"Car la lecture est un singulier dialogue qui ne rêve que de pluriel, celui du désir incandescent d'échanger, de partager et de confronter ses impressions de lecture, de les dire aux autres et au monde, un désir puissant de faire circuler les oeuvres et de donner aux mots aimés l'écho le plus long et le plus lointain possible" Manuel Hirbec pour "Page"
Je me suis beaucoup interrogée sur les articles que je souhaite écrire, les livres dont je veux parler.
Dois-je faire un article pour chaque livre ? Ou uniquement ceux qui m'ont vraiment plu ?
La réponse je l'ai trouvé en pensant à mon club de lecture ; nous y sommes pour parler de tous les livres que nous lisons, pour échanger, discuter, alors comme l'idée est de faire un peu pareil ici, j'ai décidé de tout mettre. Il y aura donc des articles courts, des plus longs, des passionnés et des plus ternes. Certains vous donneront peut-être envie de lire le livre concerné, d'autres vous donneront peut-être envie de me convaincre...
Alors soyez indulgents, et surtout n'hésitez plus à faire un commentaire !
Au plaisir de (vous) lire.
mercredi 14 décembre 2016
❤️ "Landfall" de Ellen Urbani
2005, l'ouragan Katrina vient de frapper la Nouvelle-Orléans, Rose et sa mère Gertrude (qui l'a élevée seule) partent de Tuscaloosa pour apporter des vêtements et des produits de première nécessité aux victimes, mais en chemin c'est l'accident, Gertrude meurt ainsi qu'une jeune fille noire fauchée au passage, Rosy.
Rose n'aura de cesse de "ramener" Rosy à sa famille, et de comprendre ce qu'elle faisait sur cette route à des centaines de kilomètres de chez elle avec dans sa poche un papier très intrigant.
Sans savoir pourquoi, Rose se sent proche de Rosy, elle veut la connaître, la découvrir, la comprendre.
En alternant les chapitres avec les deux jeunes filles Ellen Urbani nous raconte leurs histoires.
Elle nous fait vivre l'arrivée de Katrina, le chaos, pendant et après.
C'est un premier roman d'une grande puissance, très fort. Les personnages sont attachants, on souffre avec eux, on tremble, les moments de joie sont rares, les vies sont difficiles. Deux mères célibataires élevant leurs filles du mieux qu'elles peuvent, avec leurs moyens, leur force et leur amour...
Très beau, très belle réussite, auteur à suivre.
Gallmeister, 304 pages.
lundi 12 décembre 2016
"Cannibales" de Régis Jauffret
vendredi 9 décembre 2016
❤️❤️ "Tout dort paisiblement, sauf l'amour" Claude Pujade-Renaud
Régine Olsen fut la fiancée de Soren Kiekergaard mais il rompit leurs fiançailles sans que vraiment elle ne comprit pourquoi; 15 ans plus tard Régine est l'épouse de Frederik Schlegel gouverneur aux antilles danoises, nous sommes en 1855 et elle apprend la mort de son ancien fiancé.
Cette annonce la trouble énormément et lui fait se poser beaucoup de questions sur cet homme qu'elle a tant aimé. De quoi avait-il peur ? Quel était ce secret de famille qui semblait beaucoup le perturber ? Y avait-il une malédiction sur sa famille ? Cet homme devenu un écrivain et philosophe reconnu mais pas toujours apprécié dans son pays prend beaucoup de place dans sa vie, elle va essayer de le comprendre, renouer avec sa famille, ses neveux et nièces.
Claude Pujade-Renaud, une fois de plus, nous emporte dans la vie d'un homme célèbre de manière douce et délicate, au travers des yeux d'une femme qu'il a aimé et à la voix de laquelle se rajoute celle de son époux, d'un neveu et d'une nièce.
Avec son écriture juste et belle l'auteur sait nous emmener dans son histoire, dans l'Histoire.
Elle m'avait déjà emportée dans "L'ombre de la lumière" (histoire de Saint Augustin au travers de la vie de celle qui fut sa femme, je recommande vivement...) et là encore ça fonctionne très bien, j'adore !
Kiekergaard : "avoir la patience de supporter l'impatience de la compassion" ...Actes Sud, 297 pages.
jeudi 8 décembre 2016
❤️❤️❤️ "Lettres à sa mère" de Antoine de Saint-Exupéry
Comme l'indique le titre, il s'agit des lettres écrites par Antoine de Saint-Exupéry à sa mère, de l'âge de dix ans jusqu'à sa disparition à 44 ans.
On y voit très bien l'évolution de son écriture au fil du temps, mais tout au long de ses lettres l'amour inconditionnel qu'il éprouve pour sa maman reste le même.
C'est très touchant.
Il lui dit tout, et surtout qu'il l'aime ; il reste jusqu'au bout un petit garçon avec une tendresse infinie pour sa maman. La complicité qu'il a, cette relation de confiance, c'est magnifique.
Sans être un(e) grand(e) écrivain(e), cela fait réfléchir à l'ère du numérique et le fait que nous n'écrivions plus de lettres manuscrites ; se dit-on les mêmes choses, les mêmes pensées en tapant sur un ordinateur (tablette, téléphone...) qu'en écrivant une lettre à la main ?
Il m'a fait me souvenir du plaisir de recevoir une lettre par la poste, de regarder l'enveloppe, le timbre, le cachet, d'ouvrir fiévreusement l'enveloppe et s'assoir avec un plaisir certain pour parcourir une longue lettre ; souvenirs d'enfance, petit bonheur oublié...
