"L'Alphabet du silence" de Delphine Minoui

 

Istanbul, 2016, Ayla et Göktay sont amoureux, parents d’une petite Deniz et tous les deux professeurs à l’université.


Ce matin du 15 janvier tout bascule lorsque Göktay se fait violemment arrêter au saut du lit pour avoir signé une pétition pour la paix.
Ayla sombre dans la dépression et l’incompréhension, elle est tétanisée mais bientôt elle va s’engager et tout faire afin que son mari puisse retrouver sa liberté.


Entre attentats, putsch raté, répression massive, Ayla nous emmène au cœur d’une Turquie tenue d’une main de fer par Erdogan son président.
Une Turquie aux multiples couleurs et facettes, si belle, intense, florissante….et pourtant victime de son Histoire complexe et riche.


Une histoire d’amour, de douleur, de colère, de justice, de paix et de liberté, une histoire où la Turquie multiculturelle nous montre le meilleur comme le pire.


Delphine Minoui, grand reporter au Moyen-Orient depuis de nombreuses années me procure toujours le même bonheur, elle nous offre une lecture passionnante, forte et extrêmement touchante.


Je ne peux que vous recommander les deux titres précédents que j’ai lu qui sont “Je vous écris de Téhéran” et “Les passeurs de livres de Daraya”, deux livres incroyables à découvrir absolument.

L'Iconoclaste, avril 2023

"Le temps des féminismes" de Michelle Perrot avec Eduardo Castillo

 

Michelle Perrot est historienne et elle est aussi féministe, dans ce texte écrit avec un ancien étudiant, elle revient sur l’histoire du féminisme.

Différentes thématiques sont abordées et son point de vue est intéressant car elle a su prendre du recul et nous expliquer de manière très claire et succincte l’Histoire du féminisme. De la révolte de subsistance à la libération des femmes, en passant par les violences, discriminations et autres injustices.


J’ai particulièrement aimé que son propos soit modéré, clair, accessible à tous et d’une évidence nette.

“ Je revendique le féminisme comme mouvement historique et mouvement de pensée toujours actuel, qui conteste la domination masculine, cherche à établir l’égalité des sexes et la liberté des femmes…”

Il est question aussi de la responsabilité des femmes de part la transmission qu’elles font des manières d’être, des pratiques et des valeurs. Elle nous parle d’une conscience féministe qui passe par des ruptures d’évidence, d’un accès essentiel à l’autonomie financière.
Elle nous dit aussi l’importance des mots, du vocabulaire sur l’évolution des mentalités en citant Gisèle Halimi 

“...les mots traduisent toujours une idéologie. Laisser passer un mot, c’est le tolérer. Le langage nous piège sans que nous nous en rendions compte. Nommer, c’est faire et faire exister.”

Un texte court, facile à lire et tout à fait passionnant, que je recommande à toutes et tous pour mieux appréhender le sujet, les différentes thématiques que cela touche et se sensibiliser à un problème encore trop présent.

“ Le féminisme est un éveil des femmes à leur situation, à leur conscience d’individus, un éveil personnel et collectif [...] Etre féministe signifie lutter contre l’ombre, l’ombre dans laquelle les femmes dans l’histoire étaient ensevelies et l’ombre sur les problèmes que posent les rapports entre les hommes et les femmes, y compris la sexuatité. Je vois le féminisme comme une ouverture, comme la dissipation d’un brouillard”.

Grasset, janvier 2023

"Week-end entre filles" de Sarah Alderson

 

Kate et Orla, la narratrice, sont de vieilles copines et régulièrement elles partent ensemble en week-end, juste toutes les deux.
Cette fois elles décident de partir à Lisbonne. Pour Orla ce week-end est bienvenue, maman depuis peu, elle est épuisée et a besoin de se ressourcer même si la séparation d'avec sa petite fille est compliquée.


Mais le week-end ne se déroulera pas comme prévu, après une soirée un peu trop arrosée Orla va se réveiller seule dans la grande maison louée par son amie. Kate a disparu, elle est introuvable et ne répond pas à son téléphone.
Pour Orla va commencer une quête pour retrouver son amie qui aura des répercussions inattendues pour elle et qui va révéler des secrets dont elle se serait bien passée.


