Je me suis beaucoup interrogée sur les articles que je souhaite écrire, les livres dont je veux parler.

Dois-je faire un article pour chaque livre ? Ou uniquement ceux qui m'ont vraiment plu ?

La réponse je l'ai trouvé en pensant à mon club de lecture ; nous y sommes pour parler de tous les livres que nous lisons, pour échanger, discuter, alors comme l'idée est de faire un peu pareil ici, j'ai décidé de tout mettre. Il y aura donc des articles courts, des plus longs, des passionnés et des plus ternes. Certains vous donneront peut-être envie de lire le livre concerné, d'autres vous donneront peut-être envie de me convaincre...

Alors soyez indulgents, et surtout n'hésitez plus à faire un commentaire !

Au plaisir de (vous) lire.

mercredi 14 février 2018

"L'amour après" de Marceline Loridan-Ivens avec Judith Perrignon


"Je me fous de mon âge. Ce sont les images de ma jeunesse qui m'affolent. J'ai vu la mort déjà. Des images trop nettes, des corps et des corps. Je sais qu'on meurt seul. Et je n'ai jamais compris pourquoi les yeux restent ouverts."

Marceline ne voit presque plus rien, elle a 89 ans et à défaut d'explorer le monde elle explore son appartement et retrouve une vieille valise qu'elle n'avait plus ouverte depuis de très (trop) nombreuses années.
Elle l'appelle sa "valise d'amour", et la (re)découvre avec nous ; retrouvant des lettres, des petits mots, qui la font voyager dans le temps au gré de ces histoires d'amour.

J'avais découvert Marceline Loridan-Ivens en juillet 2016 avec son magnifique récit sur sa déportation avec son père. Ce livre m'avait bouleversé tant son écriture était vraie, puissante, troublante ("Et tu n'es pas revenu").

Elle renoue ici avec un court récit, un peu différent, peut être un peu moins puissant mais avec malgré tout certains passages extrêmement forts et saisissants.

Je ne suis pas certaine qu'il soit vraiment sujet de l'amour après, c'est à dire après la déportation, mais plutôt de ses histoires d'amour, de sa façon à elle de pouvoir aimer ou pas, de qui pouvoir aimer, et comment.
C'est une femme blessée, meurtrie, cassée, qui a découvert le corps, la nudité, dans l'humiliation et la violence dans les camps de concentration, il faut donc tout réapprendre.
Elle le dit elle-même, sa manière de vivre "l'amour" diffère des autres femmes qui ont vécu la même chose qu'elle ; chacune sa façon de réagir, de vivre, de ressentir.

Pour moi derrière l'amour, il y a surtout l'attachement avec la confiance, et puis il y a une furieuse envie de vivre, de combattre la mort vécue si fort, si jeune.
"Francis est mort il y a quelques années maintenant, sans avoir trouvé la paix. L'ai-je trouvé moi ? Non, je ne la cherche pas, elle ne viendra pas, elle m'est impossible. Seuls comptent la quête, le mouvement, le sens. Et j'ai su jalonner ma vie de gens et de combats qui m'apaisent." 
Un récit pas toujours facile à lire dans sa construction, elle s'adresse à nous, puis à une tierce personne ou nous lit un morceau de lettre mais c'est court, on avance vite.
Si il n'y en avait qu'un à lire je recommanderais plutôt "Et tu n'es pas revenu".
"Et subitement je réalise qu'il manque quelque chose. Dans toutes ces lettres, il n'est jamais question de ma déportation. Je n'en parle pas et les autres non plus."
"J'ai décliné plusieurs demandes, je vivais des histoires en sachant que je n'irais pas au bout, je faisais l'amour librement mais sans ressentir plus que la première fois, il n'y avait pas non plus de distorsion en moi, pas de peur, mon corps restait secondaire, il se conformait à ce que l'on attendait de lui, tandis que ma tête rêvait d'un prince charmant et se disait, en l'attendant : s'offrir c'est désobéir."
"Il m'a fallu du temps pour comprendre que le plaisir vient du fantasme, puis de l'abandon. J'avais peur de l'abandon, c'était l'une des pires choses au camp, se relâcher, abandonner la lutte de chaque jour, flirter avec volupté vers l'idée que tout vous est égal, et devenir une loque qui n'attend plus que la mise à mort. Il m'a fallu faire taire la mauvaise voix en moi, celle qui parle la langue du camp, qui est chargée de son inhumanité, qui nous dédouble sans cesse, moi et bien d'autres qui ont connu le même sort."
"Je remets la lettre à l'intérieur. Autant qu'elle y reste, que la survivante que j'ai réchauffée de ma vie, de mes amours, de mes voyages, reste là entre les pages, le visage crispé de peine, les livres sont fait pour ça, nous empêcher d'oublier."
"Comment dire à un homme : surtout ne pas se jeter sur moi, j'aime pas me déshabiller, j'aime pas me laver, j'ai toujours pris sur moi, la sexualité m'importe et en même temps je m'en fous. Comment dire ce que soi-même on peine à comprendre ?"
Grasset, 157 pages.

2 commentaires:

  1. Je suis en plein dedans, pour le moment j'aime et l'écriture est belle ... j'avais hésité avec "et tu es revenu" que je lirai sans doute après ...

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    1. Oh oui il faut que tu lises l’autre il est encore mieux !!!

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