La dernière lettre est particulièrement touchante, celle écrite avant qu'il ne disparaisse et reçue par sa mère plus d'un an après ; lettre dans laquelle il lui redisait encore et toujours son amour, ce que cela a du être pour cette femme de la recevoir...
Folio, 240 pages.
mardi 6 décembre 2016
"Le dernier des nôtres" de Adélaïde de Clermont-Tonnerre
Werner est un séducteur qui collectionne les conquêtes, jusqu'à ce qu'il croise les chevilles de Rebecca dont il tombe éperdument amoureux, mais leur histoire pourra-t-elle se construire, exister ?
Rebecca est la fille unique d'un richissime homme d'affaire, une artiste, une "princesse".
Werner, on le comprend très vite, est né en 1945 à Dresde en Allemagne sous les bombardements ; il a été adopté par les Goodman et ne sait rien de son histoire, de son passé.
Adélaïde de Clermont-Tonnerre a construit son histoire en mêlant des chapitres du passé, et de l'histoire présente qui se déroule à partir de 1969. Petit à petit en revenant sur les années 1945, nous les lecteurs, nous comprenons d'où vient Werner et quelle est son histoire.
J'ai bien aimé ce roman qui une fois débuté nous entraine sur un rythme haletant, on veut, comme Werner, comprendre et savoir pourquoi, avoir les réponses à nos questions ; de même on a envie de savoir si cette histoire d'amour va être partagée, va pouvoir exister.
Malgré tout c'est un bon moment de lecture mais pas certaine que cela mérite un prix de l'Académie française.
jeudi 1 décembre 2016
"L'insouciance" de Karin Tuil
"Il y a quelque chose de très malsain qui est en train de se produire dans notre société, tout est vu à travers le prisme identitaire. On est assigné à ses origines quoi qu'on fasse. Essaye de sortir de ce schéma-là et on dira de toi que tu renies ce que tu es ; assume-le et on te reprochera ta grégarité."
vendredi 25 novembre 2016
❤️ "L'autre qu'on adorait" de Catherine Cusset
Voilà le contre-exemple de mon article précédent, c'est à dire que ce livre ne me faisait pas vraiment envie, les critiques entendues ne m'avaient pas convaincu, mais je me suis tout de même laissée tenter (vive les clubs de lecture !) et je ne le regrette absolument pas, je l'ai DE-VO-RÉ !
Catherine Cusset, dans ce roman, nous raconte l'histoire d'un de ses amis et ex-amant; comment un jeune homme brillant, avec un avenir non moins brillant devant lui, rate sa vie, et de manière répétitive, en enchainant les déconvenues amoureuses et professionnelles. Une longue descente vers l'enfer et l'inévitable... Malgré le soutien indéfectible de sa famille et de ses amis, une fois qu'il a mis le doigt dans la spirale infernale, il est très difficile d'en sortir.
En utilisant la deuxième personne du singulier, comme si elle écrivait une longue lettre, l'auteur nous autorise à entrer dans la vie de Thomas, elle le rend vivant, présent, comme si il était là à côté de nous. Elle nous permet de nous attacher à lui et de vivre avec lui l'enchaînement (à double sens) de sa vie.
Ce récit est puissant, fort, émouvant. Il parle de maladie, d'amour, de littérature, de dépression, d'amitié.
Gallimard, 304 pages.
mercredi 23 novembre 2016
"Chanson douce" de Leïla Slimani
Bon alors me voilà bien embêtée, perplexe, déçue ?!
J'ai beaucoup, beaucoup entendu parler de ce livre, le Goncourt 2016, et j'étais particulièrement impatiente de le lire, peut-être trop....
Pour mémoire, dès le début du livre on apprend que la nounou a tué les deux enfants dont elle avait la charge, puis le livre retrace l'histoire de l'arrivée de Louise (la nounou) dans la famille de Myriam, Paul, Mila et Adam.
Je m'attendais à découvrir l'évolution de la nounou, l'évolution des relations avec la famille, les parents et les enfants, découvrir que tout peut basculer sans que rien ne soit prévisible. Je m'attendais à un vrai thriller psychologique, un peu à du David Vann mais il n'y a aucune dynamique psychique...
Et là est peut-être ma déception, finalement j'ai trouvé que la nounou était "spécial" dès le début, lorsqu'on parle d'elle seule, sans la famille, on voit tout de suite qu'elle est timbrée et qu'elle n'a pas eu une vie facile sans pour autant que ça soit approfondi, poussé.
J'ai regretté qu'il n'y ai pas une réflexion plus avancée sur ce personnage. J'ai trouvé les parents inintéressants, je n'ai pas réussi à m'attacher, être empathique. Même les enfants je ne les ai pas trouvé attachant. C'est fade et ennuyeux, même l'écriture est ultra-décevante.
Bref je suis complètement passé à côté de ce livre à priori, pas réussi à retrouver tout ce que j'en avais entendu, et pour avoir lu pas mal de livres de la rentrée littéraire il me semble que d'autres auraient largement mieux mérité le prix Goncourt... mais ce n'est que mon opinion. Mais quand même lorsque l'on compare à l'écriture de Gaël Faye pour "Petit pays" ou le petit trésor littéraire de Elisa Shua Sapin pour "Hiver à Sokcho" on se demande quel est le vrai jeu/objectif de ce prix....
A bon entendeur...
lundi 21 novembre 2016
"Eclipses japonaises" de Éric Faye
Éric Faye connait bien le Japon, la Corée, l'Asie...
