Pierre Souchon est journaliste pour "Le Monde diplomatique" et "L'Humanité", avec "encore vivant" il écrit son premier livre qui est un récit autobiographique au cours duquel il nous raconte sa maladie.
En effet Pierre Souchon découvre vers 20 ans qu'il souffre de bipolarité, un diagnostic qu'il lui faudra reconnaitre, admettre, accepter afin de pouvoir vivre avec, vivre malgré.
Il vient de trouver un nouveau travail, s'est marié il y a quelques mois avec Garance issue d'une famille bourgeoise parisienne, mais tout bascule, il vit une phase maniaque intense au bout de laquelle il est récupéré à moitié nu en haut de la statue de Jean Jaurès mangeant du buis...
Hospitalisé en psychiatrie il aura de nombreuses visites de son père au cours desquelles il pourra évoquer son passé, ses origines cévenols paysannes, revenir sur les possibles raisons de son mal-être, enfin accepter sa maladie, son traitement.
En nous racontant cette hospitalisation, Pierre Souchon revient sur les débuts de sa maladie, les premières crises, la première hospitalisation, la peur de ce monde (de) fou. Et comment il est arrivé à enterrer son passé pour pouvoir avancer dans sa vie à lui.
Certes une fragilité génétique est largement reconnue dans les causes de la bipolarité, mais il y a aussi des "déclencheurs", et notamment pour Pierre Souchon, on comprendra qu'en plus des "declencheurs" classiques le secret, le poids du secret, a eu un impact énorme sur son histoire.
Il nous replonge dans la condition paysanne, le pays cévennol, son enfance où l'on parlait encore l'occitan, ses grands-parents qui ont eu la vie si dure...
Un premier livre vraiment très réussi. Pierre Souchon étant journaliste, il écrit depuis longtemps mais son besoin était d'écrire un livre, il l'a fait et très bien fait. Il manie la langue brillamment. Que ce soit à l'HP ou dans les châtaigneraies cévenols, il nous transporte avec tact et finesse.
Il y a aussi de la violence, parce que ce qu'il vit, ce qu'il ressent est violent, mais c'est un magnifique plaidoyer pour ces malades et leurs symptômes pas tout à fait comme les autres, lorsque le symptôme touche l'humeur, le comportement, nous autre avons tendance à "juger".... comme il l'explique très bien lorsqu'il parle des visites qu'il n'a pas reçu de sa famille et de ses amis alors qu'il était hospitalisé et toutes celles que sa soeur a eu pour une intervention sur un organe, une maladie avec de "vrais" symptômes; toute la nuance du jugement.
J'ai aimé sa manière de se livrer, sans retenu, simplement, j'ai aimé la relation avec le père, douce et tendre, complice. J'ai aimé sa sincérité, sa franchise.
« - Il faut jamais se vanter, Chichi. Il faut être humble. Tu sais d'où ça vient, "humble" ? - Non ? - De humus, la terre. Comme nous. »
« C'est très intéressant, les bibles. La charité, l'attention, l'amour de son prochain, dedans c'est tout expliqué, et le prochain peut méditer dans son asile, parfois pendant trente ans, ça laisse un peu de temps. »
« La famille Claudel, de nouveau, vide un de ses membres à l'asile. Comme ce catholique clan confit de bourgeoisie avait condamné les fulgurances et les transgressions amours d'une artiste, la laissant agoniser de faim au bout de la longue nuit de l'internement, le voici, un siècle plus tard dressé tout entier pour détruire jusqu'à la trace d'un aliéné qui avait espéré, le temps d'une noce, s'incorporer dans leur sainte trinité - vanité des vanités ! Et que crève la différence, au fond d'une piaule dénudée ou au bout d'une corde, pourvu que l'honneur de la tribu soit préservé. »La brune au rouergue, 248 pages.
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