Les voilà à plus de 4000 m d’altitude dans une nature sauvage, aride, gelée mais tellement vivante. Vivante de tous ces animaux qui déambulent à peu près librement -malheureusement les braconniers font tout de même partis de cette réalité.
Il y a des gazelles, des ânes sauvages, des renards, des loups, des yacks, des kiangs, des pikas, des chirous, des chèvres bleues, de multiples oiseaux du plus petit au plus gigantesque tels les vautours et aigles royaux…
Partir en hiver, car c’est l’hiver que les panthères sont en rut, qu’elles sortent, qu’on a une chance de les apercevoir…
Le plaisir est presque plus dans l’attente, l’attente décuple la joie du moment de l’apparition.
Un livre qui parle de montagne, d’animaux, de contemplation, d’attente, de patience, de philosophie : la vie.
Que fait l’homme, quelles traces laisse-t-il ? Un livre pour ouvrir les yeux ?
Il y a l’aventure physique, géographique mais aussi cette aventure du questionnement sur l’humain, la vie.
Une très belle analyse de l’Homme en tant qu’être humain qui veut tout et son contraire, qui est un éternel insatisfait, lui-même ne se met pas en dehors de cet être humain là, ce n’est pas un jugement des autres mais bien de la nature humaine.
Une critique qui à lire aujourd’hui, au moment où nous vivons le confinement, est assez intéressante. En espérant que notre mémoire ne nous joue pas de mauvais tour à la sortie de cette crise….
Un livre court, mais dense, très dense.
Ce fut pour moi un voyage lent, progressif, j’ai pris le temps de relire des phrases entières, plusieurs fois.
D’en recopier…parce que la langue est belle, finement maniée, utilisée.
Je découvre cet auteur avec son écriture si belle et si simple à la fois ; le vocabulaire est précis, imagé, il sait stimuler notre imaginaire, on voit, ressent, entend…. On y est !
C’est un livre qui pendant sa lecture m’en a remémoré de très beaux, tel « Voyage d’une parisienne à Lhassa » de l’extraordinaire Alexandra David-Néel, ou encore « Sur les pas d’Alexandra… », le très beau « Funérailles célestes » de XinRan ainsi que le récit de Paolo Cognetti « Sans jamais atteindre le sommet ». Tous ces livres qui nous font voyager dans le monde et près de nos âmes.
"L'affût est un pari : on part vers les bêtes, on risque l'échec."
"la montagne était immobile, l'air pur, l'horizon vide. D'où un troupeau aurait-il débouché ? "
"Il célébrait la grâce du loup, l'élégance de la grue, la perfection de l'ours. Ses photos appartenaient à l'art, pas à la mathématique. "
"...je m'étais dit qu'il était fort dommage d'affubler du même nom de chasseur l'homme éventrant le mammouth d'un coup d'épieu et le monsieur à double menton distribuant sa volée de plombs à un faisan obèse, entre le cognac et le chaource. "
"On pouvait d'échiner à explorer le monde et passer à côté du vivant."
"Alors l'inétendu s'étendit, l'ineffable connut le décompte, l'immuable s'articula, l'indifférencié prit des visages multiples, l'obscur s'illumina. Ce fut la rupture. Fin de l'Unicité !"
"Avec Munier je commençais à saisir que la contemplation des bêtes vous projette devant votre reflet inversé."
"...l'une des traces du passage de l'homme sur la Terre aura été sa capacité à faire place nette."
" C'étaient des totems envoyés dans les âges. Ils étaient lourds, puissants, silencieux, immobiles : si peu modernes ! Ils n'avaient pas évolué, ils ne s'étaient pas croisés. Les mêmes instincts les guidaient depuis des millions d'années, les mêmes gènes encodaient leurs désirs. Ils se maintenaient contre le vent, contre la pente, contre le mélange, contre toute évolution. Ils demeuraient purs, car stables. C'étaient les vaisseaux du temps arrêté. La Préhistoire pleurait et chacune de ses larmes était un yack. Leurs ombres disaient : "Nous sommes d'ici et de toujours. Vous êtes de la culture, plastiques et instables, vous innovez sans cesse, où vous dirigez-vous ?""
"Aussitôt que nous l'apercevions [la bête], une paix montait en nous, un saisissement nous électrisait. L'excitation et la plénitude, sentiments contradictoires."
" Le cheminot défend le cheminot. L'homme se préoccupe de l'homme. L'humanisme est un syndicalisme comme un autre."Gallimard, 167 pages. Octobre 2019.
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