À partir de faits réels, il nous retrace dans la fiction l'histoire de ces japonais qui, à la fin des années 1970, se sont volatilisés du jour au lendemain, sans que rien ni personne ne comprenne pourquoi.
Jusqu'à ce qu'après un attentat visant un vol de la Korean airline une jeune nord-coréenne soit arrêtée et révèle de surprenantes choses...
Avec beaucoup de pudeur et de force Éric Faye nous fait vivre l'histoire de ses japonais de tous âges, devenus malgré eux des coréens "rouge" du nord.
Un fait historique dont je n'avais pas connaissance malgré mes presque 5 années passées au Japon et en Corée.
Comme quoi, une fois de plus, la lecture nous ouvre les yeux et nous apprend bien des choses.
Lecture rapide et facile que je recommande !
"Monsieur et Madame Rivaz" de Catherine Lovey
Il est des livres, des romans, dont il est difficile de parler, de faire passer le ressenti. C'est le cas de celui-ci pour moi. Tout au long de la lecture je me suis posée la question de savoir si ce livre me plaisait ou pas sans pour autant être capable de donner une réponse. On m'a fait remarquer que si je n'étais pas capable de savoir c'est que cela ne me plaisait pas, mais je n'en suis pas si certaine finalement.
Je crois que ce livre m'a "dé-rangé", déstabilisé. Ce qui n'est pas négatif, il me semble, bien au contraire.
Pour moi cela signifie que c'est un bon livre, parce qu'il a touché quelque chose en moi, m'a fait réfléchir, à différents niveaux. Et peut être que ce style très différent, auquel nous ne sommes pas/plus habitués, est justement quelque chose de bon, change nos habitudes de lecture, nous pousse dans nos retranchements.
Monsieur et Madame Rivaz viennent à la gare en personne afin d'informer les représentants d'une compagnie de voyage qu'ils ne partiront pas avec le groupe en croisière. La personne à qui ils s'adressent est notre narratrice. Cette rencontre va apporter quelque changement de "perspective" dans sa vie.
Elle a un emploi précaire, des "amis", un "amoureux" à l'hôpital...
Il y a énormément de thèmes abordés (trop ?), on y réfléchit sur nos "vieux", les maisons de retraite, les hôpitaux, les agences de voyage, le capitalisme, la mondialisation, les changements climatiques, la religion, la gestion des catastrophes par les pays pauvres/riches...
Presque chaque chapitre pourrait être lu indépendamment comme une nouvelle avec un thème différent, presque.....
Il y a un moment où c'est comme si c'était trop d'informations, et en même temps c'est ce qui fait tout le charme du livre.
Un ressenti très déstabilisant face à ses différents personnages, une narratrice finalement tellement seule, dans une solitude "entourée" ; un couple agé qui évolue comme si rien ne les atteignait, comme si le monde tournait autour d'eux sans les effleurer.
Alors un livre qui provoque des émotions, qui chamboule, qui perturbe... finalement ça donne quand même envie de le partager !!!
"Juste m'avait d'ailleurs dit qu'en s'attaquant à la diversité, c'était la racine même de la beauté qu'on arrachait..."
lundi 14 novembre 2016
❤️❤️ "Le bal mécanique" de Yannick Grannec
Le challenge est de vous donner envie de lire ce livre sans pour autant trop vous en dévoiler....
L'histoire est en deux parties ; la première se déroule aujourd'hui : Josh est producteur d'une émission de télé-réalité avec son épouse Vikkie, il tente de "raccommoder" des familles, son père, peintre et ancien alcoolique, vit en France à Saint-Paul-de-Vence.
La deuxième se passe au début du XXème siècle, principalement entre l'Allemagne et la Suisse ; Théo aime l'Art, la peinture, il évolue dans ce milieu entouré de ses amis peintres. Et il y a sa fille Magda, qui dessine et aime les couleurs et souhaiterait elle-aussi devenir quelqu'un.
Comment tous ses personnages sont-ils liés ? Et pourquoi ? À vous de le découvrir....
Après les mathématiques avec Kurt Gödel ("La déesse des petites victoires", que je recommande vivement), Yannick Grannec nous emmène dans le milieu artistique d'avant-guerre, on y croise Klee, Kadinsky, Lux et tant d'autres....
Une fois de plus avec sa belle plume de conteuse elle sait nous intéresser, nous happer et nous emmener dans son voyage.
J'ai énormément aimé ce livre, cette histoire. J'aime le style, le rythme, les personnages, et en particulier toute cette deuxième partie des années 20.
Une saga familiale où l'on découvre les "clés" petit à petit.
Une petite idée de la généalogie, de l'hérédité, celle qu'on ne soupçonne pas, qu'on ne connait pas.
Il y a aussi un court, très beau et fort passage sur la guerre - en Corée - en peu de mots elle nous fait vivre toute l'horreur de la guerre.
"Monter, attendre, tirer, survivre, attendre, descendre, attendre, remonter. Un ressac d'hommes charriant cadavres et ferrailles, violant jour après jour cette terre qui n'a plus rien de terrestre."
"Toi, dans ton trou, tu t'emmerdes tellement que tu pries pour qu'il se passe quelque chose, au moins quelque chose, même un truc terrifiant pour ne plus être ce sac de viande inutile. Qu'on en finisse, vite. Alors, tu t'occupes. Tu ne sais plus si tu trompes ta peur ou ton ennui. Tu comptes les nuages. Tu dessines les herbes dans ta tête. Tu ne penses pas à ce que tu étais avant. Surtout pas à ce que tu seras après. Après n'existe peut-être pas. N'existent qu'ici et maintenant et cette touffe d'herbe devant toi. Cette touffe d'herbe est tout ce qui subsiste de la beauté du monde. Tant que tu la regardes, tu es encore là."
