Cinq dans tes yeux c’est la phrase pour contrer le mauvais sort, mais c’est aussi Nordine, Ichem, Kassim, Djamel et Ange vu au travers des yeux de Stress ; les copains du quartier Le Panier derrière le Vieux Port à Marseille.
Le souvenir de ses années galères qui sont aussi les belles années. Les places du quartier sont occupées par une bande, chacune a son rôle.
On boit des bières, on fume des joints, on pique au Monop, on s’embrouille, et puis la plage, les filles, les petits blancs bien propres... C’est tout un monde dans lequel on plonge, un monde dont on a trop souvent entendu parler aux infos, un monde critiqué, dénigré ; mais là dans les yeux de Stress le cœur se ramolli et la tendresse dégouline, et on les aime tout ces durs à cuire, on s’attache.
Stress vieilli, il tente de gagner sa vie en tant que cinéaste- réalisateur mais ce sont surtout des films de mariage d’Arabes qu’il fait, pourtant il a un beau projet, un docu sur son quartier, Le Panier avant la gentrification, avant l’arrivée des « venants ».
Il n’a pas croisé ses anciens potes depuis de nombreuses années, malheureusement les chemins se sont séparés, pour certains c’est la boue…. pas facile de s’en sortir lorsqu’on n’a pas le bac et surtout appris à trainer sur sa mobylette, clope au bec, musique à fond dans les oreilles
Hadrien Bels nous emmène dans ces vieux quartiers de Marseille où il a grandi, il nous fait découvrir un autre monde avec sincérité et humilité.
La langue est vive, drôle et touchante, il sait jouer avec les mots et les phrases. Certains dialogues sont à mourir de rire et il y a de très très beaux passages.
Je voulais vous partager les deux dernières pages ici mais finalement je préfère que vous alliez les lire directement dans le livre, ce sont deux pages d’une magnifique déclaration d’amour, que j’ai lu et relu, deux pages qui m’ont émue, deux pages qui donnent toute sa puissance à ce premier roman très réussi. (bon après réflexion je vais les écrire tout en bas de l'article, mais vraiment lisez-le livre ! )
"Derrière Saint-Charles, c'est la gare routière et ses bus qui giclent vers l'arrière-pays toutes les quinze minutes. Sur le chemin, deux snacks avec des cordons-bleus qui tirent la langue et des croque-monsieur qui font pitié. Plus bas, des associations africaines : rideau blanc, lumière au néon, affiches de concerts de soukouss, chaises et tables en plastique."
"- Et sinon, tu as avancé sur ton projet ? - Plus ou moins... Surtout dans ma tête. Je déteste ce que je viens de dire. Jérémy débarque, un dossier à la main. - Salut, désolé, j'ai un peu de retard. Il me tend une main large et molle. Un courant d'air me fait goûter son odeur aigre. Puis, en levant le bras : - Aziz, tu me mets un café s'il te plaît ? Comme s'il était chez lui. - Alors c'est toi, Stress ?