement rien du contexte, et font simplement ce qu'on leur dit, petit à petit la vérité sur la situation va apparaître et les troubler. Ils découvrent que tout n'est pas ni tout blanc ni tout noir, que c'est compliqué, les algériens, les pieds-noirs, les harkis.... La plupart de ces soldats arrivent de leur campagne qu'ils n'avaient, pour la plus grande partie, jamais quittée.

Beaucoup de tendresse, de chaleur, un vrai regard humain sur toutes ces horreurs.

"Il traîne la  patte, il sent qu'il pourrait se mettre à boiter, à vaciller, tant ce qui monte en lui le déséquilibre. Il n'a plus de raison de rester là. L'hôpital, l'Algérie. C'est comme si sa mission était terminée. À quoi peut-il encore servir dans cette guerre dont il ne voit que l'arrière-cour cabossée ? Il sait qu'il va continuer à soigner, il n'a pas le choix, c'était son désir, ne pas tenir une arme. Il est celui qui arrive après, qui colmate et qui répare."
"Lila les rejoint le temps d'une étreinte dans la lumière feutrée qui sera bientôt celle de l'hiver. C'est une image sans paroles, dont on n'a pas l'habitude, celle d'un homme en chemise militaire étreignant une femme dont la silhouette habillée de rouge dissimule une petite fille de six semaines, qui tente de lever la tête vers son père et d'attirer toute son attention."
"Il voudrait qu'Oscar ne renonce pas, il peut vivre sans sa jambe. Les gars dans les tiroirs auraient donné cher pour s'en tirer avec un membre amputé. Oscar doit l'attendre, ils ont encore beaucoup à accomplir ensemble."  
Flammarion, 245 pages.

lundi 6 novembre 2017

"Bakhita" de Véronique Olmi

PRIX DU ROMAN FNAC 2017

Elle a sept ans lorsque ses ravisseurs l'enlèvent à sa famille,à son village,à son Darfour natal, elle va traverser le Soudan en marchant, enchaînée ; elle en oubliera son nom et celui de son village.
Ses nouveaux maitres l'appellent Bakhita ; elle sera battue, violentée, maltraitée, telle les esclaves de son époque.
Et puis la chance et le destin lui souriront, elle sera rachetée par un consul italien qui cédant à ses supplications la ramènera finalement en Italie où après de nouvelles péripéties elle entrera dans les ordres, et sera canonisée plus tard par Jean-Paul II.

L'histoire de cette femme est assez incroyable.
C'est une vie de soumission sans renoncement, d'un espoir qui reste vaillant tout au long de son existence. C'est une femme au destin incroyable et qui a su prendre des décisions importantes, et donc prendre sa vie en main au moment où il le fallait. Pour cela elle a été clairvoyante, elle a su déceler dans sa destinée ces tournants qu'il ne fallait pas rater, et sur lesquels il ne fallait pas céder.
Bakhita, qui n'a plus de langue à elle tellement elle a été ballotée, vit dans ses souvenirs, dans les sensations de son enfance, le contact, le souffle. Elle aura toujours un lien très particulier avec les enfants qu'elle aime et comprend.
En Italie même si elle n'est plus physiquement maltraitée, sa vie ne sera pas de tout repos. Tout d'abord sa négritude fait peur, y compris chez les soeurs, et à la fin elle sera encore malmené par ses consoeurs sous prétexte de faire connaître son histoire.
J'avoue avoir été beaucoup plus touché par la fin du livre et les dernières tribulations de Bakhita à un âge avancé, j'ai été choqué par le manque de considération dont elle a été victime, ne serait ce qu'en tant que vieille femme.

Maintenant j'ai tout de même un bémol sur la manière dont le récit est mené. J'avoue avoir été assez déçue par le choix de l'auteur.
J'avais déjà lu plusieurs romans de Véronique Olmi qui m'avaient tous touché et pris aux tripes.
Là, malheureusement je suis restée assez "indifférente", le ton du livre ne m'a pas plu et j'ai trouvé que l'auteur ne s'engageait pas tellement dans cette histoire, je me suis retrouvée simplement observatrice d'une histoire hors du commun qui aurait dû me donner des papillons dans le ventre.
Dans l'ensemble j'ai l'impression d'être passé à côté de ce livre.

Que cela ne vous empêche pas de lire ce livre qui est en revanche très facile, car autour de moi il a plutôt été largement apprécié.

Albin Michel, 455 pages.

vendredi 3 novembre 2017

"L'homme nu" de Marc Dugain et Christophe Labbé


PRIX LYCEEN "LIRE L'ÉCONOMIE" 2016

Dans cet essai les auteurs tentent de nous faire peur ! "1984" ça y est c'est là et nous sommes foutus.
L'homo sapiens est mort, vive l'homo numericus !!

Bon, bon, un peu de nuance s'il vous plait.
Il y a beaucoup de choses intéressantes dans ce livre et peut être un peu d'exagération, mais cela dit parfois cela fait du bien d'exagérer un peu pour prendre conscience des choses et essayer de doser un peu mieux.
Certes certaines grandes entreprises savent tout de nous, les gouvernements nous espionnent (pour notre sécurité et protection?), nous nous livrons totalement sur internet et n'avons plus que de (faux)amis Facebook (mouais...), nous sommes épiés, surveillés, monitorés...
Il y a sûrement beaucoup de vrai, et puis il y a aussi les progrès qui nous permettent une vie plus agréable, plus longue, plus facile...

Bon entre le complot, la vie éternelle, les objets connectés nous devrions être capables de faire la part des choses.

Cela dit apprendre que tous les employés de Google, Apple, Yahoo et autres grands groupes mettent leurs enfants dans des écoles "déconnectées" ça laisse un peu rêveur malgré tout... pendant que nous, nous trouvons merveilleux de voir nos petits de quelques mois à peine si habiles avec smartphones et tablettes...

Bref, lecture très intéressante malgré le manque total évident d'objectivité des auteurs.
Lecture que je donnerai à mon ado, non pour lui faire peur mais plutôt prendre conscience des risques.

PLON, 320 pages.