Mon seul petit bémol tout de même est que dans la première partie il faut s'accrocher un tout petit peu, certains passages sont un poil trop longs, trop approfondis, ou peut-être juste ce qui m'intéresse moins.
Anne Carrière, 539 pages.
"La chanson de Roland"
vv.101-102 :
"Il n'est resté nul païen dans la ville
qui ne soit tué ou devenu chrétien"vv.1134 :
"Si vous mourrez, vous serez de saints martyrs"
En lançant son appel à la première croisade, le papa Urbain II avait laissé entendre que tous ceux qui mourraient comme "soldats du Christ" pourraient gagner la gloire du martyr....
mercredi 9 novembre 2016
"On n'est jamais à l'abri d'une bonne surprise" de Isabelle Minière
Martin est comptable ; après avoir été licencié il s'est installé à son compte mais n'a que très peu de clients. Il a du déménager dans un tout petit appartement. Il est seul, très seul, il n'a plus de famille, pas d'amis ni de femme de sa vie. Du coup il prend son temps pour vivre, fait chaque chose lentement, profite de chaque instant.
Ce petit roman simple nous parle de la solitude, de ce que c'est que de se lever le matin seul, de passer sa journée seul, sa soirée seul, en regardant les autres, sans avoir de conversation avec un autre être humain parfois pendant plusieurs jours.
L'auteur ne tombe pas dans le pathétique, c'est joliment écrit et malgré sa tristesse, Martin reste un homme positif, il garde espoir, cela le rend beaucoup plus attentif à ce qui l'entoure.
Il vit beaucoup dans et avec ses rêves, il se crée une seconde vie dans laquelle il a un peu plus de bonheur.
Ce livre n'est pas du tout déprimant, au contraire il donne envie de croire en l'Homme, en la possibilité d'un meilleur.
"Je parle à ma tristesse, oui, c'est ma seule compagnie."
"Beaucoup de riens en fait, comme dans la vie. Les petits riens de tous les jours. Et qui font le temps qui passe, qui font la vie. Des petits riens, des riens de taille moyenne et un grand rien."
"Comme moi, parfois, j'ai l'impression d'attendre ma date de péremption ; je ne sais pas où elle est inscrite, jusqu'à quand je suis consommable."
"La solitude, ce n'est pas d'être seul, c'est de n'exister pour personne."
mardi 8 novembre 2016
"Le mystère Henri Pick" de David Foenkinos
A Crozon, en Bretagne, Jean-Pierre Gourvec décide d'ouvrir un nouveau rayon dans sa bibliothèque, celui-ci n'accueillera que les livres refusés par les éditeurs et leurs auteurs devront venir les porter en main propre.
Quelques années plus tard, Delphine, éditrice chez Grasset, vient en vacances chez ses parents à Crozon avec son nouvel amoureux, Frederic, lui-même écrivain. Ensemble ils vont découvrir la bibliothèque des livres refusés et dénicher un manuscrit incroyable que Delphine va s'empresser de faire éditer.
Ce livre va devenir numéro un des ventes et bouleverser la vie de nombreuses personnes.
Je trouve l'idée de départ vraiment sympa et intéressante ; normalement il y a tout pour m'accrocher et me plaire ... mais c'est Foenkinos, et il gâche tout...
Voilà, je vais être directe, pas de surprise, je n'ai pas aimé.
J'ai trouvé cette lecture extrêmement pénible dans le style utilisé par Foenkinos. J'avais l'impression de l'avoir au-dessus de mon épaule pendant que je lisais et qu'il me demandait "c'est drôle, hein, c'est drôle !" Bah non c'est pas drôle, c'est lourd, très lourd, tellement lourd qu'on en a la nausée. Son texte est cousu de fil blanc, il utilise toutes les ficelles de l'écriture sans finesse, c'est bourré de poncifs, de clichés, les personnages secondaires sont pour certain comme un cheveu sur la soupe.
Les notes en bas de page sont puériles et dénuées d'intérêt.
"... il évoquait davantage l'histoire de la publication que le roman lui-même. Mais c'était une preuve tangible que notre époque mutait vers une domination totale de la forme sur le fond."Sans blague !
Bref, je suis fâchée parce que j'ai vraiment l'impression que l'auteur comme l'éditeur se sont moqués de leurs lecteurs.
vendredi 4 novembre 2016
❤️❤️ "La Vengeance des mères" de Jim Fergus
La suite tant attendue de "Mille femmes blanches" !!!
C'est la fin du XIXème siècle et le gouvernement américain lance dans le plus grand secret le programme Femmes Blanches pour les Indiens qui consiste à échanger mille femmes blanches contre mille chevaux avec notamment les tribus Cheyennes. L'idée étant "d'infiltrer" les tribus indiennes...
Dans ce deuxième tome nous retrouvons certains protagonistes du premier et de nouvelles femmes blanches arrivent dans la tribu... Ces femmes sont "volontaires", elles sortent de prison, d'asile de fous, ou de conditions personnelles dangereuses.
Mais la situation avec le gouvernement ne s'améliore pas, les troupes américaines ont pour mot d'ordre d'éliminer tous les "sauvages".
La vie dans les grandes plaines est faite de petits bonheurs et de beaucoup de dangers, comment s'habituer aux coutumes indiennes lorsque l'on vient de villes "civilisées" ?
