"... l'habitude du désespoir est pire que le désespoir lui-même. "
Il y a quelques années j’ai trouvé chez un bouquiniste de rue un exemplaire de la Peste, édité au cours des années 60, je le gardais précieusement de côté mais depuis quelques mois je l’avais ressorti pour le mettre en haut de ma Pile-à-Lire et finalement au vu de la situation je me suis dit qu’il était temps.
Chroniquer « La peste » n’est vraiment pas aisé…
Je me sens toute petite face à ce monument de la littérature et je trouve difficile de devoir écrire à son sujet. J’ai beaucoup repoussé ce moment me demandant même si cela était nécessaire ; mais c’est un livre que j’ai lu, un livre qui m’a beaucoup plu donc je vais en parler, le plus humblement possible, et sûrement très mal, pardonnez-moi d’avance !
Oran, des rats meurent, dans les immeubles, dans les rues, des dizaines puis des centaines et rapidement les hommes sont touchés. On n’ose prononcer ce mot affreux de « peste » mais c’est bien d’elle dont il s’agit.
"Par conséquent, il importe peu que vous l'appeliez peste ou fièvre de croissance. Il importe seulement que vous l'empêchiez de tuer la moitié de la ville."
Et puis la ville est mise en confinement, elle est fermée, on ne peut plus ni entrer ni sortir, c’est le début de l’exil.
On suit le docteur Rieux, qui pourrait aujourd’hui être associé à un lanceur d’alerte, car il comprend vite de quoi il s’agit et se bat avec la préfecture pour faire appliquer les règles strictes liées à une épidémie.
Petit à petit le nombre de malades et surtout de morts va augmenter et la ville va devoir s’organiser pour gérer cette situation au mieux. Les écoles sont réquisitionnées, ainsi que les stades, tout espace qui peut être utilisé pour être transformé soit en hôpital soit en lieu de quarantaine.
La résistance ( ! ) se met en place aussi autour du Docteur Rieux, notamment avec Tarrou et Rambert qui se battront jusqu’au bout pour aider leurs prochains.
Bien sûr Camus a écrit ce livre peu de temps après la seconde guerre mondiale et tout le monde sait qu’il fait une belle analogie entre la peste et le nazisme. On peut retrouver assez facilement les parallélismes et associations d’idées qui sont d’ailleurs souvent très intelligentes et surtout très bien représentés.
Cependant, sans le savoir, il a aussi écrit une vraie belle description d’une épidémie, voire même d’une pandémie si l’on compare Oran à notre humanité.
Certains passages sont tellement d’actualité que c’en est troublant. Il y a tant de situations que l’on peut appliquer à ce que notre monde vit aujourd’hui, tant de situations que nous comprenons tous, malheureusement.
J’ai énormément apprécié ce livre, pour sa lecture à deux niveaux, pour la finesse de l’auteur, celle de Rieux et de ses amis Tarrou et Rambert dont les motivations initiales sont assez différentes mais qui finalement se rejoignent dans leur humanité.
Je me suis attachée à ces personnages (malgré l’absence cruelle des femmes …)
"C'est que rien n'est moins spectaculaire qu'un fléau et, par leur durée même, les grands malheurs sont monotones. Dans le souvenir de ceux qui les ont vécues, les journées terribles de la peste n'apparaissent pas comme de grandes flammes somptueuses et cruelles, mais plutôt comme un interminable piétinement qui écrasait tout sur son passage."
"Nos concitoyens s'étaient mis au pas, ils s'étaient adaptés, comme on dit, parce qu'il n'y avait pas moyen de faire autrement. Ils avaient encore, naturellement, l'attitude du malheur et de la souffrance, mais ils n'en ressentaient plus la pointe."
"... l'habitude du désespoir est pire que le désespoir lui-même. "
"Rieux secoua la tête avec son mouvement habituel, et dit que c'était l'affaire de Rambert, que ce dernier avait choisi le bonheur et que lui, Rieux, n'avait pas d'arguments à lui opposer. Il se sentait incapable de juger de ce qui était bon ou de ce qui était mal en cette affaire."
"Tarrou avait perdu la partie, comme il disait. Mais lui, Rieux, qu'avait-il gagné ? Il avait seulement gagné d'avoir connu la peste, et de s'en souvenir, d'avoir connu l'amitié et de s'en souvenir, de connaître la tendresse et de devoir un jour s'en souvenir. Tout ce que l'homme pouvait gagner au jeu de la peste et de la vie c'était la connaissance et la mémoire. Peut-être était-ce cela que Tarrou appelait gagner la partie ? "
"... et pour dire simplement ce qu'on apprend au milieu des fléaux, qu'il y dans les hommes plus de choses à admirer que de choses à mépriser."
Gallimard, 332 pages. 1947