Je me suis beaucoup interrogée sur les articles que je souhaite écrire, les livres dont je veux parler.

Dois-je faire un article pour chaque livre ? Ou uniquement ceux qui m'ont vraiment plu ?

La réponse je l'ai trouvé en pensant à mon club de lecture ; nous y sommes pour parler de tous les livres que nous lisons, pour échanger, discuter, alors comme l'idée est de faire un peu pareil ici, j'ai décidé de tout mettre. Il y aura donc des articles courts, des plus longs, des passionnés et des plus ternes. Certains vous donneront peut-être envie de lire le livre concerné, d'autres vous donneront peut-être envie de me convaincre...

Alors soyez indulgents, et surtout n'hésitez plus à faire un commentaire !

Au plaisir de (vous) lire.

mardi 10 octobre 2017

❤️❤️ "Le Jour d'avant" de Sorj Chalandon


"Alors j'ai gravé le nom de mon frère dans ma tête, dans mon ventre et dans mon coeur, entre deux autres camarades tombés."
 "Michel, venge nous de la mine"

27 décembre 1974, c'est la date de la catastrophe de Liévin où 42 mineurs ont perdu la vie.
Ce jour-là Michel a perdu son frère, et toute sa vie il attendra le moment de se venger, de venger son frère, pour lui, pour son père qui le lui a demandé en lui laissant une dernière lettre, pour sa mère qui a fini sa vie bien seule.

Un an après la catastrophe Michel a quitté sa région du Nord, les mines, les corons, il est parti à Paris où il devient mécanicien puis chauffeur routier. Il rencontre Cécile, l'aime, l'épouse et l'accompagne jusqu'au bout.
Et lorsqu'il est à nouveau seul il retourne enfin au pays, 40 ans après, pour accomplir sa vengeance, qu'il attend et prépare depuis de si longues années.

C'est tout ce que je peux résumer de la première partie du livre et ne peux malheureusement pas en dire beaucoup plus sur la deuxième partie sans trop en dévoiler. Simplement il y a bien deux parties distinctes dans le roman. Un avant et un après, l'un qui peut-être explique l'autre.

Sorj Chalandon nous surprend encore une fois, il sait se renouveler tout en gardant une signature bien à lui.
Dans ce roman il nous emmène dans le nord, dans les bassins houillers, au fond des mines et de la misère, on vit la poussière qui colle partout, le noir sous les ongles, le cliquètement, le souffle, on apprend la mine, on apprend la peur.
Mais il y a aussi toute la dimension psychologique de Michel, de sa culpabilité, de cette vengeance à laquelle il tient plus que tout.
Une force de narration toujours aussi présente, avec quelques passages tout à fait incroyable, et qui nous touche au plus profond par l'écriture, le phrasé, le sens.

J'ai particulièrement aimé le chapitre qui raconte l'évènement, la catastrophe, c'est comme le temps qui passe au ralenti, on voit, on comprend ce qu'il se passe mais on ne peut rien y faire... On lit sur les visages des femmes du coron l'inéluctable.
Et lors du procès, autant le réquisitoire du procureur général qu'ensuite celui de l'avocate de la défense nous mette dans le vrai, dans le questionnement, dans le pourquoi, tente de nous expliquer l'inexplicable.

Sorj Chalandon avec brio réussit à faire parler les "oubliés", c'est beau, c'est dur, c'est fort.

Et grâce à lui j'ai réécouté "les corons" de Pierre Bachelet, et "Jojo" de Jacques Brel, et j'ai relu des passages de "Germinal", et je suis allée découvrir des photos de mines, des sites pour comprendre leur fonctionnement, j'aime ses livres qui me poussent hors de leurs pages pour aller plus loin, découvrir encore plus.
"Pour la première fois je me lavais, je me lavais vraiment. Je me lavais de tout. De Dravelle, de sa couverture rance, des menottes douloureuses, de l'attente infinie sur les bancs, du regard des policiers, de la lumière blanche du palais de justice, du tunnel de briques, des silences de ma juge, du regards de mon avocate et de son sourire. Je me lavais de la fosse 3bis, du souffle des chevalements, du 27 décembre 1974, des dizaines de cercueils alignés. Je me lavais du pain d'alouette. Je me lavais du mépris des Houillères, de ma colère, de ma haine de vie. Je me lavais de Liévin, de Paris, de ces rues sans Cécile, des mes jours privés d'elle. [...] Je nettoyais mon crime à pleine eau. Ma honte. Je disais adieu au charbon. Aux victimes de mon effroi. Aux morts, mon frère, mon père, ma mère, aux miens. Et aussi aux survivants, qui ne soupçonnaient rien. Je lavais mon âme tout entière, à l'eau tiède d'une mauvaise douche de prison."
Grasset, 336 pages.

1 commentaire:

  1. Et bien la c'est toi qui m'a convaincue ! De le lire ! Bon en attendant c'est dans ma liste ! hahaha

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