Encore une fois Jim Fergus nous emporte dans son histoire sans nous laisser de côté, on chevauche de magnifiques mustangs, on parcourt les grandes prairies où l'on croise des bisons, on traverse des rivières, des forêts, on installe un campement, on se bat....
J'ai dévoré ce roman passionnant, comme le premier, bien écrit, parfaitement traduit.
Si vous aimez l'aventure et les grands espaces n'attendez plus et jetez vous dans le vent !!!
Le Cherche-Midi, 464 pages.
jeudi 3 novembre 2016
❤️❤️❤️ "Hiver à Sokcho" de Elisa Shua Dusapin
"Il est arrivé perdu dans un manteau de laine."Lui, c'est Yan Kerrand, un normand venu à Sokcho en pleine hiver. Il est auteur de bande-dessinée et cherche l'inspiration...
Elle, elle travaille dans la guest-house où il vient d'arriver. Elle est franco-coréenne, mais surtout coréenne. Elle a un petit ami qui ambitionne de devenir mannequin à Séoul. Sa mère travaille au port avec les pêcheurs.
Une relation particulière va s'installer entre Elle et Lui.
Ce roman, plutôt court, est typiquement un roman "d'ambiance" comme je les apprécie. Il rappelle un peu l'islandaise Audur Ava Olafsdottir (Rosa Candida, Le rouge vif de la rhubarbe) avec une écriture douce, poétique, des descriptions qui nous emmènent directement sur les lieux de l'histoire.
Elisa Shua Dusapin nous offre avec pudeur et simplicité des mots, des phrases, dont on se délecte.
Avec délicatesse elle nous permet de regarder l'évolution de nos deux personnages principaux, une relation un peu mystérieuse faite de frôlements, d'effleurements, de silence.
Il y a peu de dialogue et les phrases sont courtes et rythmées tout en évoluant avec grâce et légèreté et lenteur. Beaucoup de calme, d'observation. Une atmosphère intimiste.
Alors peut-être que le fait d'avoir vécu en Corée et de connaître Sokcho m'a permis d'être plus touchée, plus émue, mais j'ai beaucoup aimé ce livre, je m'y suis retrouvée et j'y ai surtout retrouvé une certaine Corée que j'ai aimé.
Je le recommande vivement, pour cette belle histoire et surtout cette écriture incroyable pour un premier roman. Impatiente de lire ce que nous proposera cette auteur par la suite.
mercredi 2 novembre 2016
❤️❤️❤️ "Désorientale" de Négar Djavadi
À travers l'histoire de la famille Sadr, Négar Djavadi nous retrace l'Histoire de l'Iran.
Kimiâ est dans la salle d'attente d'un célèbre hôpital parisien en attente d'une insémination artificielle et tout en attendant l'arrivée du médecin elle se remémore son enfance en Iran, auprès de ses parents, ses soeurs, ses (nombreux) oncles...
Elle remonte à la naissance de sa grand-mère Nour, fille du Khan Montazemolmok dans la province de Mazandaran. Nour est la trentième enfant du Khan et la seule à être née avec ses yeux bleus.
Des aller-retours dans le passé nous apprennent toutes les origines et mésaventures de la famille.
Le père, Darius, est un intellectuel révolutionnaire qui écrira une lettre ouverte au Shah et deviendra l'ennemi public numéro un avec sa femme Sara. Après l'arrivée des mollah au pouvoir la situation ne s'arrangera pas et la famille devra fuir le pays.
Avec une écriture très entrainante et beaucoup d'humour Négar Djavadi nous emporte dans son h(H)istoire.
Vous me direz - encore un livre sur l'Iran ! - il est vrai que ces derniers mois il y en a beaucoup, et jusqu'à présent en ce qui me concerne seulement d'auteurs féminins. Mais chaque livre, roman, histoire est différent tout en s'appuyant sur Celle de l'Iran.
Grâce à ses différents livres j'ai beaucoup appris sur ce pays, sur son peuple, sur la difficulté de se reconstruire après un immense espoir déçu, après un autre enfermement...
Je recommande encore et encore. Ce qu'on peut dire c'est que ces auteurs iraniennes savent manier le français avec brio et conter leur histoire.
Liana Lévi, 347 pages.
mercredi 26 octobre 2016
"La valse des arbres et du ciel" de Jean-Michel Guenassia
Mais en cette fin de XIXème siècle, le poids de la famille, le carcan dans lequel vivent les femmes, sont lourds, trop lourds pour Marguerite qui rêve d'autonomie, d'émancipation féminine, de liberté. On voudrait la marier au fils du pharmacien, on souhaiterait qu'elle reste bien sage dans son coin et remplisse son devoir d'épouse, de mère et de maitresse de maison...
Toutefois c'est sans compter sur l'amour qu'elle va découvrir avec Vincent (Van Gogh), cet homme discret, solide, travailleur, déterminé, venu se faire soigner par son père et dont les tableaux vont bouleverser Marguerite.
Dans ce roman JM Guenassia revisite la fin de la vie de Van Gogh avec de nouvelles informations qui, à priori, rendraient plus qu'improbable son suicide. Le "bon" docteur Gachet n'était finalement peut-être qu'un cupide profiteur et beaucoup de tableaux attribués à Van Gogh seraient des faux ou des copies.... Saurons-nous jamais démêler le vrai du faux, mais les questions soulevées sont plutôt intéressantes et méritent réflexion.