Un thriller captivant qui va questionner l’amitié, le couple, le voyeurisme et la confiance. Après un début un peu lent, on est pris au piège de l’intrigue et on ne lâche plus avant de connaître le fin mot de l’histoire.

Les Escales, janvier 2023

"Le bureau d'éclaircissement des destins" de Gaëlle Nohant

 

Irène est depuis longtemps installée en Allemagne, elle y a construit sa vie après avoir quitté sa France natale.
Elle travaille depuis de longues années à “L‘International Tracing Service”. Ce bureau rassemble des milliers de fiches, de documents, de lettres et même des objets récupérés après la fin de la seconde guerre mondiale.
Ce conflit mondial a ravagé la vieille Europe, des centaines de familles ont été séparées ; entre les personnes envoyées dans les camps de la mort, ceux qui ont décidé de fuir la guerre à l’autre bout du monde, des millions de personnes ont été déplacées, peu ont pu revenir chez elles.


Alors dans ce bureau, niché au coeur d’un ancien village nazi, on essaie de relier.
Relier les hommes et les femmes, relier des objets, relier des lettres, informer des destinées des uns et des autres, autant que possible.


Et Irène se bat, chaque enquête est longue, minutieuse et ne peut pas toujours aboutir… mais lorsqu’un descendant peut récupérer un objet ayant appartenu à un ascendant, lorsqu’une famille peut enfin savoir ce qui est arrivé à un de leur membre, quand on peut se retrouver, se rencontrer, quel plus beau cadeau pour ces travailleurs acharnés de ITS.


Gaëlle Nohant nous emmène sur un chemin étonnant, mais absolument passionnant et hyper touchant, reliant le passé et le présent avec chacune de ces histoires uniques et pourtant si nombreuses, un véritable embarquement dans le tourbillon des conséquences de cette guerre atroce. Un moment fort d’humanité et d’altruisme. 

Grasset, janvier 2023

Un peu de féminisme ...

                    

Il y a quelques temps je montrais à une amie d’un certain âge un livre que j’étais en train de lire sur l’écoféminisme, elle m’a vertement remise à ma place me disant que les femmes de sa génération avaient fait bien assez pour nous et que nous, les femmes de ma génération, n’avions rien inventé.

Je n’ai pas honte de dire qu’à 45 ans je découvre seulement depuis quelques mois le féminisme ; mon éducation et ma vie de femme m’avaient empêchées (de moi-même) de m’intéresser à ce sujet. La vie et les remises en question m’ont enfin accordées d’essayer de rattraper mon retard, je me suis donc lancée dans quelques lectures qui me permettent aujourd’hui de me faire ma propre opinion, de réfléchir, de comprendre.


Alors oui je ne renie pas ce que les femmes ont fait avant, et je les remercie du fond de mon cœur, mais malheureusement il y a encore un bout de chemin à faire…

Je me sens féministe, mais je ne suis pas contre les hommes, et je rêve du  jour où ce terme sera caduque et n’aura plus lieu d’exister.
Mais avant cela j’aimerais que ce mot ne soit plus perçu comme un vilain mot, qu’il soit perçu et entendu comme il le mérite et non pas galvaudé.


Les différents ouvrages que j’ai lu sont de mon point de vue plutôt modérés, ils traitent de la condition des femmes, de leur reconnaissance, de leur rapport à l’argent, de la violence dans les couples et les familles, de ce que c’est que d’être une femme, de se sentir femme, mais aussi d’écologie, de respect, de tolérance….

Bref c’est un sujet passionné et passionnant et je poursuis encore et toujours mes lectures afin d’avoir un esprit le plus ouvert possible, je ne veux plus faire semblant que tout va bien, j’aimerais vivre en harmonie, dans le respect des uns et des autres, des différences et des similitudes.

