Je me suis beaucoup interrogée sur les articles que je souhaite écrire, les livres dont je veux parler.

Dois-je faire un article pour chaque livre ? Ou uniquement ceux qui m'ont vraiment plu ?

La réponse je l'ai trouvé en pensant à mon club de lecture ; nous y sommes pour parler de tous les livres que nous lisons, pour échanger, discuter, alors comme l'idée est de faire un peu pareil ici, j'ai décidé de tout mettre. Il y aura donc des articles courts, des plus longs, des passionnés et des plus ternes. Certains vous donneront peut-être envie de lire le livre concerné, d'autres vous donneront peut-être envie de me convaincre...

Alors soyez indulgents, et surtout n'hésitez plus à faire un commentaire !

Au plaisir de (vous) lire.

jeudi 5 septembre 2019

❤️ "Rouge Impératrice" de Léonora Miano



Nous sommes en 2124, le Katiopa unifié regroupe 9 régions d'Afrique, à priori donc une très grande partie du continent. C'est un État qui s'est formé en agrégeant les anciennes nations coloniales.
Cet État est fermé au reste du monde avec très peu d'ouverture au niveau des frontières, et aucun échange commercial, il s'autosuffit.
C'est un pays moderne tout en étant respectueux de sa terre, avec une conscience écologique développée.
Le mokenzi (président) du Katiopa se nomme Ilunga, il a été choisi par ses pairs ; il est marié à  Seshamani avec qui il a un fils.
Au début de l'histoire Ilunga rencontre Boya, une jeune femme "rouge" qui tout de suite exerce un pouvoir d'attraction très fort sur lui, sans qu'elle ne le sache.
Boya vit dans le quartier de "Vieux Pays", elle est universitaire, se bat pour la cause des femmes et fait des recherches sur les fulasi, cette petite communauté en marge de la société katiopienne.
A savoir que les fulasi sont des français qui ont émigré en Afrique après que le Pongo (l'Europe) n'ai pas réussi à assimiler la vague migratoire venant d'Afrique.

Voilà pour planter un peu le décor.
Beaucoup de choses vont se jouer à partir du moment où Ilunga va rencontrer Boya car non seulement ils vont vivre une magnifique histoire d'amour mais elle va influer sur la vie politique du pays, sur des enjeux importants concernant notamment ce groupe communautaire que sont les fulasis, et bien entendu ce n'est pas au goût de tout le monde.

Moi qui n'avais pas spécialement aimé le seul autre roman lu de cet auteur (Crépuscule du tourment), je suis là sans voix, car j'ai tout aimé malgré un démarrage un peu compliqué.
Ce livre est d'une force, d'une puissance incroyable, il y a tellement, tellement de choses que l'on pourrait en parler pendant des heures. Je vais tenter d'être le plus concise possible.

On retrouve beaucoup de thèmes déjà présents dans "Crépuscule du tourment" mais traité avec moins de colère (c'est mon ressenti).
Il y a toute une réflexion sur le colonialisme et ses conséquences sur l'Afrique, et ce qui a amené à la création de ce nouvel État ; mais aussi sur la gestion de l'Europe, et donc des anciens colonisateurs, des vagues migratoires venues d'Afrique. Une analyse (de notre monde actuel) de notre société qui amène à la chute de l'Europe et au développement du continent Africain.
Il est question d'identité, d'ancêtres, d'âmes, de culture, tout ceci teinté de magie noire et de sciences occultes.
On trouve aussi une grande part de féminisme dans ce roman, avec des femmes qui se prennent en charge, qui sont autonomes, maitresses de leur corps et de leurs désirs, il y a beaucoup de sensualité, de beauté.

C'est un gros roman, un pavé comme on dit, mais il ne faut pas avoir peur, car c'est un livre qui vous emmène dans un autre monde, un futur possible ; c'est une histoire magnifique, pleine de sensibilité, d'une très grande intelligence.
J'ai aimé, j'ai adoré, je garde près de moi Ilunga et Boya ce couple intense, solide, infaillible, un couple modèle d'écoute et de respect.

Bref je ne peux que vous recommander cette lecture, et pour finir de vous convaincre écouter Léonora Miano parler de son livre, c'est encore elle qui le fait le mieux 😊
https://www.youtube.com/watch?time_continue=258&v=-FjyK9hDXf4

Merci @NetGalleyFrance et aux Éditions Grasset pour la découverte de ce roman.
"Une déficience spirituelle les empêchait de comprendre une loi élémentaire : ce n'était pas parce qu'il était possible de réaliser certaines choses qu'elles devaient être mises en oeuvre."
"Il y avait d'ailleurs une hypocrisie à prétendre se soucier de la planète quand on s'inquiétait surtout pour la survie des humains. La Terre s'adapterait à toutes les mutations, aux ères géologiques encore inconnues..."
"Le sujet qui les occupait , il voulait y insister, n'était donc pas celui d'une éventuelle menace fulasi. La question était de savoir si on avait fait la paix avec la part de fulasi et, par extension, de Pongo à l'intérieur de soi. Il me semble que le problème est là, dans notre capacité à accepter que ce fameux nous-mêmes à défendre et à élever, se soit formé dans le contact avec les agresseurs d'hier, dans le long frottement des peaux et des cultures. En prenant le pouvoir, l'Alliance avait renommé le Continent pour témoigner de la conscience de soi retrouvée."
"Que l'on se soit choisi un nom ne suffisait pas à effacer les faits : nous-mêmes était encore constitué d'une part significative de Pongo. La manière dont on traitait les évadés du pays fulasi révélait le confort ou l'intranquillité dans lesquels on se trouvait pour affronter cette vérité : qu'ils étaient des membres de la même famille. [...] Il répondrait que telle avait été l'origine du Sinistre : le refus de cette autre présence à l'intérieur de soi, la résistance aux transformations qui s'étaient produites aussitôt que l'on avait posé les yeux sur l'autre, avant de le toucher."
Grasset, 608 pages.

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