L'auteur utilise donc ces présomptions pour construire son histoire, aussi il intercale de nombreuses coupures de presse et des lettres de l'époque.
Marguerite est une jeune fille attachante, mais le personnage de Van Gogh est un peu terne, de manière générale les personnages manquent de profondeur, au bout du compte on a l'impression d'avoir survolé l'histoire et de ne pas avoir été aussi loin qu'on l'aurait souhaité... je suis restée sur ma faim même si j'ai bien aimé.
"La succession" de Jean-Paul Dubois
Paul, français, de nom grec (Katrakilis), d'origine russe vit à Miami où il pratique de manière professionnelle la cesta punta c'est à dire la pelote basque pour laquelle il s'est passionné étant enfant.
Il est issu d'une famille "spécial" avec un fonctionnement un peu scabreux et dont il aimerait ne pas recevoir tous les héritages.
Lorsque l'histoire démarre il ne lui reste plus que son père médecin en France ; mais après le décès de ce dernier, Paul va devoir rentrer et s'occuper de ses funérailles et de ses affaires, c'est ainsi qu'il va découvrir un père qu'il ne connaissait pas...
Dit comme ça l'idée de départ est plutôt intéressante et bonne, et en tout cas a eu un effet attractif sur moi.
Dans la première partie l'auteur nous pose les fondations de l'histoire avec beaucoup d'humour (noir et caustique), de l'absurde et de l'auto-dérision. On aime ... ou pas. Moi ça m'a plu !
Néanmoins vient ensuite une partie bien ennuyeuse et un peu longue sur la cesta punta, qui, il faut bien le dire, ne me passionne pas du tout. Et c'est seulement à la fin que la partie la plus intéressante sur le père (et certaines de ses pratiques) est abordée, de ce fait elle est bien trop courte et pas assez approfondie ce qui m'a gêné et manqué.
Donc, bilan mitigé pour ce livre, je ne peux pas chaleureusement le recommander mais je ne peux pas non plus dire qu'il ne faut pas le lire ! À vous de voir... (Sorry Françoise :))
lundi 10 octobre 2016
❤️❤️❤️ "Petit pays" de Gaël Faye
"Petit pays" est l'histoire de Gabriel, et avec lui celle du Burundi et du Rwanda.
Gabriel est né au Burundi d'un papa français et d'une maman réfugiée rwandaise, il vit à Bujumbura au Burundi et a 11 ans, lorsqu'en 1993, éclate la guerre au Rwanda avec le génocide des Tutsis.
Gaël Faye m'a totalement envouté par son écriture, son récit.
Il nous décrit une Afrique magnifique où l'on a envie de se précipiter pour siroter des fanta à l'ombre des magnolias ou des manguiers, tout en écoutant la musique des oiseaux et des insectes. Malheureusement petit à petit ces douces chansons sont remplacés par les bruits de kalachnikovs et des coups de machette.
Avec Gabriel on découvre un enfant qui ne veut pas quitter son monde pour entrer dans celui violent des adultes, un enfant qui voudrait fermer les yeux et ne pas voir, vivre l'horreur humaine. Un enfant qui voit s'effondrer sa famille, sa mère partie à la recherche d'éventuels survivants.
Et la guerre les rattrape, et il faut fuir le Burundi.
Le petit Gabriel devenu adulte revient en arrière au pays de son enfance, de l'innocence.
J'ai énormément aimé ce livre, son histoire, son style. L'auteur nous emporte dans son monde de poésie, de jolies mots et de belles phrases malgré un sujet difficile et douloureux.
Je recommande vivement !
"Tu causes, tu causes, mais je connais l'envers du décor, ici - quand tu vois la douceur des collines, je sais la misère de ceux qui les peuplent. Quand tu t'émerveilles de la beauté des lacs, je respire déjà le méthane qui dort sous les eaux. Tu as fui la quiétude de ta France pour trouver l'aventure en Afrique. Grand bien te fasse ! Moi je cherche la sécurité que je n'ai jamais eue, le confort d'élever mes enfants dans un pays où l'on ne craint pas de mourir parce qu'on est ..."
"A l'OCAF, les voisins étaient surtout des Rwandais qui avaient quitté leur pays pour échapper aux tueries, massacres, guerres, pogroms, épurations, destructions, incendies, mouches tsé-tsé, pillages, apartheids, viols, meurtres, règlements de comptes et que sais-je encore. Comme maman et sa famille, ils avaient fui ces problèmes et en avaient rencontré de nouveaux au Burundi - pauvreté, exclusion, quotas, xénophobie, rejets, boucs émissaires, dépression, mal du pays, nostalgie. Des problèmes de réfugiés."
"Et quand il riait, Alphonse, la joie repeignait les murs du petit salon de Mamie."
"Il était comme nous, comme moi, un simple enfant qui faisait comme il pouvait dans un monde qui ne lui donnait pas le choix."
"J'ai fini par accepter son état, par ne plus chercher en elle la mère que j'avais eu. Le génocide est une marée noire, ceux qui ne s'y sont pas noyés sont mazoutés à vie."
Grasset, 216 pages.
samedi 8 octobre 2016
"L'héritier" de Roselyne Durand-Ruel
Cette histoire, ce roman d'apprentissage, est celui de Sin Ming un jeune chinois de Shanghai qui à la fin des années 70 va quitter la Chine à la nage depuis Canton pour rejoindre Macau puis Hong Kong où son oncle Liu l'attend. Le père de Sin Ming a tout prévu, tout organisé pour que son fils puisse quitter ce pays où il n'a aucun avenir, il sacrifie sa famille afin qu'un seul puisse s'en sortir et peut-être plus tard les en sortir !