"Le complexe de la sorcière" de Isabelle Sorente

 

Voilà un livre dont il est bien difficile de parler, enfin je devrais plutôt dire d’écrire, car en parler je crois que je pourrais le faire pendant des heures tellement il y a de sujets à aborder, tellement mes pensées ont été sollicitées.

C’est l’apparition d’une sorcière qui déclenche tout, une sorcière enchaînée, maltraitée, torturée, la narratrice se renseigne, lit sur les chasses aux sorcières qui ont fait trembler  la vieille Europe, des décennies de femmes menacées, traquées, assassinées.

Comment ces chasses n’ont-elles pas eu un impact sur les générations de femmes que nous sommes aujourd’hui ? Et les hommes ?

Temps où nous parlons beaucoup du lien transgénérationnel ; une telle violence, une telle hargne à l’égard d’une partie de la population ne peut pas rester sans conséquence pour les générations à venir.

Qui est ce grand Inquisiteur qui cherche à nous pourrir la vie ? 

Tout en nous parlant de sa propre vie, de son histoire d’adolescente et des hommes rencontrés, la narratrice tente de comprendre le message de la sorcière, ce qu’elle veut lui montrer.

Il y a tellement de choses qui ont fait écho, qui m’ont interpellées, bousculées. Je suis encore en plein questionnement, en recherche, je découvre que je peux, que je dois penser par moi-même, que j’en ai la capacité, mon inquisiteur est en recul, je ne lui laisse plus trop de place mais je sais qu’il est encore là, tapi dans un coin, mais il n’aura pas ma sorcière.


J’aime tellement l’ouverture d’esprit de cette autrice, cette capacité à se livrer tout en nous parlant de nos sujets universels, j’aime cette ouverture d’âme, cette transcendance.

Merci @isabellesorente de me pousser toujours plus loin et merci @mots_les_coeurs de m’avoir guidé vers cette lecture. 💖💖

JCLattès, janvier 2020

"A prendre ou à laisser" de Lionel Shriver

 

Lorsque le père de Kay décède après de longues années de maladie, son cher et tendre époux Cyril lui propose un pacte : lorsqu'ils auront tous les deux 80 ans, ils se suicideront pour ne pas vivre le même calvaire et ne pas le faire supporter à leur entourage et à la société toute entière.

A partir de là 12 scénarios se succèdent sur ce qu’il pourrait se passer le jour de l’anniversaire des 80 ans de Kay, des plus plausibles au plus farfelus.

Une critique désopilante de la vieillesse, du système anglais, de la crise Covid et post-covid, du Brexit, de la NHS….
Un roman drôle, des situations cocasses, des relations humaines acerbes,  parfois émouvantes.

Des personnages au caractère bien trempé, caricaturales parfois mais tellement authentiques.


Bref on s’amuse, on rigole, un très bon moment de lecture.

Belfond, janvier 2023

"Vigile" de Hyam Zaytoun

 

Un livre d’amour d’une puissance folle !!!

Lorsque son compagnon fait un infarctus et se retrouve dans le coma à l’hôpital, la narratrice mobilise toutes les forces de vie et d’amour qu’elle a en elle pour passer les journées, les nuits épaisses, tenir auprès de ses enfants, insuffler une nouvelle force de vie à son compagnon.

Elle n’est pas seule. La famille, les amis, les voisins…tout le monde est là, tout le monde  se mobilise, les entoure l’un et l’autre, de leur tendresse, de leur douceur, de leur présence.

Et chaque jour elle lui raconte, des mots, des histoires, leur histoire, leur vie.
Elle est l’espoir et la peur,
elle est la mémoire et l’oubli,
elle est l’amour et amour.

Un texte qui m’a bouleversée, qui se lit d’une traite dans les heures sombres de l’inquiétude. C’est court, dense, intense, un coup de coeur !

Le Tripode, janvier 2019

"L'instruction" de Isabelle Sorente

 

Tout va trop vite !

Notre vie, le boulot, la planète qui s’effondre, les relations avec les autres…
Nous ne prenons plus le temps de prendre le temps, de respirer, de vivre.

Alors pour se reconnecter à son âme, à l’essence de la vie, la narratrice décide de suivre une instruction donnée par un moine bouddhiste.