Sin Ming partira d'abord aux États-Unis afin de faire son éducation autant théorique que sociale. Après plusieurs années il retournera à Hong Kong où son oncle l'attend afin d'en faire son héritier, lui qui n'a pas eu d'enfant.
Mais pour Sin Ming tout ne sera pas si simple, tout en étant chinois et après avoir fait ses études en Occident, il a du mal à mêler, faire co-exister, ses deux cultures qui l'ont construit et façonné.
Un grand thème abordé dans ce roman est celui de "la Face" que les chinois doivent conserver et ne jamais perdre, ce qu'ils sont prêts à sacrifier pour "elle".
L'histoire est plutôt sympa et l'on suit la vie de Sin Ming avec intérêt, un peu comme un roman policier dont on devine assez rapidement la suite. L'écriture est pour moi assez inégale, avec de très bons passages et d'autres assez moyens.
Mais comme je viens d'arriver à Hong Kong j'y ai découvert beaucoup de choses intéressantes sur la Chine et son histoire, et plus particulièrement HK, c'était d'ailleurs la raison de l'achat de ce roman !
"Vi" de Kim Thuy
Lorsque Vi, "précieuse, minuscule", nait à Saigon, le 17ème parallèle sépare déjà le Vietnam Nord du Sud. Son père est issu d'une riche famille jouissant d'une vaste demeure mais la guerre de réunification va les déposséder et les obliger à fuir, en bateau.
Vi fuit son pays natal avec sa mère et ses frères, après un séjour dans un camp de Malaisie ils émigreront au Canada pour refaire leur vie.
Son frère ainé Long va prendre les choses en main et la place du père.
Mais Vi va s'occidentaliser et vivre à "sa" manière, ce qui ne plaira pas toujours à sa famille.
Dans des chapitres très courts et en nous faisant parcourir le monde, Kim Thuy nous emmène sur les eaux tranquilles de la vie de Vi.
Son écriture est toujours aussi douce, calme, bien que ce qu'elle nous raconte ne le soit pas toujours.
J'ai bien aimé ce livre car il est rapide et très facile à lire et l'on passe un bon moment, cependant il s'agit malgré tout d'une énième histoire de réfugié vietnamien sans grande originalité.
jeudi 29 septembre 2016
"Mes impudeurs" de Marco Missiroli
Nous suivons la découverte du sexe et de la sexualité d'un jeune adolescent devenant homme.
Livre très sympa et agréable à lire, on se prend au jeu et on s'attache au personnage.
C'est juste une simple histoire bien écrite, qui fait du bien, un bon moment de lecture et de détente.
❤️❤️❤️ "Terres et cendres" de Atiq Rahimi
Un grand-père emmène son petit-fils retrouver son père qui travaille dans les mines. La route est longue, désertique et laisse tout le loisir à l'esprit de se promener...
Son texte est poignant, touchant, simple et dur à la fois.
Je ne veux/peux pas trop en dire car tout est dans le texte, les mots, l'ambiance. On entend le vent, le silence du désert, on sent la poussière s'infiltrer dans notre nez, dans les yeux, on sent la chaleur sèche, on voit la peur, le désarroi, l'incompréhension.
Tout simplement magique et magnifique !
Un film a été tiré de ce texte, je vais m'empresser de le regarder.
Il faut aussi signaler que la traductrice (Sabrina Nouri) a fait un travail formidable et la note qu'elle nous livre résume son travail, et le livre, tout est dit.
"J'ai voulu que mon âme afghane guide ma main française pour que d'autres me suivent dans ce voyage au coeur de la douleur discrète d'un vieil homme et d'un enfant, la douleur d'un peuple."
mercredi 28 septembre 2016
"Mémoires de porc-épic" de Alain Mabanckou
J'ai découvert Alain Mabanckou un petit peu par hasard l'année dernière en regardant une de ses interviews à la télévision, ce dandy chic m'avait convaincu de le lire, à l'époque il s'agissait de "Petit Piment", son "parlé" étant riche et passionnant. Grande déception, enfin soyons honnête, déception sur la seconde moitié du livre.
Ayant beaucoup entendu parler de son "chef d'oeuvre", livre dont l'article est le sujet, je me suis dit "allons-y ! Les auteurs ont droit à une seconde chance."
Bien m'en a pris.... hélas !
Ce conte africain n'est certes pas mauvais mais à croire que l'écriture de Mabanckou ne fonctionne pas sur moi.
Nous avons donc un porc-épic, qui se trouve être un double-nuisible et qui vient de perdre sa moitié humaine; il revient donc sur leur histoire. L' Homme en prend pour son grade...
Bien sûr il y a des vérités, des choses intéressantes, mais pour moi beaucoup trop de poncifs, rien de nouveau sous le soleil.
Allez je suis un peu dure mais soyez certain que je ne recommencerai pas le test tout de suite....
(flûte il fait parti de la rentrée littéraire, oh ben un de moins à lire ...)
"...l'intelligence est une graine qu'il faut arroser afin de la voir s'épanouir un jour, devenir un arbre fruitier bien enraciné, [...] je sais à présent que la pensée est quelque chose d'essentiel, c'est elle qui inspire aux hommes le chagrin, la pitié, les remords, voire la méchanceté ou la bonté, [...]"
"J'ai appris des hommes le sens de la digression, ils ne vont jamais droit au but, ouvrent des parenthèses qu'ils oublient de refermer."
jeudi 22 septembre 2016
❤️❤️❤️ "Les putes voilées n'iront jamais au Paradis !" de Chahdortt Djavann
Chahdortt Djavann s'est inspirée d'un fait divers réel survenu dans la ville sainte de Mashhad en Iran où 16 corps de femmes - de prostituées - ont été retrouvé gisants dans la rue ; il fut question d'un tueur en série qui "nettoyait" la ville de ses femmes impures...
Chahdortt Djavann a décidé de donner une parole à ces prostituées, une vie, des mots qui racontent d'où elles viennent, ce qu'elles vivent, comment elles le vivent....
Ainsi tout en suivant le destin de deux fillettes, nous découvrons celui de plusieurs de ces femmes devenues des prostituées pour diverses raisons.
Elle ne mâche pas ses mots pour nous emmener dans l'horreur et la misère, en nous tenant la main elle nous fait venir au plus proche de ces femmes, de ce pays, de ces lois qui n'ont aucune considération pour une moitié de l'humanité. C'est un grand cri d'alarme, non, la femme n'est pas au bout de ses peines et même si nous avons beaucoup obtenu depuis le siècle dernier il reste malheureusement encore un très long chemin à parcourir pour beaucoup, beaucoup d'entre nous. Je ne suis pourtant pas une féministe engagée mais je réalise que j'ai eu tellement de chance de naître dans un pays "civilisé" où nos droits sont tellement plus développés, où nous sommes considérées - presque - à l'égal de l'homme.
Ce livre puissant m'a bouleversée, émue, perturbée... J'ai noté de nombreux passages à lire, relire, méditer...
Je vous en livre quelques uns ici.
"Comment expliquer aux hommes occidentaux, dont les yeux se repaissent à volonté des jambes interminables des mannequins, des culs moulés dans les bikinis des filles blondes ou brunes, des nichons pigeonnants superbement mis en valeur par des décolletés généreux... comment expliquer à ces hommes occidentaux que dans la ville sainte de Mashhad, lorsqu'un bref instant un tchador noir s'entrouvre, le feu d'artifice s'allume dans le regards des mâles frustrés qui ne pensent qu'à y pénétrer ?"Ce constat déjà lu chez Saphia Azzedine, à force d'empêcher on crée la frustration, frustration qui amène (à) la viol-ence.
"Un rien fait de vous une pute dans cette contrée. Femme, dès qu'on vous remarque, pour quelque raison que ce soit, vous êtes forcément une pute. Une femme vertueuse est une femme invisible."Et l'homme qui la regarde et en qui naît de mauvaises pensées, est lui admirable....
" « Cinq corps de femmes de rue - façon pudique de nommer celles qui font le trottoir - ont été trouvés. [...] Quelqu'un les a éliminées.» Ce mot «éliminées» évitait soigneusement le terme «assassinées», qui pouvait heurter les plus farouches des fanatiques. L'assassinat est condamnable selon la charia, tandis que l'élimination de fessad (mot persan d'origine arable qui désigne ici la prostitution) est le devoir de chaque musulman."C'est le début du chapitre intitulé "le sang sans valeur" où il nous est expliqué que tuer une personne dont le sang est sans valeur ne revient pas à commettre un assassinat puisque "sans valeur" on ne commet pas de péché et l'on n'est donc pas punissable par la loi... bien entendu une prostituée est de sang sans valeur, et c'est le discernement islamique qui permet de savoir si une personne est de sang sans valeur...
"La sécurité des femmes n'a jamais été aussi en péril que depuis que les dogmes islamiques font office de loi dans ce pays." [...] dès que les extrémistes islamistes s'emparent du pouvoir, ils s'en prennent tout de suite au plaisir en général, et au plaisir sexuel en particulier. [...] Pour eux, la sexualité des femmes est diabolique. Ils ne supportent pas l'idée que leur mère ait écarté les jambes pour les fabriquer. Remarquez, elles auraient mieux fait de s'abstenir."
"Être pute, tout le monde l'est, plus ou moins je veux dire ... y a des centaines de millions de femmes dans le monde qui couchent avec leur mari sans plaisir. Femmes au foyer, elles s'occupent du ventre et du bas-ventre de leur mari et n'ont nulle part où aller. C'est dire que coucher avec un homme sans plaisir, ça arrive tous les jours et à des centaines de millions d'épouses. [...] C'est dire qu'il n'y a qu'un pas entre se prostituer et se marier. Et pourtant, ces femmes mariées nous condamnent du haut de leur vertu mercantile. Alors que dans les deux cas, on demande, avant toute chose : combien ? À ceci près que dans le mariage, les épouses se vendent à un seul homme pour un prix global, tout compris. Mais nous, une fois le client parti, nous sommes libres. Le prix n'est pas le même. Les avantages et les inconvénients non plus."
"Plus ils interdisent, plus les jeunes deviennent avides. Alors que mettre du rouge à lèvres est interdit aux femmes, Téhéran a été surnommée "la capitale du rouge à lèvres". Et rien que ça en dit long sur l'opposition entre la population et ce régime. [...] Ce pays est devenu un merdier pas possible. Trente-cinq ans de répression, de privations, d'interdits et d'humiliations en tout genre ont rendu les gens avides, malhonnêtes et tricheurs."
Et pour aller plus loin je vous invite à lire ou relire Saphia Azzedine sur le thème des islamistes "Bilqiss" et Delphine Minoui pour l'Iran "Je vous écris de Téhéran".
Grasset, 205 pages.