“Que celui qui cherche une vie nouvelle se mette à la place d’un animal conduit à l’abattoir”.

Et c’est ce qu’elle va faire, essayer de se mettre à la place de cet Animal.

Renseignements pris elle se rendra en premier lieu dans une structure de production de porcs, découvrir le fonctionnement de cette énorme machine.
Elle va essayer de comprendre ce que peuvent vivre les animaux enfermés là et ne voyant jamais la lumière du jour, mais aussi ce que vivent les hommes qui travaillent là jour après jour…


Un livre fort, qui nous pousse dans nos retranchements, nous pousse à réfléchir, mais qui ouvre aussi nos yeux, une nouvelle voie, une nouvelle façon d’envisager et d’appréhender les choses.


Et si on essayait un peu plus de se mettre à la place de l’Autre !

JCLattès, janvier 2023

"Note sur l'instruction 15 : Toute peur est une peur de franchir la mauvaise frontière, de la franchir sans le savoir et de le comprendre trop tard."

"Note sur l'instruction 16 : Se mettre à la place de l'autre ne consiste pas à parler à sa place. Se mettre à la place de l'autre ne consiste pas à substituer sa subjectivité à la sienne. C'est ça, l'anthropomorphisme, l'abus de pouvoir éternel de celui qui parle sur celle qui est privé de parole. Se mettre à la place de l'autre consiste à créer une image. Une image troublante, furtive, qui n'est n'est ni moi ni l'autre, mais notre échange de regard, le croisement imaginé de nos deux perceptions."

"C'est comme pour les femmes, dit-elle. _ Comment ça, comme pour les femmes ? _au fond, les hommes ne supportent pas l'idée de nous faire souffrir. C'est pour ça qu'ils ont inventé le masochisme. Pour se faire croire qu'on aimait ça, la soumission, l'aliénation, pour se faire croire qu'on en a besoin." 

 

"L'heure des femmes" de Adèle Bréau

 

Dans ce très beau roman Adèle Bréau nous emmène dans l’histoire de 4 femmes.

A la fin des années 60, Mireille, jeune mère de famille de déjà six enfants, gère sa maison, ses enfants et prend soin de son mari, elle est totalement et entièrement dévouée. Suzanne est sa sœur, elle a 24 ans, déjà presque vieille fille, elle travaille comme bonne dans une riche famille parisienne.

Ménie Grégoire bourgeoise d’une cinquantaine d’année, mère de famille, mariée à un homme bienveillant et à l’écoute qui travaille dans l’administration française ; c’est elle qui va changer la vie de millions de femmes en créant l’émission “Allô, Ménie" puis “Responsabilité sexuelle” sur radio luxembourg qui deviendra RTL. C’est la dame de coeur !

La dernière est Esther, jeune femme contemporaine qui va faire un travail de recherche sur Ménie, et ainsi ouvrir les yeux sur sa vie.

Une période historique fondamentale pour l’évolution des conditions de vie des femmes, et du regard posé sur elles, mais aussi sur leur sexualité et les difficultés rencontrées dans les familles.

Pourquoi ce nom de Ménie Grégoire m’est inconnu alors que cette femme a tant fait pour ses semblables, pourquoi a-t-elle pu ouvrir une porte à cette époque qui semble s’être ensuite refermée et que le mouvement #metoo a enfoncé une seconde fois ?

Des histoires touchantes, dramatiques, terribles… et pourtant ce n’est pas si vieux, il s’agit de nos mères et de nos grands-mères (enfin en ce qui me concerne…), mais ce qui est terriblement frustrant c’est que même si la situation a énormément évolué, il reste malgré tout ce sentiment qu’il y a encore beaucoup à faire, notamment concernant les relations homme-femme et aussi le regard (oserais-je dire le jugement ?) posé sur les femmes.

J’ai absolument dévoré ce livre qui m’a emportée, transportée, soufflée.

Merci à @adèlebreau de nous avoir partagé l’histoire romancée et romanesque de sa grand-mère, quel héritage fabuleux !

JCLattès janvier 2023